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Actualités - REPORTAGE

Rachaya : la coexistence druzo-chrétienne battue en brèche (photos)

Les élections municipales de 1998 feront date dans l’histoire de Rachaya, symbole de la coexistence. Pour la première fois, depuis le début du siècle, cette localité, dont le nom est indissociable des héros de l’indépendance du Liban, sera dotée d’un conseil municipal déséquilibré au sein duquel les chrétiens seront minoritaires. Dans la meilleure des hypothèses deux candidats chrétiens seront élus au sein de ce nouveau conseil formé de 15 membres conformément à la loi en vigueur sur les municipales. Les forces actives chrétiennes de la localité appuyées par le député druze de la région Fayçal Daoud n’ont pas appelé explicitement au boycott du scrutin mais en l’absence d’une liste ou de candidats consensuels, elles ont préféré se retirer de la bataille suivies dans leur démarche par leur base populaire. Elles refusent que le potentiel à Rachaya soit exploité pour attiser une lutte intestine au sein du PSP de Walid Joumblatt. En fait, deux listes incomplètes s’affrontent à Rachaya. La première formée de 10 candidats (dont un chrétien) est présidée par Ziad Aryane, un notable druze de la localité dont le père, le grand-père et l’arrière-grand-père ont rendu d’immenses services aux habitants de la localité. Bien que membre du PSP, un contentieux personnel l’oppose au ministre des Déplacés, depuis les Législatives de 1996. M. Joumblatt continue de lui en vouloir faisant valoir que la candidature de Aryane aux élections de 96 a contribué à faire échouer son candidat dans la région, Issam Halabi du fait de la dispersion des voix entre les deux candidats druzes du PSP. La deuxième liste, appuyée par M. Joumblatt, est formée de 13 membres ( dont un seul chrétien) et regroupe principalement des candidats du PSP et du PSNS. Les druzes de la localité accusent les chrétiens de donner un caractère confessionnel à la bataille alors que les chrétiens parlent d’une politisation du scrutin. Rupture avec une tradition Quelles que soient les circonstances du moment, Rachaya, aujourd’hui, rompt avec une ancienne et longue tradition de coexistence et d’entente druzo-chrétienne. Cette localité calme de la Békaa-Ouest, a été totalement épargnée par les ravages de la guerre civile. Pendant les hostilités, elle a constitué un refuge pour les Libanais en quête de paix. Et ses habitants étaient fiers d’appartenir à une localité réputée pour être une oasis de paix. L’entente druzo-chrétienne à Rachaya a, de tout temps, était exemplaire. Elu en 1963, président de la municipalité de Rachaya, le druze Sleiman Charafeddine Mehanna s’est désisté en faveur du chrétien Nassif Maalouli, élu vice-président de la municipalité, en signe de reconnaissance pour ses services rendus aux générations montantes. Nassif avait été, pendant les années cinquante, un des plus prestigieux enseignants de Rachaya. Aujourd’hui, Sleiman Mehanna se présente en candidat indépendant. Il regrette amèrement le boycott du scrutin par les chrétiens. Selon lui, cette abstention est injustifiée. L’absence d’une liste d’entente n’est pas une raison suffisante pour se retirer de la bataille, estime-t-il. Les chrétiens sont ses principaux alliés. Il est conscient du fait qu’il a peu de chance de se faire réélire dans la conjoncture présente. M. Ali Fayeck, chargé par le PSP de suivre l’opération électorale à Rachaya, est particulièrement agressif. Il accuse les chrétiens d’avoir torpillé le projet consensuel. Pour prouver les bonnes intentions du PSP, il affirme que le parti n’a proclamé sa liste que la veille du scrutin peu avant minuit ne lésinant pas sur les moyens pour faire aboutir les négociations entamées avec le député Fayçal Daoud et les forces actives chrétiennes notamment avec M. Bécharra Bou Saad, chrétien pressenti à la présidence de la municipalité au titre de candidat consensuel. M. Fayeck affirme par ailleurs que le parti a donné des instructions strictes à ses partisans pour voter en faveur du seul candidat chrétien de la liste dite du «Développement de Rachaya» (appuyée par M. Joumblatt), Fouad Maalouli et du seul candidat chrétien de la liste opposée dite «la liste de la Décision de Rachaya», Nassar Abou Samra. «De toute façon, dit-il, notre liste est délibérément incomplète». M. Fayeck s’inscrit en faux contre les propos de certains ténors chrétiens de la région qui ont réclamé une parité communautaire entre les membres du conseil municipal de Rachaya et ont rejeté la proposition de la présidence tournante