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Actualités - REPORTAGES

ONG - Plaidoyer pour la moralisation de la vie publique Pas de cohésion sociale sans civisme

Il est assez surprenant d’entendre un expert économique et financier disserter, deux heures durant, sur les notions de patriotisme et de respect d’autrui. Pourtant, Habib Zoghbi, homme d’affaires et économiste connu dans les milieux de Wall Street, nous parle longuement de civisme et d’éthique, passage obligé vers le développement et la construction de la nation. Ce sont bel et bien ces deux concepts fondamentaux qui contribueront, dit-il, à former les Libanais à une véritable citoyenneté, mais aussi à préparer le pays à un avenir économique qui mise de plus en plus sur la solidarité et l’homogénéité sociale. Appartenant à cette génération de Libanais qui se sont imprégnés de civilisation et de culture occidentales pour avoir émigré, le temps d’effectuer des études et un début de carrière remarquable, Habib Zoghbi a décidé avec un groupe d’amis de lancer une Association pour le développement de l’éducation civique et de l’éthique. Drôle d’occupation, serait-on tenté de dire, pour un financier d’une telle envergure. Seulement M. Zoghbi croit dur comme fer que c’est par le biais du civisme que nous parviendrons à réaliser une véritable cohésion sociale. Alors nous pourrons acquérir une force économique et morale qui nous préparera à assumer la concurrence et les défis économiques à venir. De retour au Liban, Habib Zoghbi a ramené avec lui une expérience dont il voudrait partager la substance. «La communauté libanaise ne peut pas aspirer à une cohésion ni à un véritable rendement (au sens large du terme) que par le biais d’une éducation civique et le développement de l’éthique et de la probité chez le citoyen», affirme-t-il. Partout dans le monde, ajoute-t-il, le Libanais a réussi “individuellement”. Il a en effet su rehausser l’image de sa patrie auprès des autres cultures, alors que dans son propre pays, il contribue encore à la ternir. La raison en est simple, commente Habib Zoghbi : elle relève du fait que la notion de la “chose publique” n’est pas encore développée dans ce pays. «Les gens doivent être sensibilisés à la notion de “bien commun” par le moyen duquel on arrive à obtenir plus d’avantages et d’intérêts personnels que par le biais de l’égoïsme. Le progrès, reprend M. Zoghbi, ne peut être réalisé que par le moyen de la société». Ce principe, les Libanais semblent l’avoir bien assimilé en terre d’émigration, où il se sont soumis de bon gré aux lois et système en vigueur. D’où la nécessité d’œuvrer à consolider notre propre structure sociétale afin de réaliser le développement escompté en terme de civisme. «Petit à petit, les frontières entre pays disparaissent en faveur de grands ensembles, d’où le besoin pressant pour le Liban de gagner en homogénéité sociale afin d’affronter les défis de la globalisation». La campagne anticorruption Convaincu que le progrès passe nécessairement par le respect des lois et le respect d’autrui, M. Zoghbi nous conte le désarroi de nombre de Libanais qui ont vécu à l’étranger, déçus par l’absence de civisme au Liban. Les illustrations abondent dans la vie quotidienne, comme c’est le cas au niveau de la circulation par exemple. Et M. Zoghbi de développer son argumentation sur ce point en insistant sur le fait que l’avenir économique du pays passe avant tout par le respect de l’autre, ce qui sous-tend, sur le plan des affaires, une transparence et une éthique de travail telles que le respect des contrats par exemple et des engagements professionnels. «Nous sommes bien contents de voir le nouveau gouvernement s’orienter vers un mode d’action fondé sur l’éthique et la transparence. C’est une chance qu’il nous faut saisir», relève M. Zoghbi, qui émet toutefois quelques réserves quant à la campagne anticorruption lancée par la nouvelle équipe en place. Tout d’abord, dit-il, bien que l’ouverture de ces dossiers constitue en elle-même une bonne chose à long terme, «elle risque cependant d’avoir des effets négatifs à court terme, aussi bien sur les investisseurs étrangers qui peuvent être alarmés par un tel climat, que sur le fonctionnement global de l’Administration, quelque peu ralenti par la réforme entamée». Ce que Habib Zoghbi reproche également au gouvernement actuel c’est le côté sélectif des poursuites engagées, plusieurs personnes qui auraient dû être également interpellées ayant été épargnées. «On se demande pourquoi» s’interroge le président de l’association qui est en même temps conscient qu’il existe des lignes rouges pour «raison d’État». D’aucuns se demandent donc aujourd’hui à quoi sert exactement cette pléthore de procès, à un moment où le pays ploie sous le fardeau d’une dette publique qui décourage les plus optimistes parmi les experts. Tout d’abord, répond M. Zoghbi, l’argent détourné sera, sans aucun doute, rétrocédé à l’État, du moins une partie de la somme globale. La somme restituée constituera une réserve supplémentaire qui viendra améliorer la balance des paiements et la liquidité dans le pays. Autre avantage de ce remue-ménage, estime Habib Zoghbi, est la leçon qu’en tireront les générations futures, qui doivent enfin comprendre que la corruption n’est pas une chose normale et que l’on ne peut pas construire une patrie sur le mensonge. C’est peut-être là le grand défi que s’est lancé la nouvelle équipe gouvernementale en place : celui de réhabiliter l’éthique dans la conscience des jeunes, dont la morale a été viciée par les années de guerre , mais aussi par l’exemple qui leur a été donné, des années durant, par les hommes au pouvoir.
Il est assez surprenant d’entendre un expert économique et financier disserter, deux heures durant, sur les notions de patriotisme et de respect d’autrui. Pourtant, Habib Zoghbi, homme d’affaires et économiste connu dans les milieux de Wall Street, nous parle longuement de civisme et d’éthique, passage obligé vers le développement et la construction de la nation. Ce sont bel et bien...