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Actualités - REPORTAGE

Metn Nord : la convivialité villageoise l'emporte sur les susceptibilités politiques (photos)

Que le plus compétent gagne: c’est dans cet esprit que les élections municipales se sont déroulées hier dans la majorité des localités du Metn-Nord, où les considérations d’ordre politique ont été éclipsées, rendant difficile jusqu’en fin d’après-midi, tout pronostic. Le panachage était roi, partout dans les villages visités, de Mkallès, jusqu’à Khonchara, le choix d’un grand nombre d’électeurs étant dicté par une série d’intérêts apolitiques. Le candidat idéal? «C’est celui dont les qualités professionnelles et morales lui permettent de servir sa communauté». La politique? «Nous, on en a marre. Laissons-là aux grands. Nous voulons des gens qui puissent s’occuper de nous». Tel un leitmotiv, ces deux idées sont répétées un peu partout dans le Metn où, malgré la fièvre électorale, une ambiance bon enfant a prévalu toute la journée. A l’exception de Jouar où l’ancien ministre Michel Samaha a vigoureusement protesté contre le vote de personnes naturalisées mais non domiciliées dans son village. «Pensez-vous réellement qu’il y a une véritable bataille? Venez à 17h et vous verrez tous ceux qui se sont affrontés aujourd’hui commenter la journée, réunis autour d’une chope de bière dans le café voisin. Nous en avons l’habitude». Jaoudé Abou Jaoudé, un épicier de Baabdate, parle en connaissance de cause. Il a été témoin de deux élections municipales et sait parfaitement que les rivalités qu’attise l’échéance électorale disparaissent avec la fermeture des bureaux de vote. Si les vieux font en général preuve d’une certaine philosophie et de beaucoup de flexibilité, les jeunes sont beaucoup plus intransigeants. A la limite agressifs. Pour eux, il n’y a qu’un seul enjeu et il est d’ordre politique. Ils se situent pour la plupart dans le camp de l’opposition et choisissent leurs édiles sur base de leurs sympathies politiques. «Nous avons boycotté les législatives parce qu’«ils» voulaient nous tendre un piège à travers la loi qu’ils ont votée. Aujourd’hui, nous sommes là pour prouver que le peuple est avec nous». Le jeune homme qui parle à Beit Méry (il ne veut pas donner son nom) est presque menaçant. Il voue une admiration sans bornes à M. Albert Moukheiber dont la liste mène la bataille contre celle de M. Riyad Abou Fadel. Beaucoup de jeunes à Beit Méry arborent sur leurs T. shirts les couleurs libanaises, choisies par la liste Moukheiber. Les plus âgés sont plus nuancés: tous se gardent de préciser leurs préférences en matière politique: Ils vous font comprendre que dans un village, tous le monde se connaît, tout le monde est ami et que tous les candidats au conseil municipal de Beit Méry-Aîn Saadé (11 candidats pour Beit Méry et 4 pour Aïn Saadé) ont d’excellentes références et aptitudes. M. Albert Moukheiber est excessivement populaire dans la région, mais le ministre Michel Murr a aussi des assises populaires à Beit Méry, raconte Fadlo, la cinquantaine, en rappelant que le Dr Moukheiber et M. Gabriel Murr ont de tout temps été à couteaux tirés. Pour lui, il n’y a aucun problème si le conseil municipal de Beit Méry est formé des candidats des deux listes, d’autant que la tradition veut que la présidence de la municipalité revienne à un maronite et la vice-présidence à un grec-orthodoxe. «Beit Méry gagnante» Candidat de la liste Moukheiber, M. Fouad Emile Maroun affirme que «quels que soient les résultats du scrutin, c’est Beit Méry qui sortira gagnante parce qu’elle aura une équipe à son service. Nous formons en définitive une seule famille». Quelques mètres plus loin, une petite fille tout de blanc vêtue tend aux électeurs un papier sur lequel on peut lire en grand «stop» et en caractères plus petits «Chers électeurs, avant de voter, lisez le programme de Pierre Emile Eddé». Très à l’aise, M. Eddé, candidat indépendant aux