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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Colloque - Nouvelles perspective de politique sanitaire Valoriser la médecine familiale

Le colloque international récemment organisé dans le campus des sciences médicales de l’USJ, rue de Damas, par l’Université Saint-Joseph et l’Université de Montréal sur le thème : “Partenaires pour la promotion de la santé” apporte de nouvelles perspectives de politique sanitaire, aux niveaux notamment de la formation, des pratiques professionnelles et de la gestion des établissements médicaux et socio-médicaux. Quelles sont les conséquences de l’approche intégrée et globale de la santé ? Le P. Jean Ducruet, recteur de l’Université Saint-Joseph, l’explique dans une étude de synthèse, dont nous publions ci-après des extraits. Une approche élargie de ce qu’est la santé nous a incités à devenir davantage partenaires de sa promotion. Le caractère opérationnel de cet élargissement, je l’expliciterai en développant trois réflexions : les besoins des usagers auxquels répond cet élargissement, les pratiques des professionnels de la santé qu’il influence, les responsabilisations qu’il implique. L’approche de la santé telle que retenue par l’OMS en 1946 est la suivante : «La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité». Complet ne veut pas dire parfait, optimal. Complet veut dire que rien n’a été laissé de côté des constituants d’une personne. Ce qu’on appelle aujourd’hui l’approche holistique de la santé, du mot grec holos qui exprime la complétude, c’est une approche qui tient compte de toutes les dimensions de la personne : biologique, physiologique, psychologique, relationnelle, approche globale en opposition à une approche réductrice et morcelante. Ce mot global ne doit pas induire une erreur : appréhender quelqu’un dans sa globalité, c’est l’appréhender dans sa spécificité, dans sa singularité : «C’est quand vous segmentez l’homme en organes, quand vous ne voulez voir que des cœurs ou des pancréas, que la tentation du tous pareils vous guette et que la diversité humaine peut être perdue de vue» (1). Saisir quelqu’un dans sa globalité, c’est tenir compte de sa spécificité. Cela me rappelle le mot, cité par le Dr Jean Martin, d’un malade angoissé que le médecin entend rassurer : «Ne vous faites pas de soucis, on s’occupe de tout» et qui répond : «Mais j’aurais aimé qu’on s’occupe de moi !». On ne peut définir la santé à partir des maladies pas plus qu’on ne définit la vie à partir de la mort: la vie unit, la mort disloque. La maladie, qu’elle soit d’ordre physique, psychique ou relationnelle, est un événement qui vient perturber cette unité, cette paix de la personne et éventuellement fait donc perdre à cette personne sa santé, c’est-à-dire sa capacité de développer son potentiel physique, mental et social, de travailler, de s’intégrer dans la société. La santé fondamentale, ce n’est pas d’être “en parfait état”, mais c’est essentiellement d’être à même d’employer de façon féconde l’énergie qui est en soi. Le praticien de santé qui comprend cela, comprend d’emblée que l’option maladie ou guérison n’est pas la seule alternative offerte aux hommes, qu’il n’y a pas à renoncer quand on ne peut pas guérir, que le chronique, l’incurable, le vieillard, s’ils n’attendent pas toujours la guérison, n’en attendent pas moins la santé, c’est-à-dire la capacité d’assumer leur vie et leur mort, et que pour cela ils ont besoin d’aide. Élargissement et besoins Dans une situation de maladie aiguë qui s’affirme comme organique, la conception de la santé ne peut être souvent que biomédicale. Ce n’est que hors crise que cette approche réductrice est appelée à s’élargir et notamment dans le cas de maladies de longue durée ou de maladies chroniques. Un des bénéfices les plus tangibles de l’élargissement de la conception de la santé est l’importance qui commence à être accordée aujourd’hui à l’éducation pour la santé. L’éducation pour la santé comporte un très large éventail qui va du rappel de l’hygiène élémentaire à la formation thérapeutique du malade chronique. La plupart des maladies dont souffrent les hommes sont des maladies chroniques, alors que la médecine hospitalière aux succès impressionnants ne traite que les affections aiguës ou les maladies chroniques lorsqu’elle passent