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Actualités - REPORTAGE

L'opération-échange a été complétée avec succès, hier A Kfarfalous, la fin du cauchemar pour les résistants libérés (photo)

«Mort à Israël, vive la résistance»: Ni les longues années de cachot ni la torture et les vexations ne sont venues à bout de la volonté de ces jeunes gens libérés hier par l’armée d’occupation. Leur détermination pouvait s’entendre dans leurs voix et se lire dans leurs regards. A peine franchis les derniers mètres qui les séparent de la liberté, ils laissent éclater leur colère contre Israël et leur joie de retrouver leurs familles. Un moment de forte émotion qui nous fait presque oublier les honteuses tentatives de récupération politique... mais qui nous rappelle que le sort de dizaines d’autres détenus et de centaines de disparus pendant la guerre du Liban n’a toujours pas été réglé. Le calvaire des résistants libérés se termine hier à 13h05 avec l’arrivée du convoi du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au premier point de contrôle de l’armée libanaise à Kfarfalous à l’est de Saïda. Les véhicules qui transportent les détenus sont engloutis par une foule en délire qui balaye le cordon de sécurité. Des hommes et des femmes escaladent les bus recherchant leurs proches; des voix scandent par centaines des slogans à la gloire des «héros de la patrie»; des larmes coulent, des doigts s’entrecroisent et des mères crient le nom de leur fils: l’accueil réservé aux résistants libérés attendrirait les cœurs les plus endurcis et enflammerait les esprits les plus indifférents. L’épilogue de la deuxième phase de l’un des plus importants échanges entre le Liban et Israël se joue au domicile du président Rafic Hariri à Majdelioun (Est de Saïda). Devant les familles qui se pressent autour de leurs enfants libérés, le chef du gouvernement prononce un discours d’accueil, réaffirmant que seul «le retrait du Liban-Sud et du Golan peut ramener la paix dans la région» L’impatience des proches des détenus rassemblés à Majdelioun s’explique par la fatigue accumulée après des heures passées sous un soleil de plomb. Dès le matin, des groupes d’hommes et de femmes commencent à affluer à Kfarfalous. Certaines personnes ont même passé la nuit dans ce village jadis sur la ligne de front et dont les habitations endommagées n’ont toujours pas été restaurées. La foule grossit à vue d’œil. Vers 10h, plusieurs centaines de personnes sont déjà sur place. On reconnaît l’appartenance politique de chaque groupe aux drapeaux qu’il brandit: jaunes pour le Hezbollah, verts pour le mouvement Amal et rouges pour le Parti communiste libanais (PCL) dont les militants portent aussi des tee-shirts à l’effigie de Che Guevara. Etrange promiscuité entre ces adversaires politiques unis aujourd’hui par le même combat, les mêmes malheurs et la même joie... Des jeunes gens suivent sur des postes installés par les équipes de télévision l’évolution de l’opération. Lorsqu’une télévision américaine montre les détenus libanais libérés des prisons israéliennes faisant le «V» de la victoire avant d’être transportés vers le centre de détention de Khyam, une immense clameur s’élève à Kfarfalous. «Ils sont en route», hurle une jeune femme qui n’a pas vu son frère depuis 13 ans. Les esprits s’échauffent Les heures passent, la chaleur monte et...les esprits s’échauffent. En attendant l’arrivée des «héros», les trois parties concernées se livrent une petite guerre, silencieuse d’abord: c’est à qui déploiera le plus grand nombre de drapeaux. Un journaliste qui s’amuse à compter les étendards finit par y renoncer. Aux drapeaux succèdent les chants: religieux pour le Hezbollah, populaires pour le PCL et un mélange hybride pour Amal. Les officiers de l’armée craignent une réédition des incidents de jeudi soir lorsque les partisans du Hezbollah et d’Amal ont revendiqué à coups de poing les dépouilles des martyrs restituées par Israël. Ils tentent vainement de séparer les trois groupes. Ils finissent par fixer une limite que la foule n’est pas autorisée à franchir. Alors que l’attente se prolonge, des personnes continuent d’affluer à Kfarfalous. Des députés du Hezbollah sont salués par les «Allah akbar» des militants du parti. Les partisans du PCL réservent une véritable ovation à Moustapha Saad et ceux d’Amal scandent des slogans à la gloire de l’imam Sadr et du président Berry à l’arrivée de députés du mouvement. D’autres personnalités politiques passent inaperçues. Soudain, une altercation éclate entre des «porteurs de drapeaux». Des officiers de l’armée et des responsables des trois parties interviennent rapidement pour circonscrire l’incident. Ce sera le seul dérapage de la matinée. Pendant