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Actualités - REPORTAGES

Justice - Deux officiers ont témoigné hier dans le procès Karamé L'évocation de la guerre a fait naître un sourire triste sur les lèvres de Geagea

On commençait à l’oublier et, hier, il s’est rappelé en force au souverain de la Cour de justice, dans le procès Karamé. Le commandant à la retraite Keitel Hayeck est un cas si pathétique qu’il a ému Me Edmond Naïm, un des défenseurs de Samir Geagea. L’avocat a demandé sa libération aux juges, puisqu’il a déjà été condamné en Syrie – où il était emprisonné pendant trois ans et demi – pour les mêmes faits qui lui sont imputés au Liban. «Ce sont toutefois d’autres chefs d’inculpation», a répondu le président Mounir Honein, soucieux avant tout d’appliquer la loi. Il faudra donc attendre la fin de ce procès pour que son sort ainsi que celui de ses compagnons dans le box des accusés soient déterminés. En principe, l’audience d’hier devait être «politique» avec l’audition de l’ancien ministre et proche conseiller du président Amine Gemayel, Joseph Hachem et de Me Émile Rahmé. Mais en raison du jeûne du Ramadan, la Cour s’est contentée d’entendre deux officiers de l’armée : le commandant Élias Hachem ayant servi aux côtés du brigadier Khalil Matar, à la base de Halate, en 1990, et le commandant Joseph Kerbage ayant servi à la même époque sous les ordres de l’officier Keitel Hayeck. C’est dire que les épisodes d’une guerre détestable entre les Forces libanaises et les soldats du général Aoun ont été longuement évoqués, alors que les éléments de la moukafaha, en charge de la sécurité dans la salle, écoutaient religieusement. Neuf ans plus tard, les blessures de la guerre dite de libération ne sont pas encore cicatrisées et tout en écoutant ses compagnons dans le box des accusés, Matar et Hayeck parler de «leur résistance aux Forces libanaises», Samir Geagea se laissait aller à un petit sourire triste. Halate militairement indéfendable Réclamé par la partie civile pour vérifier si effectivement le brigadier Matar, alors commandant de la base de Halate, était opposé aux assauts des FL avant d’être obligé de se rendre, le commandant Élias Hachem déclare à la Cour que la base était «indéfendable. Militairement, elle était à la merci des miliciens, qui disposaient de l’appui de trois casernes dans la région et des blindés cachés à Mastita». Responsable d’une unité de blindés (formée de deux tanks M48), le commandant (alors capitaine) Hachem avait été envoyé en renfort à Halate, quelques jours avant le déclenchement de la guerre. Le 31 janvier 1990, à dix heures du matin, il capte sur son émetteur des informations sur des combats entre les FL et des unités de l’armée à Dbayé. Il alerte aussitôt le brigadier Matar, qui l’emmène dans sa voiture à Nahr Ibrahim pour alerter l’unité de l’armée postée sur place. Interrogé par Me Pakradouni, il affirme que face à la possibilité d’extensions des combats jusqu’à la région de Jbeil, Matar «n’a pas fait preuve de lâcheté». Il ajoute toutefois que lorsque les affrontements ont commencé, vers 13h, une partie seulement des éléments de la base a participé aux combats. Les autres, pour la plupart des techniciens, sont restés dans l’abri de la base. Selon lui, Matar se trouvait alors dans la salle des opérations. Après le coucher du soleil, lorsque le bâtiment abritant les appartements des officiers qui jouxte la base est tombé aux mains des miliciens, il a demandé à Matar s’il fallait le bombarder. Et, selon lui, ce dernier a répondu par la négative, car les familles des officiers, dont la sienne, s’y trouvaient. Le commandant Hachem raconte qu’à ce moment-là, il a estimé qu’il ne pouvait plus rester sur place, il s’est retiré avec ses munitions vers Nahr Ibrahim puis vers la base d’Adma. Il ajoute qu’après le repli des blindés, les combats ont cessé et les FL ont investi la base. Hachem précise que la bataille a commencé lorsque les FL ont tiré sur la base et lui-même n’a pas attendu des instructions pour réagir, car lorsque des blindés essuient des tirs, ils doivent riposter spontanément. Il affirme aussi que ses tirs ont provoqué la destruction d’un blindé FL, causant la mort de quatre miliciens. Un seul témoin pour Hayeck Le second témoin, le commandant Joseph Kerbage, est le seul cité par Keitel Hayeck. Avant qu’il ne soit entendu, Me Issam Karam (avocat de Geagea) présente à la Cour le jugement du tribunal militaire de Damas à l’encontre du commandant à la retraite. Il y est condamné aux travaux forcés à perpétuité, pour formation d’une cellule terroriste visant à provoquer des dissensions confessionnelles, planification d’opérations contre les troupes syriennes, espionnage pour le compte de l’ennemi israélien et utilisation d’une charge explosive sur la tombe de Rachid Karamé lors d’une cérémonie pour le quarantième de son assassinat. Dans le jugement syrien, il est aussi dit que Hayeck avait des contacts avec les FL depuis 1979. Arrêté le 3/7/94, il est emmené à la prison militaire de Mazzé. Hayeck a été libéré l’an dernier, grâce à une amnistie générale décrétée par le président syrien, Hafez el-Assad. Pour Me Naïm, il doit être relâché puisque ce jugement a l’autorité de la chose jugée. Se voyant déjà libre, Hayeck se lève et veut prendre la parole, mais le président Honein rappelle que, selon l’acte d’accusation, il est poursuivi au Liban pour complicité dans l’assassinat de Rachid Karamé et tentative de détourner l’enquête judiciaire. Le commandant Kerbage déclare à la Cour qu’en 1990 il servait sous les ordres du commandant Hayeck. Leur unité, dirigée par Hayeck, était postée à la faculté des sciences de l’UL, à Fanar. Le 31 janvier 1990, les FL encerclent leur position pendant trois jours, jusqu’à l’arrivée des renforts. Selon lui, dès le départ, les ordres étaient clairs, il fallait résister et empêcher à n’importe quel prix l’infiltration de tout milicien dans la position. En dépit de l’insistance de Hayeck, il dit n’avoir perçu aucune réaction particulière de son chef, dans un sens ou dans l’autre. «Il agissait en militaire et recevait beaucoup d’informations utiles à notre position et à l’armée en général.» Il déclare enfin qu’à cette époque son unité avait arrêté plusieurs personnes qui cherchaient à l’espionner, mais il ne se souvient pas s’il s’agissait d’éléments relevant du service de sécurité des FL. L’unique témoin n’a donc pas été d’un grand apport. Lundi 25 janvier, retour à la politique avec entre autres témoins: Joseph Hachem, Émile Najm et Émile Rahmé.
On commençait à l’oublier et, hier, il s’est rappelé en force au souverain de la Cour de justice, dans le procès Karamé. Le commandant à la retraite Keitel Hayeck est un cas si pathétique qu’il a ému Me Edmond Naïm, un des défenseurs de Samir Geagea. L’avocat a demandé sa libération aux juges, puisqu’il a déjà été condamné en Syrie – où il était...