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Actualités - REPORTAGE

Jbeil : participation massive, mais enchevêtrement probable de tendances (photo)

Si la bonne marche d’un scrutin se mesure seulement à ce qui, extérieurement, peut en fausser le résultat et dénaturer la volonté populaire, on peut dire sans grand risque d’erreur que les élections municipales, hier, dans la région de Jbeil, et dans le chef-lieu du caza en particulier, ont été libres. Mais si la valeur du scrutin se mesure également au degré de conscience dont ont fait preuve les électeurs, dans leur choix, et aux critères en fonction desquel ils ont choisi ceux qui doivent gérer leurs affaires communales, alors il faudrait faire bien des réserves au sujet d’un scrutin généralement mal préparé, et dominé par des considérations parfois si étroites qu’elles l’ont transformé en une kermesse primaire et décevante. Aucun incident significatif n’a donc troublé hier l’opération électorale, dans le caza de Jbeil, et en particulier dans la ville même de Jbeil. Aucun incident, hormis peut-être des coups bas qui ne peuvent réellement être qualifiés d’incidents, mais représentent une forme de guerre psychologique malhonnête, dans laquelle l’adversaire potentiel, anonyme, tente de discréditer son rival avec des arguments mensongers, sinon diffamatoires. Ainsi, à Byblos comme dans certains quartiers arméniens de la capitale, des tracts distribués, dans la nuit de samedi à dimanche, ont pris à partie M. Jean-Louis Cardahi, tête de l’une des quatres listes participant aux élections municipales. Les tracts appelaient les Arméniens à ne pas voter pour la liste, sous prétexte que l’épouse de M. Cardahi est turque — ce qui est exact —, et que son beau-père appartient au parti «Refah», ce qui est une invention pure et simple. Une façon sournoise de priver M. Cardahi de l’appui de l’électorat arménien qui, après l’électorat maronite, mais avant les chiites et les sunnites, représente le plus important pourcentage de voix de la région (environ 1.000 voix ). Selon M. Cardahi, ce coup bas n’a pas véritablement affecté les voix arméniennes en sa faveur. D’ailleurs, seules les listes de M. Tanios Zaarour et de M. Cardahi comportaient un Arménien parmi leurs membres. Les deux autres listes, présidées respectivement par MM. Halim Hawat, frère de l’ancien secrétaire général du Bloc national, et Gino Kallab, ne comprenaient que 13 membres seulement, pour 15 sièges municipaux à pourvoir. Quatre candidats indépendants n’ont persisté dans la course que pour le principe. Le taux de participation au scrutin, à Jbeil, a été massif et s’est situé autour de 70% (environ 5.680 votants sur 7.800 votants incrits). Dans le caza tout entier, c’est 574 candidats qui brigaient 234 sièges municipaux, alors que 240 candidats brigaient 99 postes de moukhtars et 252 candidats 240 postes de membres de conseil de moukhtars. Selon l’ANI, trois conseils municipaux — à Annaya, Kfar Baal et Laklouk —, ont été élus d’office, et 33 conseils de moukhtars ont été élus d’office, dans les localités de Adonis, Mazarib, Rihaniyé, Kharbé, Bahdaydate, Hakel, Hbalin, Sarhita, Sakié el-Hayt, Aïn Deblé, Aïn Sawwané, Aïn Harrine, Aïn Kfah, Karkerya, Lehfed, Dmelsa, Laklouk, Ghabat, Kafr, Berbara, Bekhaz, Aïn Chellal, Ghrofni, Gharzouz, Frat, Annaya, Kfar Baal, Yanouh, Fidar, Chikhan, Maad, Ferhat et Ehmez. Clivage B.N.