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Actualités - INTERVIEWS

Directeur général de la compagnie pendant de longues années Youssef Lahoud : privatiser la MEA sur de bonnes bases (photo)

En 39 ans de travail continu à la Middle East Airlines, M. Youssef Lahoud, directeur général de la compagnie aérienne nationale récemment passé à la retraite, a tout vécu: les moments de faste, les périodes difficiles de guerre, les problèmes plus récents. Evoquant pour «L’Orient-Le Jour» les différentes étapes de cette longue carrière, M. Lahoud passe en revue la «politisation» de la compagnie, les nouvelles méthodes pour faire face à la crise, la signature d’un accord de coopération avec Air France sur le réseau Beyrouth-Paris-Beyrouth, et, surtout, la nécessité d’une privatisation selon les règles internationalement reconnues. «Quand je suis entré en 1959 à la compagnie en tant qu’expert économique, elle était en plein essor, après les difficultés dues à la guerre de 1958», se rappelle M. Lahoud. «Tout ce qui se faisait, en ce temps-là, se basait sur des plans, des études, des statistiques. Cela n’est plus le cas maintenant». Il ajoute, se remémorant cette époque: «A partir de 1961, la compagnie a beaucoup grandi. Cette année-là, elle a célébré son million de passagers. De 1961 à 1963, elle en avait deux millions de plus. Ces passagers, à 70% de nationalités étrangères, étaient pour la moitié transitaires. Certes, les problèmes n’ont pas manqué: la crise de la Banque Intra (principale actionnaire) en 1966, la guerre de 1967, et la destruction de la flotte par l’aviation israélienne en 1968». Les souvenirs de la guerre, qu’il a vécue entièrement alors qu’il était au service de la compagnie, ne manquent pas: «Quand le PDG de l’époque, Nagib Alameddine, a réalisé que les événements pouvaient durer, il a décidé de créer une administration parallèle à Londres. Cette idée a probablement sauvé la compagnie. A la fermeture de l’aéroport, nous avons loué les avions à des compagnies étrangères, notamment les quatre «Jumbo» achetés trois mois avant la guerre». Des PDG avec lesquels il a travaillé, M. Lahoud en cite surtout deux: «J’ai collaboré très longtemps avec Nagib Alameddine qui m’a beaucoup appris. C’était un homme doté d’une vision extraordinaire, et il considérait qu’il était très important de garder les employés satisfaits, et a créé un système de sécurité sociale. Le travail avec Sélim Salam était également très reposant parce qu’il déléguait volontiers des pouvoirs à ses collaborateurs». Politisation graduelle La politisation graduelle de la MEA (qui, de compagnie privée, devient publique à partir de 1983) est également évoquée: «La MEA se politise de plus en plus, surtout à partir de 1992, quand un consensus politique décide d’imposer les confessions des principaux responsables: le PDG sunnite, le directeur maronite». Cela coûtera à M. Lahoud le poste de PDG: en 1992, alors qu’il devait être normalement nommé à la tête de la compagnie (ce qui était conforme à l’usage car il était directeur de la MEA), c’est Abdel Hamid Fakhoury, directeur de la comptabilité, qui obtient le poste. «Celui-ci a essayé vainement de lutter contre la politisation», précise M. Lahoud. Parlant des difficultés actuelles de la compagnie, M. Lahoud considère le surplus d’employés comme l’une des causes les plus importantes du déficit de la MEA: «Les employés de trop dans la compagnie ne sont licenciés sous aucun prétexte. En conséquence, ceux qui travaillent sérieusement n’obtiennent pas d’augmentation. Ils sont donc moins motivés. De plus, avec l’introduction du confessionnalisme et du clientélisme dans la compagnie, la promotion et les salaires ne dépendent plus de la compétence». Commentant la grève de 24 heures des pilotes jeudi dernier, M. Lahoud l’attribue à l’incertitude des grévistes face à leur avenir et à de probables rumeurs qui circulent. «J’ai bien peur que cette grève ne se retourne contre les pilotes parce que de telles mesures sont toujours impopulaires auprès du public», dit-il. «Mais les raisons qui ont poussé à cette grève ne me paraissent pas suffisantes, et