de la municipalité entre les chrétiens et les druzes. Il critique vivement ceux parmi les chrétiens qui ont fait valoir «des droits consacrés par la coutume». En 1963, le conseil municipal de Rachaya était formé de six membres chrétiens et d’un nombre égal de la communauté druze. «Mais, à présent, la configuration démographique a changé», rétorque-t-il. Le boycott n’est pas la solution «En acceptant, le principe de la présidence tournante, les chrétiens auraient réussi à éviter le problème de la représentation chrétienne au sein du futur conseil municipal», dit M. Toufic Mehanna, responsable du service de l’information et de l’orientation au sein du PSNS dans le caza de Rachaya. M. Mehanna a mené plusieurs missions de bons offices entre les forces actives chrétiennes de la région, des responsables du PSP et le député Fayçal Daoud. Selon lui, la formule retenue concernant la composition communautaire du conseil municipal, au dernier round des négociations, était celle de six chrétiens contre neuf druzes. Mais, selon les listes des électeurs, le nombre des votants chrétiens n’est-il pas égal à celui des druzes? M. Mehanna répond par l’affirmative. «Cependant, lors des négociations sur les municipales, c’est le nombre des habitants résidents à Rachaya qui a été pris en compte. Une importante partie des chrétiens a émigré au Brésil ou s’est établie dans la capitale», souligne-t-il. Prié de dire comment le PSNS, parti idéologique s’est laissé prendre au piège d’un jeu à caractère confessionnel au lieu de rejeter tout marchandage sur l’appartenance communautaire du président de la municipalité, M. Mehanna affirme que le boycott est une formule qui s’est avérée infructueuse et a abouti à la marginalisation des chrétiens. Il a par ailleurs vivement critiqué ces derniers qui ont posé des conditions rédhibitoires pour se joindre au projet consensuel. «Il est aberrant, dit-il, de parler de consensus et de poser des conditions». «La participation du PSNS est une soupape de sécurité pour la localité de Rachaya», ajoute-t-il. Conseil municipal monochrome Le député druze de Rachaya, M. Fayçal Daoud, est vraiment serein. Il est persuadé que sa position est «raisonnable». «Il est inconcevable que le conseil municipal soit monochrome. De toute façon, c’est un conseil municipal mort-né». «Les chrétiens ont été pris entre les tiraillements des différentes fractions druzes», dit-il. Plus d’une source proche du PSP s’en est violemment prise au député druze de Rachaya. M. Daoud, en se solidarisant avec les chrétiens, a gagné l’appui de l’électorat chrétien non seulement de Rachaya mais de tout le mohafazat de la Békaa, affirment ces sources qui qualifient de «politiciens» les calculs de M. Fayçal Daoud. Lui, par contre, est fier de ses efforts pour former des listes consensuelles dans les villages et localités du caza de Rachaya. Il a parrainé des listes consensuelles à Hayya, Waar Horchi, Kfardinas, Kawkaba, Hoch el-Naabeh et Hanoui. «Nul ne peut surenchérir sur l’appartenance nationale des chrétiens de Rachaya», dit-il. M. Daoud ne manque pas par ailleurs de tirer la sonnette d’alarme en faisant valoir qu’un conseil municipal déséquilibré peut faire augurer d’une période de tourmente pour la région. Le candidat du consensus M. Béchara Bou Saad, chrétien grec-orthodoxe, connu pour ses nombreux services aux habitants de Rachaya, a été présenté par le ministre Joumblatt et le parlementaire Daoud comme candidat chrétien consensuel pour le poste de président de la municipalité. La base populaire du PSP dans la localité a vite crié à la trahison rejetant ce qu’elle a appelé comme une confiscation de la décision de la base ou décision préfabriquée imposée par les hautes sphères. Devant ce rejet de la base druze, M. Joumblatt a dû revenir sur sa caution. De son côté, le principal concerné a rapidement retiré sa candidature, refusant toute forme de bataille pouvant entraîner les chrétiens dans des tiraillements aux côtés de l’une ou de l’autre des fractions druzes. Les premières indications à de la fermeture des bureaux de vote à Rachaya ont fait état d’une participation chrétienne de l’ordre de 3%. Un peu plus tard une source du PSP a avancé le pourcentage de 14%.
Les élections municipales de 1998 feront date dans l’histoire de Rachaya, symbole de la coexistence. Pour la première fois, depuis le début du siècle, cette localité, dont le nom est indissociable des héros de l’indépendance du Liban, sera dotée d’un conseil municipal déséquilibré au sein duquel les chrétiens seront minoritaires. Dans la meilleure des hypothèses deux...