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Actualités - OPINION

Tribune La loi électorale et son véritable enjeu

Quelles que soient ses modulations, la future loi électorale ne fera pas de miracles. Les faiseurs de circonscriptions ont maintes fois déjà découpé ce pays en petits ou grands morceaux, selon une géographie de circonstance qui tendait davantage à fausser la volonté populaire plutôt qu’à la refléter. Même si aujourd’hui l’intention est réelle d’aboutir à une représentativité plus fidèle qu’autrefois, il ne sera guère possible de changer les nouvelles données démographiques à l’intérieur, ou régionales à l’extérieur. En réalité, la question n’est plus de savoir si tel ou tel clan, telle ou telle communauté, tel ou tel intérêt seront équitablement représentés à la Chambre : c’est le vouloir-vivre en commun des Libanais qui est aujourd’hui en danger. Quel dénominateur relie les uns aux autres les porteurs de cette carte d’identité libanaise et combien de Liban y a-t-il derrière cette apparente nationalité? Parti sur un grand rêve, à une époque où les notions de «minorités associées», de «Pacte national», «d’égalitarisme dans la diversité» n’avaient pas encore été vidées de leur sens, le Liban en est réduit aujourd’hui au maigre vocabulaire de la langue de bois et de la vérité officielle. Ce n’est guère pas accident que nous en sommes là. Nous le savons. Mais l’heure n’est pas à l’inventaire de nos erreurs passées ni à des mea culpa inutiles. Il y va maintenant de la permanence ou de l’évanescence d’un État dont le système n’est pareil à aucun autre et qui, à un moment de l’histoire, a cru rendre justice et hommage à la structure particulière de sa population et donner à tous les courants une place dans la gestion du pays. C’est autour de cette formule que le vouloir-vivre en commun s’est exprimé en ce temps-là. C’est aussi autour de cette formule, révisée dans sa forme, intacte dans son principe, que l’accord de Taëf a reçu l’approbation unanime non seulement des députés présents, mais aussi de ceux qui, la veille encore, s’étaient affrontés de la manière la plus sanglante. Depuis Taëf, bien des brèches ont distordu sa lettre et son esprit, compromettant l’atmosphère de réconciliation nationale qui devait s’ensuivre ; discriminant entre gagnants et perdants, entre nationalistes et antinationalistes, entre bons, moins bons et mauvais, selon qu’ils adhéraient inconditionnellement, partiellement ou pas du tout, au nouveau pouvoir ; et opérant ainsi une métamorphose graduelle du vouloir-vivre en devoir-vivre en commun. Dans le nouveau contexte interne et externe qui se dégagera d’une fin possible de l’occupation israélienne, sera-t-il toujours aussi commode de vivre sur les malentendus réciproquement consentis qui, à tous les niveaux, tiennent lieu de postulat ? S’il faut y ajouter la suspicion et la haine qui trouvent un supplément de nourriture dans des événements tels que le recouvrement de Jezzine ou le quadruple meurtre de Saïda, nous risquons de voir, peu à peu, toute une partie de la population dans le box des accusés, et l’autre partie dans le camp des triomphalistes. Que resterait-il alors du Liban que nous connaissions ? Y aura-t-il à l’heure H, au Parlement ou dans le pays, des voix suffisamment lucides et suffisamment courageuses pour éclairer la population et la protéger contre des choix suicidaires ? Y aura-t-il assez de sagesse chez les Libanais et chez les amis du Liban pour lui offrir une nouvelle chance de se développer harmonieusement à l’intérieur de nos frontières retrouvées ? Il semble bien que ce questionnement tourmente un grand nombre de personnes et de groupes, toutes confessions et tendances confondues, qui voudraient déceler d’ores et déjà ce que l’avenir leur réserve – et s’ils pourront y jouer un rôle. C’est cette anxiété qui fait de la loi électorale une matière si sensible. Au lieu d’en être le bénéficiaire, le pays pourrait n’en devenir que la proie. Malgré le scepticisme justifié de ceux qui craignent une loi scélérate, il faut espérer que l’importance vitale de l’enjeu l’emporte, chez les découpeurs de circonscriptions, sur l’intérêt de tel ou tel grand électeur.
Quelles que soient ses modulations, la future loi électorale ne fera pas de miracles. Les faiseurs de circonscriptions ont maintes fois déjà découpé ce pays en petits ou grands morceaux, selon une géographie de circonstance qui tendait davantage à fausser la volonté populaire plutôt qu’à la refléter. Même si aujourd’hui l’intention est réelle d’aboutir à une...