je pense que les pilotes veulent juste montrer l’étendue de leur pouvoir». Abordant d’autres aspects des problèmes financiers de la MEA, M. Lahoud explique: «Le problème de la MEA n’est pas simplement d’ordre structurel. Il faudrait changer de philosophie, modifier le réseau, réduire les frais des avions, instaurer la mécanisation et un système de réservation plus moderne. La comptabilité, par exemple, n’est pas encore informatisée. Des études que j’avais faites en 1994 allaient dans ce sens, et je les ai proposées à la Banque du Liban quand celle-ci est devenue principal actionnaire». Motiver les actionnaires La grande solution aux problèmes de la MEA? La privatisation, mais selon les règles internationalement reconnues. «La véritable privatisation sans laquelle la MEA ne pourra se relever (et à laquelle il faudra fatalement revenir à mon avis), c’est quand l’Etat règle les problèmes d’une compagnie et met ses actions en vente. Les actionnaires sont alors motivés pour contribuer aux gains de la compagnie», a-t-il dit. Et si la privatisation profitait à certains individus, notamment des hommes politiques? «Il faut éviter une privatisation «à la libanaise» selon laquelle toute la compagnie est vendue en bloc à une compagnie étrangère», répond-il. Interrogé sur les mesures prises par Christian Blanc, membre du conseil d’administration et appelé à la MEA pour régler la crise financière, M. Lahoud dit: «M. Blanc a pris les mesures nécessaires et a réduit les frais, même si les recettes n’augmentent pas encore: il a établi un nouveau réseau sans long-courriers, a réduit les avions de treize à neuf (20 millions de dollars en moins), et a mis au point une organisation plus simple de seulement six départements». Sur la politique de la nouvelle direction, M. Lahoud déclare qu’«elle n’a pas encore donné ses fruits, mais elle est sur la bonne voie». Il parle d’un projet majeur qui deviendra opérationnel en avril 1999. Il s’agit de la signature d’une alliance avec Air France sur la liaison principale Beyrouth-Paris-Beyrouth. La MEA adoptera le système d’Air France: même prix, même service, même nombre de sièges, même système de réservation. «Le billet ne sera pas moins cher, mais il y aura un système de prix spéciaux comme dans les autres compagnies, et les passagers en transit y trouveront également des avantages, puisqu’il pourront passer d’une compagnie à l’autre sans changer de ticket, quel que soit l’aéroport», ajoute-t-il. Le renouvellement de la flotte Un autre problème qui se pose avec acuité à la MEA est celui du renouvellement de la flotte. Mais à ce sujet, M. Lahoud est catégorique: «Nous nous sommes débarrassés des avions très anciens. Les appareils que nous louons actuellement sont relativement nouveaux, comme les quatre Airbus 320 très récents, ou les trois Airbus loués à la Singapore Airlines et qui nous ont été livrés. Il y a également un projet d’achat d’avions, ce qui revient moins cher à long terme». Les trois Airbus loués à la Singapore Airlines, justement, avaient provoqué l’année passée un grand scandale, la BDL ayant soupçonné que d’importantes commissions avaient été versées dans cette transaction. M. Lahoud a refusé de commenter cet épisode, considérant que «le dossier n’est pas clos». Mais il précise cependant qu’«il n’y a pas de commissions dans les achats d’avion, et la MEA préfère d’ailleurs qu’il n’y ait pas d’intermédiaire dans ce genre d’opérations, et impose une clause anticorruption dans le contrat». Enfin, M. Lahoud insiste sur une idée-clé dans la remise sur pied de la MEA: «Il faut que la compagnie améliore son image de marque. Cela est très important dans la mise en confiance du passager. La MEA devrait s’occuper davantage de la communication avec la clientèle».
En 39 ans de travail continu à la Middle East Airlines, M. Youssef Lahoud, directeur général de la compagnie aérienne nationale récemment passé à la retraite, a tout vécu: les moments de faste, les périodes difficiles de guerre, les problèmes plus récents. Evoquant pour «L’Orient-Le Jour» les différentes étapes de cette longue carrière, M. Lahoud passe en revue la...