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Actualités - ANALYSE

Et les déplacés dans tout cela ?

Le congrès des déplacés tenu à Beiteddine a dévié de son objectif pour se transformer en meeting politique, en tribune à invectives, en étalage de linge sale. On n’en retient dès lors que la bataille ainsi déclenchée entre deux pôles du pouvoir, et les résolutions de la conférence s’en trouvent occultées. «D’ailleurs, estime un indépendant, l’identité des organisateurs, les parties invitées et la façon dont on a planifié les interventions suffisaient pour qu’on sût d’avance que ce congrès n’avait d’autre but que la récupération politique du dossier des réfugiés. Une politisation qui met ce problème à la merci des luttes d’influence, ce qui est de toute évidence une faute commise à l’encontre des déplacés dont les intérêts légitimes se retrouvent liés à d’insanes tiraillements entre piliers d’un même système. Le retour devient ainsi encore plus problématique, du moment que les protagonistes s’en soucient moins en réalité que de marquer des points les uns contre les autres, à coups de surenchères démagogiques et d’accusations sulfureuses». Se penchant sur les détails, cette personnalité relève que «l’on avait beaucoup insisté auprès des députés, des cadres de partis et de présidents de municipalités pour qu’ils soient tous présents. Ce qui a donné au congrès un furieux cachet de rassemblement politisé, sans doute pour montrer que M. Joumblatt était appuyé, dans sa fronde, par un très large éventail de forces locales. La forme trahit le fond. Si l’on s’était vraiment intéressé au sort des malheureux déplacés, ce n’est pas un congrès de gens qui pour la plupart n’ont rien à voir avec eux que l’on aurait tenu. Mais un séminaire technique, sérieux, regroupant toutes les parties vraiment concernées par un problème qui est essentiellement social. Une rencontre débouchant sur des décisions concrètes, sur de vraies solutions assurant ce retour pour lequel il ne faut pas seulement de l’argent, mais aussi de la sécurité, psychologique autant que physique». Pour cet observateur indépendant, «il est clair qu’en termes pratiques, le dossier des déplacés ne peut être réglé à l’ombre d’un régime et d’un gouvernement finissants, qui n’ont plus que quatre mois devant eux. Il faut regretter que l’on n’ait pas songé à organiser bien auparavant ce séminaire décisionnel évoqué plus haut et qui aurait débouché sur un plan rationnel de retour, par étapes bien définies. La première aurait constitué à réhabiliter l’infrastructure des villages désertés ou squattés, à y réinstaller l’électricité, le téléphone, l’eau, à y refaire les routes, à prévoir écoles et dispensaires. Puis l’on aurait passé à la reconstruction ou à la réfection des habitations. Et ensuite seulement à ces évacuations que l’on s’est empressé d’indemniser, ce qui a absorbé le plus clair des crédits affectés au retour, empêchant de la sorte ce dernier faute de réhabilitation suffisante des villages et de moyens financiers». Enrichissement «Une procédure, ajoute cet observateur, une fausse priorité qui en ont enrichi beaucoup, matériellement ou politiquement, aux dépens des déplacés eux-mêmes. Ainsi, Wadi Bou Jmil à Beyrouth est devenu «Wadi al zahab», tant les dédommagements y étaient rentables… et répétitifs car les mêmes squatters ont investi ensuite d’autres zones du centre-ville ou de l’entrée sud de la capitale. Ceci pour indiquer que les leaderships avantagés par le système ont été plus nombreux qu’on ne le croit généralement, le profit ne se limitant pas à la montagne. Les squatters ont pu ainsi toucher beaucoup plus que les déplacés, souvent réduits à emprunter pour reconstruire leurs maisons. Côté terrains ou avoirs, on a vu le monde à l’envers: les squatters exigeant d’être dédommagés avant de céder la place, alors qu’ils auraient dû eux-mêmes indemniser les propriétaires qu’ils ont lésés. Du fait de la sollicitude portée aux occupants illégaux de biens, largement indemnisés, il ne restait pas assez de fonds pour le retour, qui jusque-là, neuf ans après la fin de la guerre, n’a été assuré que pour le cinquième à peine des Libanais expulsés de leurs foyers». Sur le plan technique, cette source — qui oublie un peu que le contribuable est assez pressuré comme cela — estime que «l’on n’aurait pas dû alimenter la Caisse des déplacés avec des fonds publics ordinaires, mais par le moyen d’une taxe spéciale sur l’essence et sur d’autres produits». Et de conclure en soulignant qu’en réalité «le fiasco du projet de retour est imputable essentiellement au fait que l’Etat ne contrôle toujours pas vraiment les régions concernées, encore soumises malgré certaines apparences aux diktats de leaderships locaux. On voit ainsi, aux portes de Beyrouth, le projet Elyssar bloqué par le marchandage sur le juteux marché des indemnisations, qui ont déjà coûté au Liban les yeux de la tête dans le centre-ville, dans la montagne mais aussi au Sud, au Nord et dans la Békaa».
Le congrès des déplacés tenu à Beiteddine a dévié de son objectif pour se transformer en meeting politique, en tribune à invectives, en étalage de linge sale. On n’en retient dès lors que la bataille ainsi déclenchée entre deux pôles du pouvoir, et les résolutions de la conférence s’en trouvent occultées. «D’ailleurs, estime un indépendant, l’identité des...