ce temps, les dix détenus libérés de la prison de Kishon près de Haïfa sont pris en charge à Metulla, à la frontière internationale, par des délégués du CICR. Ils rejoignent leurs 50 camarades au centre de détention de Khyam où une centaine de personnes distribuent des douceurs pour saluer la libération de leurs proches. A Kfarfalous, les téléphones cellulaires sonnent sans arrêt. Journalistes et responsables des formations politiques sont informés des moindres détails: le convoi est arrivé à Jezzine, il traverse maintenant la localité de Roum, il se trouve en ce moment même à Anane. Il vient de passer le dernier poste de contrôle de la milice de l’Armée du Liban-Sud. Entre-temps, on apprend que quatre des détenus ont préféré rester dans la zone occupée et un cinquième en Israël même. Maher Touma, Bassam Hasbani, Ramzi Nohra et Ghaith Barakat, originaires de la localité d’Ibl el-Saki, ont obtenu l’autorisation de l’ALS de regagner leurs domiciles après en avoir exprimé le souhait lors de rencontres avec des délégués du CICR. Le cinquième s’appelle Sélim Salamé. A midi et demi, les détenus ne sont toujours pas là. Les derniers kilomètres qu’ils doivent encore franchir dans le no man’s land séparant Anane de Kfarfalous semblent interminables. La foule gronde d’impatience. Le convoi happé par la foule Lorsque les véhicules blancs du CICR surgissent derrière la colline, une immense clameur s’élève. Des milliers de voix se déchaînent scandant toutes sortes de slogans. Une véritable tour de Babel. Le convoi, composé d’un car, de deux minibus et de trois voitures du CICR est pris en charge par l’armée. Les véhicules s’immobilisent à quelques centaines de mètres du point de passage. Des militaires offrent de l’eau et des jus aux ex-détenus qui saluent de loin la foule en brandissant des drapeaux libanais. L’attente dure une demi-heure, aussi longue qu’une éternité. Pour les résistants et leurs familles qui ont attendu toutes ces années, ces quelques minutes de trop sont insupportables. Le convoi démarre enfin. Les bus sont littéralement happés par la foule qui se referme sur eux comme un océan. Le service d’ordre de l’armée est débordé par des parents qui tentent d’apercevoir un proche, de toucher un visage, une main dont ils avaient été privés toutes ces années. Des jeunes gens escaladent les bus, les drapeaux changent de mains, les slogans se mélangent. Le convoi ne peut plus avancer. Partout, on entend des rires, des pleurs, des cris de joie. Ilham éclate en sanglots lorsqu’elle aperçoit son frère Hussein Mokdad allongé sur une civière dans un minibus. Grièvement blessé il y a deux ans à Jerusalem par l’explosion d’une bombe dans sa chambre d’hôtel, Hussein a perdu la vue et l’usage des ses jambes. La famille Mokdad encercle le minibus et l’empêche d’avancer. Le même spectacle se produit dix fois, vingt fois. Ici, un jeune homme reconnaît son frère. Là-bas, une mère entrevoit son fils. Ailleurs des militants communistes retrouvent, Nabil Awada, un de leurs camarades emprisonné depuis dix ans. La plupart des détenus expliquent qu’ils n’ont été informés de l’échange que la veille de leur libération. «J’ai pensé qu’il s’agissait encore d’une torture psychologique. J’ai du mal à comprendre ce qui m’arrive», explique Ali, condamné en Israël à 20 ans d’emprisonnement. L’armée parvient avec beaucoup de peine à reconstituer le cordon de sécurité. Le convoi peut alors redémarrer. Mais il avance lentement. Des deux côtés de la route, la foule se déplace avec lui. Environ, 5000 personnes sont massées tout au long du trajet. Des dizaines de jeunes gens poursuivent le chemin à pied jusqu’à Majdelioun, 8 kilomètres plus loin. Des femmes lancent des youyous et jettent des poignés de riz et de pétales de roses au passage des ex-détenus. A Majdelioun, les résistants de retour sont longuement acclamés. Nasser Alawiyé, incarcéré depuis 1985 ne sait pas très bien où il se trouve. «Hariri n’existait pas de mon temps», dit-il avec un sourire timide. Le Liban qu’il a quitté avec certains de ses camarades a changé depuis cette époque. Il leur faudra beaucoup de temps pour assimiler les changements... et beaucoup de difficultés pour s’intégrer à la société. Demain une nouvelle vie commencera pour eux. Mais ils auront toujours une pensée pour leurs compagnons qui devront attendre le prochain échange.
«Mort à Israël, vive la résistance»: Ni les longues années de cachot ni la torture et les vexations ne sont venues à bout de la volonté de ces jeunes gens libérés hier par l’armée d’occupation. Leur détermination pouvait s’entendre dans leurs voix et se lire dans leurs regards. A peine franchis les derniers mètres qui les séparent de la liberté, ils laissent...