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Actualités - CHRONOLOGIE

La pression des "affaires" s'alourdit en France

Des spécialistes du droit sont partagés en France sur les risques encourus par le président Jacques Chirac, face à la pression des affaires concernant le financement du RPR, la mairie de Paris ou les HLM de la capitale. A l’heure actuelle, le chef de l’Etat n’est pas directement concerné par des enquêtes qui touchent ses amis politiques. Mais Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, a mis le feu aux poudres le 17 mai en affirmant que, si l’article 68 de la Constitution prévoit que le chef de l’Etat est «irresponsable pour les actes qui relèvent de sa fonction de président», il peut, «comme tous les Français, être traduit devant les tribunaux s’il a commis des délits». Cette opinion a suscité la colère de l’Elysée, qui y a vu un accroc sévère à la cohabitation. Lionel Jospin a dû lancer un appel à l’ordre à ses ministres en leur interdisant d’évoquer les affaires en cours et le nom même du chef de l’Etat. Dans le même temps, le RPR a lancé une offensive contre le premier ministre à l’Assemblée nationale en l’accusant d’avoir bénéficié d’un «emploi fictif» puisqu’il avait été, de 1993 à 1997, un fonctionnaire sans affectation payé par le Quai d’Orsay. L’ancien ministre de la Justice et ancien président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, a jeté son poids dans la balance en faveur d’Elisabeth Guigou. «Si le président de la République bénéficie d’une immunité absolue pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions, hormis le cas de haute trahison, il est, comme tout justiciable, responsable des actes qu’il aurait commis avant son élection, l’immunité n’étant pas attachée à la personne mais seulement à la fonction présidentielle», écrit-il dans «Le Nouvel Observateur». Cet avis est contredit par d’autres spécialistes, comme le constitutionnaliste Guy Carcassonne, proche du Parti socialiste, qui estime que la justice ne peut reprendre son cours qu’une fois le mandat présidentiel achevé. L’hebdomadaire «L’Express» publie pour sa part une note du ministère de la Justice datant de 1995, juste après l’arrivée de Jacques Chirac à l’Elysée, qui va dans le même sens. Selon cette note, le président de la République n’est pas juridiquement passible de poursuites, «au moins le temps du mandat présidentiel». Cette note, rédigée par un magistrat, Dominique-Henri Matagrin, à la demande du garde des Sceaux de l’époque, le RPR Jacques Toubon, propose une lecture radicalement différente de l’article 68 de la Constitution. Selon ce magistrat, le chef de l’Etat est «responsable des actes accomplis avant son entrée en fonction, dans les termes du droit commun». Mais «le droit théorique d’engager une poursuite (…) va, au moins le temps du mandat présidentiel, se trouver empêché», du fait de la séparation des pouvoirs qui est en France «le droit commun». La possibilité de porter atteinte à cette séparation des pouvoirs «fait figure d’exception et doit être expressément prévue et organisée par un texte». Or, la Constitution et les lois ne prévoient «d’exception à la séparation des pouvoirs en matière pénale» qu’à l’encontre des membres du Parlement et du gouvernement, est-il dûment précisé dans cette note. «Emplois fictifs» «Rien n’a été prévu s’agissant du président» et ce «silence des textes doit être nécessairement considéré comme intentionnel: il signifie le refus de toute atteinte de ce genre à la séparation, s’agissant du président, a écrit Dominique-Henri Matagrin. Il doit être clair en conséquence que les textes ne permettent pas, tant qu’un président est dans son poste, de faire échec à la séparation des pouvoirs à son égard». Mercredi, «Le Monde» avait affirmé que l’Elysée s’inquiétait de la convergence des enquêtes judiciaires en cours sur la personne d’Alain Juppé, ancien premier ministre et fidèle entre les fidèles du chef de l’Etat. Le quotidien affirmait qu’une «cellule de crise» existait à l’Elysée pour établir un «cordon sanitaire» autour d’Alain Juppé, dont la double responsabilité passée de secrétaire général du RPR et d’adjoint aux finances de la Ville de Paris risquait de lui valoir, dans un avenir non précisé, plusieurs mises en examen. La présidence de la République a publié un «démenti catégorique» et Alain Juppé s’est dit «indigné». Il a dénoncé «une pression médiatique et politique visant à influencer la justice et à troubler sa sérénité». Le député-maire de Bordeaux serait menacé par les derniers développements de l’enquête du juge Patrick Desmure sur le financement du RPR, parti fondé par Jacques Chirac en 1976. Le magistrat se pencherait actuellement sur les révélations de Georges Quémar, ancien directeur général du personnel de la Ville, qui a affirmé, dans une interview publiée par «Le Parisien», que la mairie de Paris, alors dirigée par Jacques Chirac, avait financé au milieu des années 80 jusqu’à environ 300 «emplois fictifs». «Le Monde» affirmait mercredi que plusieurs personnes, salariées par l’Hôtel-de-Ville et affectées en réalité au RPR, auraient été placées sous l’autorité directe d’Alain Juppé. «Le Parisien» écrit que la pratique des emplois fictifs est aussi répandue à gauche qu’à droite et cite le cas des salaires versés par Air France à des anciens conseillers de l’Elysée, sous François Mitterrand. Des pilotes d’Air France ont d’ailleurs déposé cinq plaintes contre leur employeur pour présentation de faux bilans et recel d’abus de biens sociaux. Un ancien conseiller de François Mitterrand, Gérard Colé, précise dans les colonnes du quotidien que «la pratique était courante à l’Elysée et dans chaque ministère». «Toutes les personnes non fonctionnaires employées dans les cabinets avaient des emplois bidon à Air France, Air Inter, La Poste, la SNCF, les banques et les compagnies d’assurances», affirme-t-il. Jean-Claude Colliard, qui fut directeur de cabinet de François Mitterrand, souligne pour sa part que le système existait «avant François Mitterrand et continue sans doute encore». (Reuters)
Des spécialistes du droit sont partagés en France sur les risques encourus par le président Jacques Chirac, face à la pression des affaires concernant le financement du RPR, la mairie de Paris ou les HLM de la capitale. A l’heure actuelle, le chef de l’Etat n’est pas directement concerné par des enquêtes qui touchent ses amis politiques. Mais Elisabeth Guigou, ministre de...