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Actualités - ANALYSE

L'entente nationale reste à faire, rappelle Boutros ...

La conjoncture suscite souvent des débats passionnés mais provisoires: continuera-t-on à discuter, une fois les municipales terminées, de la nécessité d’en modifier le code électoral ainsi d’ailleurs que celui des législatives? Ce n’est pas certain du tout: en 92 la controverse sur le découpage des circonscriptions avait été si vive qu’on pensait que la nouvelle législature — et le gouvernement — n’auraient rien de plus pressé que de régler cette question. Et il n’en a rien été, les mêmes défauts réapparaissant quatre ans plus tard… Fouad Boutros, qui a joué comme on sait un rôle primordial dans la cristallisation du récent consensus à Beyrouth, dit en substance que «l’opinion chrétienne et la plupart de ses leaderships étaient réservés au départ, n’approuvaient guère le code des municipalités et mettaient en garde contre son application». D’où, selon lui, un manque d’élan manifeste de l’électorat, le taux de participation réduit s’expliquant également par le nombre élevé d’émigrés ou d’absents pour motif de voyage. L’ancien ministre souligne en outre l’importance du facteur psychologique, de la déprime qui affecte la collectivité chrétienne depuis Taëf et qui entraîne forcément une attitude de refus. Il rappelle que dès l’origine une partie de ce camp s’était dressée contre Taëf tandis que ses partisans à l’est se sont aperçus à l’application qu’ils avaient été dupés. Le mentor de la politique locale estime dès lors qu’il est essentiel de traiter en profondeur ce sentiment, ou ce ressentiment, chrétien. Il reproche au pouvoir d’avoir mis sur rail un Taëf à sens unique, non à deux voies comme si la collectivité chrétienne était seule condamnée à payer et à beaucoup perdre. M. Boutros rappelle qu’il n’a cessé de plaider inlassablement depuis la naissance de l’actuelle République pour une entente nationale qu’on présentait en trompe-l’œil sans qu’elle eut jamais pris corps en réalité. Il précise ensuite qu’il est faux de confondre la coexistence, qui peut aller cahin-caha ou vaille que vaille au fil des jours comme dans un couple pas très uni, et l’entente nationale qui a valeur de fondement solide régulant, stabilisant et sécurisant la vie en commun. Sans de vrais équilibres, souligne-t-il, le pays resterait confronté à de difficiles complications que des échéances comme un référendum ou des élections mettraient naturellement en relief. Le penseur appelle donc toutes les parties concernées à s’atteler ensemble, en toute bonne foi, à remettre sur le métier la loi électorale pour en corriger lacunes et failles, afin de ne pas toujours retomber dans les mêmes problèmes. Il relève qu’il est assez insolite de voir les pôles religieux ou politiques se mettre chaque fois en devoir de sermonner l’électorat pour qu’il évite par ses bulletins de vote les redoutables égarements que le système autorise. Les campagnes préventives montrent donc par elles-mêmes que la loi électorale doit impérativement être rectifiée. Sur un plan factuel, M. Boutros avoue ne pas trop savoir - après Tripoli…-, si les responsables ont vraiment envie de voir s’effectuer une telle correction de trajectoire. Aggravation Il note parallèlement que les réactions au projet de mariage civil facultatif semblent indiquer que la population libanaise n’est pas prête pour aller de l’avant, d’autant que de confessionnel le climat s’est encore plus perverti pour devenir en quelque sorte sectaire. Là aussi, il faut à son avis un traitement conçu et appliqué avec courage, chacun devant s’efforcer de voir les choses lucidement telles qu’elles sont réellement, sans faux-fuyant et sans se cacher derrière son doigt comme on dit… Naturellement beaucoup de dignitaires religieux et d’hommes politiques partagent les vues de l’ancien ministre. En effet on ne peut procéder à chaque échéance par bricolage pour colmater les brèches de la législation et il n’est pas certain du tout que l’on puisse toujours prévenir, par des listes consensuelles, par l’appui du chef du gouvernement, l’implosion que risquent de provoquer les déséquilibres chroniques. Ainsi au président Hariri qui lui téléphonait pour se féliciter du comportement électoral des Beyrouthins, musulmans et chrétiens, le patriarche Sfeir a répondu qu’il souhaitait quand même que l’on change le code des municipales. Ce à quoi le président du Conseil a rétorqué en exprimant l’avis que l’entente nationale ne se fait pas par une loi, qu’elle est affaire de conviction et de pratique quotidienne. Une objection sans doute valable mais qui amène à se demander pourquoi la loi électorale n’irait pas dans ce même sens d’union voulue et pourquoi elle continuerait à favoriser la dislocation. En effet partout où les centres de décision ou d’influence n’ont pas su intervenir à temps pour imposer un consensus comme à Beyrouth, les résultats des municipales montrent que le panachage confessionnalisé voire sectarisé a frappé fort, ébranlant les bases de la coexistence. Le mal du confessionnalisme, on ne le sait que trop, a été aggravé par les pratiques en cours depuis Taëf et le système de partage, tout à fait confessionnel, mis en place par la troïka. Au niveau des élections, c’est à la loi, nonobstant le peu d’estime que le chef du gouvernement semble lui porter, de poser les garde-fous nécessaires. Tout homme d’Etat en conviendrait… Sur le plan pratique, et pour les municipales par exemple, on peut soit reconnaître que le gouvernement avait bien raison de vouloir se réserver le droit de désigner un tiers des édiles dans les cités importantes, pour rééquilibrer les dosages confessionnels. Soit prévoir, comme pour les législatives ou comme lors de l’édition de 1963, une répartition des sièges en fonction des communautés. En ce qui concerne les législatives, c’est le découpage des circonscriptions qui est surtout en cause. Tout d’abord l’expérience démontre que le mohafazat est un périmètre trop grand pour assurer aux élus une vraie représentativité de leur milieu. Et ensuite la loi doit naturellement être la même pour tous, principe premier que l’on a superbement foulé aux pieds en 92 comme en 96…
La conjoncture suscite souvent des débats passionnés mais provisoires: continuera-t-on à discuter, une fois les municipales terminées, de la nécessité d’en modifier le code électoral ainsi d’ailleurs que celui des législatives? Ce n’est pas certain du tout: en 92 la controverse sur le découpage des circonscriptions avait été si vive qu’on pensait que la nouvelle...