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Actualités - REPORTAGE

Charbel de Raymond Gebara, vie et mort d'un saint (photos)

De la sainteté au théâtre! Certes l’idée n’est guère nouvelle ni révolutionnaire. Claudel, Bernanos et bien d’autres sont là pour nous rappeler que les élans vers Dieu et le mysticisme profond ont toujours généré une littérature riche et un théâtre intéressant. En reprise, après Rome, Raymond Gebara présente au Théâtre Albert (Centre Naëf & Mary sur l’autoroute de Jounieh) dans une grande salle flambant neuf aux sièges couleur rouge cardinal et où flotte dans l’air, dès l’entrée, une odeur d’encens, «Charbel». Comme une hagiographie, un livre d’images dont on tourne lentement les pages, la pièce est conçue pour retracer dans la ferveur, la piété et une certaine gravité, le long parcours de combat, de pauvreté, d’abnégation, de dénuement du moine de Kfifane. Une vie égrenée au rythme des saisons (où l’aspect social et historique est totalement gommé), faite de simplicité, d’humilité, de dépossession, de labeur intense, de mortification, de charité, de bonté, de dévotion et surtout de prières. Actes de foi d’un homme pour qui la vocation monacale et le sacerdoce «pour glorifier Dieu et sauver son âme» a tout primé. Abandonnant une mère éplorée, veuve de guerre remariée à un prêtre, se détournant sans déchirement des amours terrestres et prosaïques pour ne suivre que la voie de Dieu, Youssef Antoun Makhlouf, né en 1828 à Bkaakafra et connu dans les ordres sous le nom de Charbel est représenté ici à travers des tableaux vivants et un dialogue clair au lyrisme contenu. De Mayfoud à Annaya en passant par les grottes de Wadi Annoubin, Charbel, chapelet en main et missel sur le cœur, a témoigné avec un amour infini de la gloire de Dieu. Des premières scènes du berceau avec la joie des paysans esquissant des pas de «dabké» à l’ultime moment où le vénérable ascète s’écroule, à 70 ans, devant l’autel où il célébrait la messe, la vie, la vraie vie au sens commun et humain du terme, est absente... Pur esprit, ce brave laboureur, cet infatigable maçon, ce chaste homme de la montagne qui ne redoutait ni les rigueurs du froid ni les affres de la chaleur? Du fond de cachot sombre où la lumière même est un luxe, de son «Mahbassé» (isoloir) cet étonnant ascète des ordres maronites nous aura donné, sans emphase, une confondante mais bien dure leçon sur le cortège des vanités humaines... Gébara, qui a signé le texte de cette œuvre au ton sobre et à l’émotion austère, s’est à peine penché sur l’aspect «miracle» du saint homme. Dur avec lui-même et peut-être avec les autres notamment dans cette scène terrible où il n’ouvre pas la porte à sa mère à cause d’un vœu de solitude, Charbel nous apparaît ici dans une déroutante et désarmante simplicité. Une simplicité poussée jusqu’à l’absolu effacement si ce n’est pour être — et toujours dans les limites d’une extrême humilité — flamme de prière... Sobre et ferme, la mise en scène de R. Gébara, sans jamais tomber dans un certain prosélytisme religieux et tout en maintenant délibérément un certain flou autour du personnage, garde des moments de grande émotion. Les acteurs (Mounir Maasri, Rifaat Tarabay, Jihad Andary et Mounir Ghawi) ont des accents justes pour traduire cet exceptionnel parcours spirituel. Agrémentée d’une musique orientale à consonance discrètement liturgique, baignée dans une lumière diffuse où le clair-obscur rappelle l’atmosphère des couvents, servie par des costumes adéquats signés Maroun Azoury, «Charbel» est sans conteste une œuvre d’une ardente chrétienté à découvrir (on déplore quand même que le public fût aussi clairsemé pour une première!) et un maillon original dans les créations scéniques de R. Gébara qui lui fait dire à l’un de ses personnages: «A côté de la prière, il y a la vie»...
De la sainteté au théâtre! Certes l’idée n’est guère nouvelle ni révolutionnaire. Claudel, Bernanos et bien d’autres sont là pour nous rappeler que les élans vers Dieu et le mysticisme profond ont toujours généré une littérature riche et un théâtre intéressant. En reprise, après Rome, Raymond Gebara présente au Théâtre Albert (Centre Naëf & Mary sur...