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Actualités - REPORTAGES

Massacre de Saïda - Des vies à jamais brisées par le malheur L'accablement des familles le dispute à l'indignation

Il y a des malheurs qui frappent soudain, et qui brisent à jamais une vie familiale paisible ou encore toute promesse de bonheur. L’assassinat à Saïda, mardi dernier, des magistrats Hassan Osman, Walid Harmouche, Imad Chéhab et Assem Abou Daher est de ceux-là. Après avoir enterré leurs morts, les familles des victimes ont commencé à recevoir les condoléances hier. À Zaarourié (Iklim el-Kharroub), village natal du président de la cour criminelle du Liban-Sud Hassan Osman et de Assem Abou Daher, procureur général du Liban-Sud, ainsi qu’à Samkanié (Chouf), village natal du juge Walid Harmouche, le drame des familles des victimes se mélange à l’indignation. Les proches des juges abattus sont en colère contre les journaux et les médias qui ont publié et diffusé des images des magistrats ensanglantés, traînés dans la rue ou baignant dans des mares de sang devant le Palais de justice de Saïda. Ils dénoncent aussi le fait que les autorités concernées n’aient pas assuré la sécurité des juges. Un Palais de justice dont le massacre de mardi dernier a prouvé qu’il était d’un accès facile à tous : juges, avocats, criminels et assassins munis d’armes à feu... Hassan Osman habitait Saïda, ville natale de son épouse. Une ville qu’il a tant aimée et où il a fait ses premiers pas de juge, il y a un peu plus de trente ans. D’ailleurs, «il y a quelque temps, il a refusé le poste de directeur général du ministère de la Justice», raconte une proche. «Il n’acceptait pas les invitations, n’aimait pas les mondanités ; toute sa vie il s’est consacré à son travail», ajoute-t-elle. Et de souligner : «Quand il avait des moments libres, il les passait avec sa famille dans sa résidence secondaire de Zaarourié». Une voisine venue de Saïda raconte qu’il «attendait lui-même tous les après-midi ses petits-enfants à leur descente de l’autocar de l’école». Il était très proche de ses deux frères, Mohammed Osman, président du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), et Osman Osman, ancien directeur général des FSI. Âgé de soixante-trois ans, Hassan Osman a commencé et achevé sa carrière à Saïda. Il était père de trois filles, toutes mariées : Mona (médecin), Dima (enseignante) et Roula (qui suit une formation de magistrat), et d’un garçon, Karim (âgé de dix-neuf ans et qui suit des cours de droit). Il avait également sept petits-enfants. Depuis cinq ans, il était président de la cour criminelle du Liban-Sud. Non loin de la résidence des Osman à Zaarourié, la famille de Assem Abou Daher, 39 ans, reçoit les proches et les amis dans une maison modeste. L’épouse du procureur général du Liban-Sud, Suzanne, est absente. Âgée de vingt-cinq ans et au huitième mois de grossesse, elle a passé la nuit à l’hôpital. La mère de Assem Abou Daher se demande «pourquoi les journalistes ont pris les photos de son fils étendu dans une rue de Saïda alors qu’il a passé cinq ans bien vivant au Palais de justice de la ville». Elle ne comprend pas non plus «comment on peut abattre quatre juges aussi facilement, en plein tribunal». «À quoi servent les forces de l’ordre dans un Palais de justice ?», s’écrie-t-elle. «J’aurais souhaité qu’il soit blessé, qu’il souffre d’un handicap toute sa vie au lieu de mourir ainsi», dit-elle. Le procureur général du Liban-Sud, qui habitait Saïda, était père d’une fille de deux ans, Sally, et attendait une naissance pour le mois prochain. Il avait trois sœurs et deux frères. L’un est avocat ; l’autre suit des cours de droit. «Je dois tout à Assem, il m’a tout le temps soutenu et encouragé», indique son frère, avocat à Saïda, d’une voix éteinte. Il se lève, se dirige vers une voiture qui vient d’arriver. Soutenue par ses parents, la femme du procureur général du Liban-Sud sort du véhicule. Sally, une petite fille blonde haute comme trois pommes, court vers son oncle en ouvrant les bras. Le frère de la victime a du mal à soulever sa nièce. Il restera un instant en retrait, loin de la foule d’officiels qui est venue présenter ses condoléances, le regard dans le vide serrant très fort l’enfant de deux ans contre sa poitrine. La maison du juge Walid Harmouche à Samkanié (Chouf) n’est pas encore achevée. La famille reçoit les condoléances à l’étage inférieur, où résident la mère et les deux sœurs de la victime. L’oncle maternel, Nadim el-Kadi, indique que «Walid, qui aurait eu 39 ans en octobre prochain, a commencé à construire sa maison, il y a tout juste un an». Dimanche après-midi, il était en train de planter du gazon dans le terrain aménagé en face de la maison. Bricoleur à ses heures perdues, le juge de Saïda ne parvenait pas à mettre correctement en place le système d’éclairage des balcons et de la terrasse et il s’en était plaint dimanche dernier. «Nous avons réussi à éclairer toute la maison mardi soir, durant la veillée du mort», indique son oncle. Nommé juge en 1991, il était marié depuis dix mois à Ghada Joumblatt. «Sa femme a vingt-sept ans, elle est à son troisième mois de grossesse», indique M. el-Kadi. L’oncle du juge déclare le regard dans le vide : «Mardi à midi, Walid ne devait pas siéger à la cour criminelle du Liban-Sud». Et d’expliquer : «On l’a appelé en dernière minute pour remplacer un collègue absent».
Il y a des malheurs qui frappent soudain, et qui brisent à jamais une vie familiale paisible ou encore toute promesse de bonheur. L’assassinat à Saïda, mardi dernier, des magistrats Hassan Osman, Walid Harmouche, Imad Chéhab et Assem Abou Daher est de ceux-là. Après avoir enterré leurs morts, les familles des victimes ont commencé à recevoir les condoléances hier. À Zaarourié (Iklim...