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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Un tour d'horizon rapide avec le président du Conseil Hoss : entre le président Lahoud et moi, une totale harmonie

L’opposition est mieux traitée aujourd’hui que dans le passé. La réforme administrative se poursuivra et n’épargnera aucun contrevenant. Il n’y a aucun glissement du pouvoir vers un régime présidentiel… L’entretien avec le président du Conseil est riche en phrases clés, assenées avec calme et simplicité, selon le style particulier du Dr Sélim Hoss. Dans l’immense bureau du Sérail au luxe écrasant ou chez lui dans sa modeste demeure, l’homme est toujours égal à lui-même, digne et peu loquace, convaincu de ses décisions mais peu enclin à entrer dans le jeu des polémiques. Hier encore dans l’opposition, Hoss désormais au pouvoir ne compte nullement trahir les idées pour lesquelles il s’est longtemps battu. À leur tête, le respect de la démocratie à laquelle il croit plus que tout. Le premier sujet abordé avec le président du Conseil est bien sûr celui des nominations. Les citoyens ont l’impression que la réforme administrative ne va pas jusqu’au bout. Si les fonctionnaires écartés sont coupables de méfaits pourquoi ne sont-ils pas déférés devant les organismes de contrôle ? M. Hoss répond calmement, défendant avec conviction les décisions de son gouvernement. «Les fonctionnaires écartés sont de trois sortes, dit-il. Ceux qui ont failli à leur devoir, ceux qui ont commis des exactions financières ou administratives et ceux qui président des institutions que nous contestons». Il a dit dans une déclaration qu’il y a des griefs contre tous les fonctionnaires écartés. «Oui. Mais ils diffèrent selon les cas». Pourquoi ne prend-on pas des mesures contre ceux qui ont accompli des infractions ? «S’il fallait prendre de telles mesures, il n’y aurait pas eu de réforme. Il aurait fallu attendre que l’Inspection centrale fasse son travail puis que le conseil disciplinaire mène son enquête et écoute la défense. Tout cela aurait pris trop de temps et les citoyens n’auraient pas senti qu’une réforme est entreprise. Nous avons préféré ne pas les limoger, les mettant à la disposition de la présidence du Conseil, en attendant que leur situation soit éclaircie. Ceux qui n’ont pas un dossier financier pourront être chargés de certaines fonctions. Les autres seront ultérieurement déférés devant les organismes spécialisés». Par souci de transparence n’aurait-il pas fallu être plus clair vis-à-vis de l’opinion publique ? «Nous informons l’opinion publique de toutes les décisions que nous prenons. Mais nous ne pouvons pas non plus juger les gens par voie de presse, lancer des accusations et attendre la réponse, c’est inacceptable et c’est une façon irresponsable de demander des comptes». N’y a-t-il pas une contradiction entre la transparence qu’il proclame et cette façon de procéder ? «Non, puisque j’ai donné les raisons de la mise à l’écart». N’aurait-il pas été préférable d’attendre pour nommer en même temps les remplaçants ? «Il y a à peine une semaine de décalage entre les mises à l’écart et les nominations». Mettre les fonctionnaires à la disposition de la présidence du Conseil n’entraîne-t-il pas de nouvelles charges pour le Trésor, en payant désormais deux salaires élevés au fonctionnaire écarté et à son remplaçant ? «Cela ne dure pas longtemps. Et de toute façon, c’est la loi qui prévoit de telles dispositions». Hoss ajoute que le fonctionnaire qui s’estime lésé peut toujours recourir au Conseil d’État. Ce dernier n’est-il pas partie au conflit, le ministre de la Justice étant président du Conseil d’État ? «Il n’exerce plus ses fonctions». Mais n’a-t-il pas une autorité morale sur le Conseil ? «On ne peut mettre en doute l’intégrité du président Chaoul». Pourquoi a-t-on le sentiment d’assister à un règlement de comptes ? «Comment ?, proteste Dr Hoss. Nous avons pris des mesures à l’encontre de toutes les parties politiques». Justement, ce sont surtout les hommes de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri qui ont été touchés par la réforme, alors que les partisans des deux autres membres de la troïka ont été épargnés. «Ce n’est pas vrai. Nous avons touché à toutes les parties. De plus, ceux qui avancent ces critiques sont ceux qui ont nommé les fonctionnaires. Ils nous demandent aujourd’hui de les limoger». Tout le monde sait que le Conseil du Sud n’a pas bonne réputation. Pourquoi n’a-t-il pas été touché ? «La réforme n’est pas terminée». On dit que le gouvernement est soumis à des pressions et que l’opération est freinée. «C’est faux. Elle prend son rythme de croisière. Le premier train a été le plus important, et maintenant cela va plus lentement». On dit aussi que certaines nominations ont été imposées par Damas. «C’est faux aussi. Prétendre cela est une injustice». Certains disent que ses relations avec le président de la République sont conflictuelles ? «Je crois en savoir un peu plus que ceux qui disent cela. Elles sont excellentes. Il n’y a aucune divergence dans les points de vue. Nos personnalités sont en harmonie». N’a-t-il pas le sentiment que le pays glisse vers un régime présidentiel ? «Pas du tout. Ces rumeurs s’inscrivent dans le cadre d’une campagne visant la présidence du Conseil. J’en ai parlé et je ne veux plus y revenir. La présidence du Conseil exerce entièrement ses prérogatives. De plus, c’est la première fois que le Conseil des ministres a un siège à lui seul, comme l’avait prévu l’accord de Taëf». N’y avait-il pourtant pas d’autres priorités, notamment économiques ? «Faut-il s’occuper uniquement de l’économie et laisser tout le reste, y compris la Constitution et les lois ?» Il a confirmé le plafond de l’impôt sur les bénéfices alors que le chef de l’État avait laissé entendre que 10 % c’était insuffisant. «Il n’avait pas dit cela. Il y avait eu un malentendu. Le chef de l’État a par la suite précisé sa pensée. L’impôt sur les bénéfices est stable car il est lié au climat général d’investissement. S’il passe à 20 %, les investisseurs n’auront plus confiance, même si 20 % n’est pas un chiffre énorme. Le président Lahoud a parlé de généralités et on a voulu leur donner plus d’importance qu’elles n’en ont». Comment compte-t-il assurer le financement de la nouvelle échelle des salaires intégrée désormais au budget ? «Nous comptons améliorer et élargir la collecte des impôts . Par exemple, seulement 50 % des Libanais paient les factures d’électricité. Nous comptons aussi assurer des ressources qui ne proviennent pas des impôts, comme la régularisation des infractions sur les biens-fonds côtiers, engager une nouvelle négociation avec les sociétés de téléphonie mobile, revoir la situation de l’information. En distribuant de nouvelles licences aux chaînes de télévision, on avait contrevenu à la loi qui accordait un monopole à Télé-Liban jusqu’à l’an 2012, sans la moindre compensation financière. Nous comptons revoir cette situation. De plus, nous comptons créer de nouveaux impôts, qui seront définis dans la loi du budget. Mais je ne veux pas en parler maintenant pour ne pas engager le gouvernement. Ce qui est sûr, c’est que nous n’accablerons pas les personnes à revenu limité. Enfin, nous espérons que dans quelque temps, la privatisation permettra d’augmenter les ressources de l’État». Son gouvernement n’a pas beaucoup de temps, il doit démissionner après les législatives de l’an 2000. À moins qu’il ne soit sûr d’être désigné de nouveau… «Le pouvoir est une continuité». On ne le dirait pas à voir ce qui se passe actuellement. «Je l’ai dit et je le répète, nous respectons les engagements du précédent gouvernement. Nous poursuivrons les projets en cours, mais nous avons le droit de prendre des décisions au sujet de nouveaux projets». Parvient-il à cumuler les fonctions de président du Conseil et de ministre des Affaires étrangères ? «Il aurait été préférable de se consacrer à la présidence du Conseil. Mais j’ai déjà assumé les fonctions de ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement du mandat du président Hraoui. De toute façon, la composition de l’actuel gouvernement nous a imposé une telle formule». En acceptant d’être désigné, s’attendait-il à une opposition aussi violente ? «Je crois dans l’opposition, car elle est, à mes yeux, le véritable critère de la démocratie». Pense-t-il qu’il traite l’opposition actuelle mieux qu’elle ne le traitait lorsqu’elle était au pouvoir ? «J’ai autorisé les manifestations. Je traite certainement l’opposition actuelle mieux que je n’étais traité lorsque j’étais moi-même opposant».
L’opposition est mieux traitée aujourd’hui que dans le passé. La réforme administrative se poursuivra et n’épargnera aucun contrevenant. Il n’y a aucun glissement du pouvoir vers un régime présidentiel… L’entretien avec le président du Conseil est riche en phrases clés, assenées avec calme et simplicité, selon le style particulier du Dr Sélim Hoss. Dans l’immense bureau...