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Actualités - CHRONOLOGIE

Le salut des réfugiés passe par les exigences des passeurs Le malheur des un fait ... la fortune des autres

À Vlora, petit port albanais face à l’Italie, tout le monde regarde la mer avec espoir : les réfugiés kosovars y voient leur salut et les habitants de la ville leur fortune. «Les affaires vont reprendre», se réjouit Vani, passeur de clandestins depuis trois ans, en jaugeant d’un œil professionnel un groupe d’Albanais du Kosovo accroché à une cabine téléphonique. Face à la mer, Naser Mehmetaj tente de joindre un «ami» à New York, dans l’espoir qu’il acceptera de l’aider à gagner les États-Unis. «Évidemment que je veux aller là-bas», explique cet homme originaire de Pec au Kosovo qui, sitôt la frontière franchie cette semaine à Morina dans le nord de l’Albanie, s’est précipité à Vlora dans le Sud avec une seule idée en tête, prendre la mer le plus vite possible. À Vlora, capitale de la contrebande en Albanie, ils sont ainsi des milliers de réfugiés kosovars à regarder l’Adriatique en se demandant quand viendra le moment d’embarquer sur un «scafo», petit bateau à moteur, ou sur un «gommone», canot pneumatique qui les portera clandestinement en Italie. Beaucoup de ces réfugiés n’ont guère d’illusions sur la réalité d’un retour au pays, d’autant qu’ils peuvent presque tous compter sur un membre de leur famille en Allemagne ou en Suisse. À Vlora, ils sont plus de 10 000 Kosovars à avoir trouvé refuge chez l’habitant ou dans les camps. Et ils seront bientôt plus nombreux. L’Italie a inauguré un camp cette semaine qui pourra accueillir 5 000 personnes, afin de faire face au flot continu de nouveaux réfugiés passant chaque jour la frontière au nord du pays. Luciano Tenaglia est fier de montrer les centaines de tentes, dont il a la charge, alignées sur l’asphalte d’une immense esplanade brûlée par le soleil. «Oui, c’est vrai, le problème ici ça va être la poussière», reconnaît-il. «Il fait trop chaud ici, on a du mal à respirer, surtout les enfants», explique de son côté Shadan Saraqini, 24 heures après son arrivée au camp italien. L’été approche et déjà il pense à partir. «Ma femme a des frères en Allemagne, on ne pourra pas rester ici», déclare-t-il. «Le camp italien sera une catastrophe. Beaucoup de gens vont prendre la mer», assure Enver Sinaj, qui gère un autre camp de réfugiés dans des entrepôts de la ville. C’est bien là-dessus qu’ont parié Vani et ses amis «scafisti», contrebandiers, pour les mois qui viennent. Les passeurs de clandestins ont déjà mis au point une méthode de recrutement. Ils traînent dans les camps ou au Palais des sports qui accueille environ 1 500 réfugiés et proposent un marché à un jeune Kosovar. «Tu veux aller en Italie gratuitement ? Bon, alors tu nous trouves 20 autres Kosovars et ton voyage sera payé», raconte Vani. En fait, il lui suffira de convaincre un chef de famille et il aura son quota. Une famille kosovare «élargie» comprend en moyenne 20 personnes. Ensuite, la place dans le bateau coûte 500 dollars. Le voyage dure une heure et demie à 40 nœuds (75 km/h), cap au 250 (presque plein ouest), si la mer le permet. À l’approche des côtes, les Kosovars doivent se jeter dans une eau où, en principe, ils ont pied, et gagner la plage où ils seront vite récupérés par la police italienne. Le 27 avril dernier, près de 1 400 Kosovars ont été interceptés sur les plages des Pouilles face à l’Albanie, mais la moyenne est de 400 à 500 par jour depuis le début du mois. «On ne peut que limiter mais pas éradiquer cette activité», reconnaît le commandant Collabolleta du bataillon italien San Marco, sur place avec 250 hommes pour assurer la sécurité des camps et du port de Vlora. La police albanaise avoue de son côté son impuissance. «Il y a 150 km de côtes à surveiller, et nous n’avons pas les moyens d’arrêter les “scafisti”», avoue Arben Zylyftari, commissaire en chef de la police de Vlora. «Bien sûr, on les connaît, mais ce sont des citoyens comme les autres. Il nous faut un flagrant délit», ajoute-t-il. Du coup, presque chaque nuit à Vlora, par beau temps, le grondement de deux moteurs hors-bord de 250 CV remplit la baie. Un «gommone» s’éloigne vers l’ouest avec son chargement de réfugiés.
À Vlora, petit port albanais face à l’Italie, tout le monde regarde la mer avec espoir : les réfugiés kosovars y voient leur salut et les habitants de la ville leur fortune. «Les affaires vont reprendre», se réjouit Vani, passeur de clandestins depuis trois ans, en jaugeant d’un œil professionnel un groupe d’Albanais du Kosovo accroché à une cabine téléphonique. Face à la mer,...