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Actualités - REPORTAGES

Loisirs - Le Liban vu du ciel grâce au club Thermique Voler : un rêve devient réalité grâce au parapente(photos)

Huit heures du matin, samedi, les Cèdres. Une dizaine de personnes, les yeux encore mi-clos après une trop courte nuit, chaussures montantes et pantalons poussiéreux, se rassemblent dans un silence endormis devant une petite roulotte jaune. Le point commun de ses zombies des premières heures de l’aube : ils ont tous fait le rêve d’Icare et sont là pour l’accomplir. Grâce à une voile de parapente, ils vont voler. Tour à tour, les élèves de l’école Thermique de parapente se dirigent vers la petite roulotte pour prendre la voile qui leur a été assignée, en fonction de leur poids, par Raja Saade, directeur du club, ainsi qu’un casque. Puis, chacun monte dans la Land Rover de l’école après y avoir arrimé sa voile à l’un des crochets. Raja prend le volant, ce matin il tient le décollage pendant que Jihad, moniteur, se rend au terrain d’atterrissage, une radio dans une main et deux grandes raquettes rouges dans l’autre, mesure de sécurité supplémentaire pour guider les élèves à distance en cas de défaillance d’une radio. À bord de la Land, les élèves commencent doucement à se réveiller. Tout le monde se salue. Ce sont tous des habitués. Ils appartiennent à la famille parapente. Chaque week-end, ces passionnés se retrouvent pour quitter le plancher des vaches et planer ensemble dans l’ambiance conviviale du club. Quelques virages plus tard, la fidèle Land Rover, dont les records de chargements n’ont jamais pu être réellement définis, arrive au décollage intermédiaire des Cèdres, 450 mètres au-dessus de l’atterrissage. Les élèves s’arrêtent ici. Pendant qu’ils descendent le petit chemin escarpé qui mène à la grande moquette aménagée pour un décollage plus facile et plus sûr, Raja poursuit sa route jusqu’au col pour contrôler les conditions météorologiques. Car la nature est parfois traître. La situation peut paraître optimale à l’intermédiaire, et en réalité s’avérer être très dangereuse selon les informations recueillies au col. Au col, tout est clair, ce qui explique que cet endroit soit un passage obligé pour Raja avant de donner son accord au grand départ des élèves. On étale ! Au décollage, les élèves attendent le retour de Raja pour étaler leur voile. Tous redoutent la sentence si frustrante : «Ça ne vole pas». Tous espèrent la formule magique : «Allez, on étale ! !». Un vent trop fort, mal orienté, arrière par exemple, et c’est la déception parmi les parapentistes. Un vent de face, et c’est le bonheur. Après quelques dernières tergiversations correspondant au passage de la brise de nuit à la brise de jour montant de la mer, la biroute indique enfin un vent de face. Le décollage est possible. On étale ! Quelques élèves descendent sur la moquette, ouvrent le grand sac dont ils extraient leur voile. Bleu, rose, orange, le sol devient multicolore. Les voiles dépliées, vient alors le moment du démêlage des suspentes, ces longues ficelles qui relient la sellette (le siège du parapente) à la voile. Un mauvais démêlage peut créer un nœud aux conséquences parfois dramatiques. Le démêlage est de ce fait un moment crucial qui requiert une grande concentration. Patience, maître-mot du parapente La voile bien étalée, le démêlage effectué, le parapentiste peut s’installer dans sa sellette. Il boucle les cuissardes puis la ventrale. Il installe son casque sur la tête et sa radio autour du cou. Raja arrive et, après une vérification globale, fait un test radio avec Jihad à l’atterrissage. Tout est Ok. Raja descend un peu la pente, face au parapentiste. Une légère brise remonte de la colline, les conditions sont optimales. «Tu me vois, tu m’entends» : un couplet classique avant tout décollage. «C’est quand tu veux», Raja a prononcé la formule magique, le «Sésame» du pilote. Quelques «Bon vol !» fusent de la part des autres élèves, un signe de croix, ou toute autre prière, une profonde inspiration… Et c’est la course. Les bras tenant les élévateurs avant se lèvent, entraînant la voile. Celle-ci monte, se gonfle, s’affale légèrement vers l’avant, un léger freinage et elle vient se positionner juste au-dessus de la tête du parapentiste. Quelques pas encore et les pieds décollent du sol. Les cailloux s’éloignent, l’horizon s’ouvre devant le pilote, la vallée apparaît, majestueuse et silencieuse. Dès qu’il s’est éloigné du relief, le pilote s’installe bien dans sa sellette, il prend les commandes en main, et le plaisir commence. Un virage à droite, il se place dans l’axe du plan de vol : direction l’atterrissage. Pour l’instant, il doit se contenter d’un «plouf», un vol rapide et direct à l’atterrissage. Mais déjà, il rêve de