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Actualités - ANALYSE

Présidentielle : Y-a-t-il vraiment le choix ?

Les évêques maronites regrettent, dans leur dernier manifeste, qu’on tienne délibérément les Libanais à l’égard d’une échéance, la présidentielle, qui ne concerne pourtant qu’eux. Ils craignent, pour tout dire, qu’on n’impose aux Libanais un choix catastrophique dont ils n’auraient jamais voulu… Ces appréhensions, pour légitimes qu’elles soient, sont réfutées non sans une pointe de sarcasme par des loyalistes bon teint qui observent que «les Libanais ont rarement eu leur mot à dire en matière de présidentielle. Du temps des Français, bien évidemment, l’«élu» était parachuté par le Haut-commissaire. Qui avait cependant, et au moins, la décence de ne choisir que des valeurs sûres, intègres, comme Charles Debbas, Habib Bacha es-Saad, Ayoub Tabet, Petro Trad, Emile Eddé et Alfred Naccache. Quand, soutenu par nombre de parlementaires, dont Emile Eddé, cheikh Mohammed el-Jisr a voulu maintenir sa candidature, les Français avaient tout bonnement dissous la Chambre. Ils ont cependant lâché un peu de lest en 1936. Cette année-là, à cause de l’évolution des mentalités sans doute, ils ont laissé la compétition se dérouler normalement entre cheikh Béchara el-Khoury et Emile Eddé qui l’a emporté d’une seule voix. Bien évidemment, il y avait alors des politiciens qui croyaient dans l’indépendance et on peut dire qu’en y accédant, le Liban a pu faire ses propres choix. A cette nuance près qu’au moment préparatoire crucial, en 1943, ce sont les Anglais par leurs manœuvres en coulisses qui ont pu faire passer Béchara el-Khoury, également soutenu par les Arabes face à un Emile Eddé qui gardait l’appui des Français. En 1952, soutient cette source, les Britanniques, toujours eux et toujours avec les Arabes, ont poussé à la roue pour que Camille Chamoun battît Hamid Frangié. Mais, répétons-le, l’indépendance n’était pas alors tout à fait foulée aux pieds, les considérations intérieures ayant sans doute plus joué dans l’élection que les interventions extérieures. L’interlude n’a été cependant qu’assez bref: en 1958, grande première, c’est une sorte de consensus entre les Américains et un Abdel Nasser contrôlant alors la Syrie qui a propulsé au premier rang Fouad Chehab, tout à fait… «indépendamment» d’une volonté proprement libanaise. Les formes étaient toutefois respectées: des députés ont boycotté la séance d’élection pour protester contre le parachutage imposé et en maintenant contre vents et marées sa propre candidature, Raymond Eddé avait empêché Chehab d’être élu dès le premier tour du scrutin. L’élection de Charles Hélou s’est inscrite par la suite dans le prolongement politique de celle de Fouad Chehab, si l’on peut dire. Autre intermède démocratique dans notre petite histoire électorale: Sleiman Frangié a été élu en 1970 contre le chehabiste Elias Sarkis par une seule voix de différence, sans aucune interférence extérieure. Et puis après la guerre, le chapelet des désignations, plus ou moins justifiées, plus ou moins nécessaires, a repris. Grosso modo, si l’on excepte le cas des frères Gemayel, la procédure adoptée retient deux grands électeurs: la Syrie et les Etats-Unis. Selon les périodes, ils se répartissent les rôles ainsi: quand l’un a le droit de choisir, l’autre a celui d’opposer un veto et il faut donc qu’il y ait entente pour qu’un nom soit retenu. Exception confirmant cette règle: l’élection avortée de 1988 où malgré leur accord Syriens et Américains n’ont pu imposer Mikhaël Daher à un camp de l’Est qui jetait là, politiquement, son chant du cygne. Et qui en a du reste payé lourdement le prix par la suite…». Toujours est-il qu’aujourd’hui même la plupart des radicaux savent que dans la phase de mutation que traverse la région tout entière, il est hors de propos de laisser les Libanais décider tout seuls. Mais il y a des degrés: la présidentielle, affaire intérieure après tout, peut se faire en partie en fonction des considérations extérieures. De là à mettre les Libanais complètement hors-jeu, il y a une aberration potentiellement mortelle pour l’entité libanaise. C’est ce qu’ont voulu sans doute dire les évêques maronites…
Les évêques maronites regrettent, dans leur dernier manifeste, qu’on tienne délibérément les Libanais à l’égard d’une échéance, la présidentielle, qui ne concerne pourtant qu’eux. Ils craignent, pour tout dire, qu’on n’impose aux Libanais un choix catastrophique dont ils n’auraient jamais voulu… Ces appréhensions, pour légitimes qu’elles soient, sont...