-Destour Pour en revenir aux élections municipales à Jbeil, elles ont été marquées, de l’avis unanime, par le traditionnel clivage Bloc national/ Destour, sans que le BN ait endossé officiellement ces élections, et sans une ligne de démarcation bien nette entre les listes ou les étiquettes arborées. Ainsi, les listes présidées par MM. Zaarour et Hawat prétendaient, chacune, représenter la légitimité Bloc national. M. Zaarour est allé jusqu’à affirmer, à la veille du scrutin, que la direction du parti, qui a laissé aux électeurs la liberté totale de vote, était «coupée de la base», et que cette base le soutenait. On rappelle par ailleurs que M. Jean Hawat, qui appuie son frère Halim Hawat, a été exclu du BN, après avoir enfreint la consigne de non-participation aux Législatives, en 1996. Il n’en possède pas moins une base de popularité, dans les milieux traditionnellement «eddéistes». La liste de M. Kallab, elle, s’est présentée sous l’étiquette Destour, ou encore sous l’étiquette «chéhabiste», et était appuyée par le député Nouhad Souhaïd et M. Nazem Khoury, candidat malheureux aux Législatives de 96. Particularité de cette liste, elle comprenait le nom de Mme Lili Khalifé, qui n’est autre que la soeur de M. Halim Hawat. Cette rivalité politique entre un frère et sa soeur, doublée d’un vieux conflit personnel, a d’ailleurs marqué le déroulement du scrutin, puisque une violente altercation a éclaté, l’après-midi, entre le fils de Mme Khalifé et son oncle, M. Halim Hawat. Il faut dire que l’heure de fermeture des bureaux de vote approchait, et que les nerfs des candidats étaient déjà bien éprouvés. L’interposition de militaires a heureusement empêché l’altercation de dégénérer. Pour sa part, M. Jean-Louis Cardahi s’est présenté sous l’étiquette «indépendante». La liste de M. Cardahi, lui-même polytechnicien, a certainement le mérite d’être la plus «jeune» des quatre en lice, et pourrait créer la surprise de ce scrutin. Hier après-midi, pourtant, les pronostics à Jbeil parlaient d’un véritable «loto». C’est à dire que l’élément «hasard» allait jouer en faveur d’un cocktail de candidats. Selon certains observateurs, les têtes de listes eux-mêmes n’auraient rien à craindre, mais ce qui est vrai pour eux, ne le serait pas pour leur coéquipiers, en raison du panachage. En fait, selon un observateur averti, aucun candidat ne serait suffisamment fort pour imposer sa volonté à Jbeil. Quels que soient les résultats du scrutin, il faudra les interpréter à la lumière des données suivantes: un résultat qui reflèterait un enchevêtrement des tendances pourrait se répercuter très négativement sur la bonne marche de la municipalité élue. En effet, faute d’une majorité de huit membres d’une même liste élus, la nouvelle municipalité de Jbeil pourrait se retrouver paralysée par la lutte d’influence que se livreraient ses membres, alors même que la ville possède l’un des plus riches patrimoines archéologiques du pays, et que la présence d’un centre universitaire, comme du nouveau centre des sciences humaines de l’UNESCO, pourraient en faire un phare culturel de premier ordre. Deuxième constatation, confortée par plusieurs observateurs: l’électorat de Jbeil a fait preuve d’une grande immaturité dans l’exercice de la démocratie. Les «jbeilyotes» doivent apprendre encore à exercer la démocratie avec un minimum de moralité, afin que derrière les sourires figés, électoraux, la haine rentrée et les rancœurs n’augurent pas de nouvelles explosions. Troisième constatation: les municipales ne peuvent que fonctionner comme des élections «primaires» qui permettraient l’accès des candidats à l’échelle nationale. Or, sans partis politiques, le filtrage de la population, pour l’accès à l’échelle nationale, restera aléatoire, hasardeux, approximatif. La persistance de l’état des choses actuel ne pourra donc que continuer à développer un type de leadership basé d’abord sur les services. Au grand dommage des principes.
Si la bonne marche d’un scrutin se mesure seulement à ce qui, extérieurement, peut en fausser le résultat et dénaturer la volonté populaire, on peut dire sans grand risque d’erreur que les élections municipales, hier, dans la région de Jbeil, et dans le chef-lieu du caza en particulier, ont été libres. Mais si la valeur du scrutin se mesure également au degré de...