par une crise aiguë. Le reste du temps, c’est la vie quotidienne du diabétique, de l’asthmatique, du rhumatisant, de l’épileptique, du dépressif, du cancéreux, du sidéen, de l’handicapé, dont la guerre a multiplié le nombre au Liban. Dans cette vie quotidienne, il faut bien que chacun d’entre eux, à son niveau, trouve sa santé, se fasse sa santé. Pour se faire, il a besoin de partenaires, où va-t-il les trouver? Les pratiques des professionnels L’élargissement de l’approche de la santé souligne le rôle du médecin de famille, valorise l’infirmière extra-hospitalière et rétablit les travailleurs sociaux dans la promotion de la santé, qu’ils travaillent en solo ou dans des centres interprofessionnels. Le médecin de famille est le médecin de proximité. Il ne soigne pas exclusivement par ses connaissances, mais aussi par sa proximité. Parce que le médecin de famille est médecin de proximité, médecin proche des gens, son approche de la santé peut être globale, respectueuse de la spécificité de chacun. Cette approche globale de la santé permet au médecin de famille de n’être pas seulement la porte d’entrée du système de santé, comme on le dit souvent ; mais d’en être le centre, le pivot. Son action est en effet caractérisée à la fois par la précocité et par la continuité: la précocité, car il est le premier recours ; la continuité, car il est le médecin à long cours. Il est souvent le premier consulté ; c’est fort utile, car il n’est pas à l’affût de la maladie ; il reste à l’aise dans les situations normales ; il reconnaît un trouble banal que la nature réparera d’elle-même avec une aide modeste ; il évite de médicaliser les événements et les incidents de la vie ; il prend le temps d’étudier la signification d’une perturbation et évite examens inutiles et traitements hors de proportions. Le rôle de premier recours ne doit pas être compris comme simplement l’administration des premiers soins; ce rôle est de maintenir en santé. La situation de l’infirmière ou de l’infirmier en secteur extra- hospitalier n’est pas sans rappeler celle du médecin de famille, lui aussi extra-hospitalier. Enfin l’élargissement de l’approche de la santé rétablit les travailleurs sociaux dans la promotion de la santé. En de nombreux pays, la promotion de la santé a longtemps été gênée par une fracture entre le médical et le social. Pour ne prendre que quelques exemples. En Espagne, un décret royal en 1978 établit que le médecin de famille constitue la figure fondamentale du système de santé du pays. Le Brésil est un autre exemple intéressant. Il comporte quelque 5 000 municipalités et celles-ci ont la responsabilité politique de la santé de leurs citoyens. Les centres municipaux de santé sont donc au cœur du système de santé brésilien. Le canton de Genève connaît depuis 1965 les centres médicaux sociaux. Les Centres locaux de services communautaires du Québec sont les plus connus parce qu’ils ont près de trente ans d’expérience. Les responsabilités Élargir l’approche de la santé, c’est mieux répondre à des besoins et pour cela modifier ou compléter des pratiques. C’est aussi élargir une responsabilisation qui devient non seulement individuelle, mais publique. Public désigne ce qui appartient à tous, ce qui est à la charge de tous. Il y a une approche individuelle de la santé avec ce que cela suppose de responsabilité personnelle, avec ce que cela implique d’information et de formation pour être à même d’assumer cette responsabilité, avec ce que cela comporte d’autonomie à sauvegarder ou à restaurer. Il y a une approche familiale de la santé, puisque la famille est une composante majeure du processus de santé de ses membres et de leur accompagnement. Mais il y a également une approche publique de la santé dès que l’on reconnaît que la santé à une dimension sociale tant dans ses déterminants que dans les moyens de la sauvegarder et de la promouvoir. (1) Jean-François Girard, Quand la santé devient publique. Hachette, 1998, p. 26.
Le colloque international récemment organisé dans le campus des sciences médicales de l’USJ, rue de Damas, par l’Université Saint-Joseph et l’Université de Montréal sur le thème : “Partenaires pour la promotion de la santé” apporte de nouvelles perspectives de politique sanitaire, aux niveaux notamment de la formation, des pratiques professionnelles et de la gestion...