plus, il veut prendre des thermiques, longer le relief, rester des heures en l’air. Patience. Maître-mot du parapente. S’il faut absolument avoir la volonté de progresser, le parapente requiert de la part de l’élève une certaine maturité. Ce sport comporte quelques risques, mais il n’est pas dangereux aussi longtemps que les règles de sécurité de base sont respectées. Ces règles de base, l’élève les apprend lors d’un cours théorique, avant son premier vol. Durant ce cours, les trois principaux points de l’apprentissage du vol en parapente sont abordés : la physique de vol qui comporte toutes les explications sur la voile, la réglementation aérienne et quelques notions de météo sur les vents, les nuages et les zones à risques. Par la suite, il suit également d’autres cours mais, surtout, il apprend énormément lors de discussions avec d’autres parapentistes plus expérimentés. Ces derniers ne rechignent jamais à distiller leurs bons conseils créant ainsi une ambiance particulière au sein de Thermique. Le club est devenu un petit monde en soi imprégné de l’esprit parapente, ce qui représente pour Raja, sa plus belle réussite. Les pilotes plus avancés vont faire rêver les néophytes en leur relatant leurs vols. Capables de voler dans des conditions plus turbulentes, ces parapentistes décollent généralement à partir de midi. Et là, pas de «ploufs» mais plutôt de longs vols, rendus possibles par l’aptitude des pilotes à enrouler des thermiques, ces courants ascendants d’air chaud, ou encore à faire du soaring, c’est-à-dire à voler assez près du relief pour capter d’autres courants ascendants. Pendant que Johnny, jeune garçon des Cèdres, aide les élèves à ranger leur voile, ces derniers observent avec émerveillement et envie ces parapentistes chevronnés, véritables oiseaux dans le ciel bleu des Cèdres. Leurs déplacements sont légers, magiques. Virages parfaits, enroulement de thermiques, 360 (virage de 360 degrés de plus en plus rapide permettant au pilote de perdre de l’altitude), les voiles se croisent dans un ballet multicolore. Puis les conditions devenant trop fortes, les grands oiseaux daignent rejoindre le plancher des vaches pour quelques heures avant les vols du soir. Durant cette période d’attente, une notion essentielle au parapente puisque le pilote attend toujours les bonnes conditions, les pilotes s’occupent de diverses manières. Déjeuner en groupe dans un petit restaurant non loin de l’atterrissage, match de basket sur le terrain de l’hôtel Alpine, repère des parapentistes ou bien, tout simplement, sieste dans la cabane. Un langage du corps Les heures passant, la pression commence à remonter. Vers quatre heures, les pilotes se regroupent autour de la cabane. Les vols de soir vont reprendre. Chacun cherche sa voile. Si le pilote n’a pas encore sa propre voile, le club lui en fournit une. Dans les deux cas, le parapentiste développe une relation forte avec cette voile. Il a appris à la connaître, il sait sa manière de se lever. Cette relation est intense, physique. La communication entre le parapentiste et sa voile passe par un langage du corps, une majeure partie du pilotage étant une question de feeling, de sensations. L’heure est maintenant au vol. Sur la moquette, de nouveaux venus étalent leur voile. Ils ont appris à la gonfler toute la matinée. Un travail ingrat et épuisant, mais dont la maîtrise est indispensable pour effectuer le premier vol en solo. Dans la plupart des cas, les nouveaux élèves ont effectué un vol en biplace qui les a convaincus d’apprendre à voler. Maintenant, ils sont seuls et dans la plupart des cas une certaine appréhension leur tiraille le ventre. Raja les prépare, Jihad effectue le test radio. Cette voix qui va les guider jusqu’au terrain d’atterrissage, ils vont s’y accrocher comme à une bouée durant toute la durée de leur premier vol. Une fois les pieds sur terre, ils réalisent qu’ils ont oublié de regarder autour d’eux, que tout était trop rapide. Mais par-dessus tout, ils sont heureux, infiniment heureux et n’ont qu’une hâte : remonter. Remonter au décollage pour effectuer un nouveau vol et, cette fois-ci, admirer la vallée des Cèdres. Ils veulent vivre ce que les anciens leur ont raconté : le silence, le bruissement de la voile qui fend l’air, le planer, la liberté, un vol sur une mer de nuages, un vol face au soleil couchant, un vol dans un ciel enflammé, un vol en parapente.
Huit heures du matin, samedi, les Cèdres. Une dizaine de personnes, les yeux encore mi-clos après une trop courte nuit, chaussures montantes et pantalons poussiéreux, se rassemblent dans un silence endormis devant une petite roulotte jaune. Le point commun de ses zombies des premières heures de l’aube : ils ont tous fait le rêve d’Icare et sont là pour l’accomplir. Grâce à une voile...