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Actualités - REPORTAGES

Le temps s'est figé dans un pays d'habitude si pressé Eclipse de voitures et de passants au Liban(photos)

Certains prétendent que l’éclipse du Soleil est souvent accompagnée de phénomènes impressionnants. Ils n’auront pas eu tort en ce qui concerne le Liban. L’éclipse partielle qu’on a pu observer dans notre pays aura réussi un exploit impensable : vider les rues généralement si embouteillées ! De l’autoroute aux ruelles les plus étroites, des quartiers chics aux plus populaires, pas un chat. Une même immobilité partout, et le temps semblait suspendu sur une ville d’habitude si pressée… Pourquoi une grande partie de nos compatriotes a-t-elle décidé de se barricader dans les maisons (l’expression n’est pas exagérée) ? Par peur sans doute, pour la plupart. Peur de l’inconnu, de possibles répercussions «catastrophiques» d’un événement grandiose mais pourtant bien connu des scientifiques. Par pure précaution également. «Pourquoi s’aventurer dehors et prendre des risques inutiles ?», nous ont déclaré plusieurs personnes interrogées. «Parce qu’on voit mieux à la télévision», ont soutenu d’autres. Mais, dans tous les cas, pour une grande majorité de la population active, cette journée aura été synonyme de vacances inespérées et de repos. Une bonne occasion de rester paresser à la maison, en milieu de semaine, dans un calme aussi propice que rare. En effet, les rues de la capitale et des banlieues ressemblaient hier par leur inanité à de petits sentiers de montagne. Sans exagération aucune, on entendait le bruit le plus infime. De temps à autre, un véhicule allant à une allure vertigineuse (de toute évidence, des rues vides incitent «malgré soi» à rouler à 160 km/heure…) passait tel une étoile filante avec un bruit amplifié par le silence et disparaissait aussi vite qu’il était apparu. À bien y penser, c’était cela le vrai danger à éviter sur les routes par une journée pareille ! Inutile de dire que l’on ne devait impérativement avoir besoin de rien hier, la fermeture presque totale des magasins rendant tout achat, même vital, quasi impossible. Ville fantôme L’absence humaine, notamment dans les quartiers résidentiels, était certes la plus spectaculaire. Les gens avaient même renoncé à s’aventurer sur leurs balcons. À certains endroits, on avait placé des journaux sur les vitres pour empêcher toute lumière d’entrer. Les rideaux baissés n’étaient pas rares dans la capitale et sa banlieue. Tony et Juline, deux habitants d’Achrafieh, sont les seuls que nous avons rencontrés sur leurs balcons, en train d’observer l’éclipse avec leurs lunettes. Pour sa part, ne faisant pas exception à la majorité de la population, Edmond, un père de famille, s’apprêtait à coller du papier opaque sur les vitres des fenêtres de sa maison. «Je n’ai pas vraiment peur», a-t-il dit avec un sourire, en faisant mine de faire trembler ses mains. «Mais on nous a prévenu que ce serait plus prudent pour les enfants». Il avait envoyé chercher sa famille de la montagne «pour passer avec elle le temps de cette éclipse». Des passants rarissimes, héros à leur insu, étaient les seuls avec qui il était possible de lier conversation hier. Ils étaient tous plus ou moins bien informés des risques liés à l’observation de l’éclipse et évitaient de regarder le Soleil en face. Peu, cependant, avaient acquis des lunettes. Joseph, propriétaire de restaurant, et Saïd, ouvrier, étaient pratiquement les deux seules personnes rencontrées dans le centre-ville de Jounieh un peu avant le début de l’éclipse. «Je n’ai pas peur de l’éclipse», raconte Joseph. «Je sais qu’il suffit de ne pas regarder le Soleil en face. Je n’ai pas de lunettes spéciales mais je veux juste voir le ciel s’assombrir. C’est un phénomène qui n’arrive pas tous les jours». Pour Saïd, «craindre un phénomène naturel comme l’éclipse est le summum de l’ignorance car ces événements sont le produit de la volonté divine». Des gardiens dans un centre commercial à Kaslik se tenaient, hier, imperturbables à leur poste. «Tant qu’on ne regarde pas le Soleil, quel problème peut-il y avoir ?», dit l’un d’entre eux. «Mais je suis sûr que 90 % des gens paniquent et restent cloîtrés chez eux». Un autre renchérit : «Même certains d’entre nous ne sont pas venus au travail aujourd’hui. Un de nos collègues n’a pas pu quitter la maison parce que sa mère en larmes le suppliait d’y rester !» Si la plupart ont peur, certains n’en affichent pas moins leur indifférence. Hélène, la seule âme qui vive rencontrée brièvement à Zalka, déclarait qu’elle n’avait pas peur, «mais il vaut mieux prendre ses précautions et rester à la maison». Elle n’a jamais acquis des lunettes car elle se désintéresse de ce phénomène. «Je le vois à la télévision, c’est suffisant», dit-elle. Pour certains, il y avait un spectacle qui l’emportait hier sur celui de l’éclipse. Pierre, sa nièce Laura et ses enfants, Marianne et Mansour, contemplaient inlassablement l’autoroute de Jdeidé avec ses nombreux carrefours. Ce capharnaüm du trafic, cauchemar des automobilistes en temps normal, était vide, complètement vide. «J’habite ici et c’est la première fois que je vois cette route si déserte depuis la fin de la guerre», dit-il. «Je veux prendre des photos en souvenir». Même scénario à la place Sassine, au centre d’Achrafieh. Antoine, un habitant du quartier, et Thierry, un Français en vacances, partageaient une paire de lunettes pour contempler l’éclipse qui était à son apogée. Ils ne partageaient par contre la place Sassine qu’avec deux autres personnes. «Ce qui est surprenant, dit Thierry, c’est que je ne vois personne avec des lunettes alors que j’en cherche moi-même depuis le matin». Ce qui est plus surprenant encore, c’est la réaction des gens après la fin de l’éclipse. Il y avait un sentiment général que le phénomène avait été «décevant», qu’«on en avait fait trop». Si une éclipse à 80 % qui n’a causé, à son apogée, qu’une légère baisse de l’intensité de la lumière du Soleil, a provoqué une telle panique, que ce serait-il passé si elle avait été totale ?
Certains prétendent que l’éclipse du Soleil est souvent accompagnée de phénomènes impressionnants. Ils n’auront pas eu tort en ce qui concerne le Liban. L’éclipse partielle qu’on a pu observer dans notre pays aura réussi un exploit impensable : vider les rues généralement si embouteillées ! De l’autoroute aux ruelles les plus étroites, des quartiers chics aux plus...