élections municipales, sirote son café en bavardant avec les membres de sa famille. Il souligne qu’il compte sur les jeunes pour le changement et laisse entendre qu’il est possible qu’il puisse percer une des deux listes. Les gens, note-t-il, attachent une grande importance aux qualifications des candidats. M. Albert Moukheiber ne tient pas en place. Il effectue une tournée dans les bureaux de vote à Beit-Méry et Aîn Saadé et lorsqu’il regagne son bureau, c’est pour diriger lui-même l’opération électorale. A ses partisans, il a fait comprendre que le panachage est interdit. C’est donc une liste complète qui est déposée dans l’urne. Le même mot d’ordre est donné par M. Riyad Abou Fadel à ses partisans. Les deux listes veulent avoir tous les atouts en mains, et faute de pouvoir hisser chacune tous ses candidats au conseil municipal, elles s’efforcent de faire élire le maximum d’entre eux. Une immense affiche, collée par les partisans de M. Moukheiber à l’entrée des bureaux de vote met en garde contre les listes piégées. Parce que la bataille est serrée, parce que les résultats sont incertains, les délégués des deux bords font parfois preuve d’un excès de zèle, qu’on constatera d’ailleurs dans tous les bureaux de vote du Metn-nord: ils accompagnent les électeurs jusqu’aux isoloirs en multipliant les signes de convivialité. Au passage, ils rappellent qu’«vaut mieux voter pour toute la liste». A l’entrée du bureau de vote, un délégué de la liste Moukheiber hèle un votant: «Attention, ne les laisse pas t’accaparer». M. Moukheiber met l’accent sur l’«extraordinaire affluence aux bureaux de vote» mais regrette qu’il y ait trop de candidats (10) aux postes de moukhtars (2), d’autant que «la plupart d’entre eux sont attachés à notre ligne politique». Ce ténor de l’opposition insiste sur le caractère politique de la bataille menée dans son village: «Elle l’est sûrement d’autant que les principales familles de Beit-Méry sont représentées dans les deux listes». Jusqu’en fin de journée, il n’était pas possible de prévoir exactement de quel côté la balance penchera, mais la liste Moukheiber semblait favorite. A Broummana, la liste de M. Pierre Georges el-Achkar est sûre de remporter les élections. «Notre liste est complète, l’autre (celle du Dr Nadim Karam) ne l’est pas et c’est en soi un mauvais départ», déclare M. Achkar. En ce dimanche 24 mai, Broummana ressemblait à une ville fantôme. Toutes les rues sont vides. Les habitants de cet important centre de villégiature du Metn se sont tous donné rendez-vous devant la High School. Les candidats de la liste Karam aussi. M. Anouar Esber Elias el-Assouad, qui se présente comme un «remarquable homme de presse» note que la liste dont il fait partie, bénéficie de l’appui de toutes les familles de Broummana qui y sont représentées d’une manière ou d’une autre. Et s’il ne leur a pas été possible de former une liste complète, c’est en raison de l’insuffisance des candidatures à Broummana. Il n’en demeure pas moins que quatre personnes ont présenté leur candidature à titre indépendant. Selon M. Assouad, ils ont leur place sur la liste Karam. Son colistier, M. Antoine André Farah ne parle pas de victoire, mais explique que dans sa composition, la liste dont il fait partie est parfaitement apte à assumer les responsabilités qui lui incomberont au cas où elle serait élue. M. Farah, un ingénieur, explique que sa liste n’a pas établi de programme, mais a défini une méthodologie de travail, «fondée sur la transparence et l’engagement à un développement durable». Baabdate: un dilemme cornélien Aux élections municipales, chaque candidat compte sur ses connaissances et c’est le moment ou jamais de rappeler à quelqu’un, discrètement, un service qu’on lui a rendu il y a un temps, d’exprimer sa gratitude envers un autre... Le choix est difficile, le dilemme est à la limite cornélien: une habitante de Baabdate a trouvé la solution: elle votera pour la liste d’Assaad Labaki (soutenue par M. Nassib Lahoud) et sa fille pour celle de Nabil Lahoud (soutenue par le courant aouniste et le Dr Sélim Salhab, chef du conseil politique du Bloc national). La solution trouvée par d’autres est moins catégorique: on puise dans les deux listes pour choisir 12 candidats au conseil municipal. «Nous savons qui a posé sa candidature au conseil pour le prestige du poste et qui veut réellement servir Baabdate», entend-on de part et d’autre. Impossible de savoir qui appuie Nabil Lahoud et qui soutient Assaad Labaki. Le cas de Baabdate est un peu différent des autres localités du Metn. Ce centre de villégiature n’a pas une municipalité depuis 1963, raconte les habitants. Cette année-là, des membres élus au conseil municipal de la localité avaient présenté leur démission, pour des raisons d’ordre politique et depuis, Baabdate est directement rattaché au caîmacamat. Ses habitants sont catégoriques: «Le temps de la féodalité est révolu. Aujourd’hui, on choisit nos édiles en fonction de leur savoir et de leurs compétences», déclarent Joseph et Elie. Et des personnes compétentes, il y en a beaucoup, assurent-ils. Si vous les interrogez sur la rivalité des deux clans Lahoud, ils vous regardent les yeux ronds, assurant qu’il n’y a rien de cela. «Vous verrez, ce soir, ils iront tous veiller ensemble», déclare M. Maroun Yammine. Même son de cloche auprès des candidats. M. Nabil Lahoud assure que tout sera fini à 17h. Lui et M. Assaad Labaki regrettent qu’il n’ait pas été possible de parvenir à une formule consensuelle pour les élections de Baabdate. Les proches de M. Labaki se disent sûrs de remporter les élections. Ceux de M. Lahoud affirment la même chose. Rien ne perturbe l’opération électorale à Baabdate, sauf peut-être le refus catégorique des nouvelles cartes électorales dans tous les bureaux de vote. Allez savoir pourquoi! Le problème s’est également posé à Bickfaya et à Dhour el-Choueir, mais pas à Beit Méry. Et pour cause: les nouvelles cartes électorales n’ont pas été encore distribuées dans cette localité. Bickfaya: une vive tension La tension qui prévaut à Bickfaya détonne avec le climat «pépère» qui règne dans les autres localités du Metn. Il suffit d’écouter les commentaires et les critiques des gens dans la rue pour se rendre compte à quel point le climat est fiévreux. Le processus électoral prend un mauvais départ: à l’ouverture des bureaux de vote, on constate que certains n’ont pas été équipés de tables, de papeterie. Dans une salle de gymnastique transformée en bureau de vote au siège municipal, un des isoloirs est placé contre un miroir ce qui permet facilement de voir l’électeur. Une machine à faire travailler les muscles du thorax est aussi détournée de sa fonction initiale et bien d’électeurs ont trébuché en se rendant derrière cet isoloir de fortune. Au bureau de vote de Wadi Abou Chahine, un quartier de Bickfaya, les listes d’électeurs n’arrivent que vers 9h30. Si la tension est vive à Bickfaya, c’est à cause de la rumeur sur la présence de quelque 500 votants naturalisés il y a quelques années et non domiciliés dans cette localité. Les rues sont particulièrement animées à Bickfaya, contrairement aux autres localités du Metn. M. Antoine Gemayel (indépendant) dont la liste est opposée à celle de M. Toufic Dagher (soutenue par le président Amine Gemayel et par M. Michel Murr) dénonce «les pressions morales» exercées sur ses partisans. Ceux de son rival, dit-il, essaient de vérifier les bulletins de vote de ses partisans. M. Gemayel reproche vivement à son rival, président sortant de la municipalité de Bickfaya, d’avoir transformé le siège de la municipalité en bureau électoral. M. Dagher nous reçoit dans son bureau à la municipalité et explique qu’il n’y a rien d’anormal à ce que le président Amine Gemayel et M. Murr appuient sa liste. «J’avais 15 ans quand je me suis engagé avec les Kataëb de Pierre Gemayel et depuis, j’ai respecté la même ligne politique. Quand au ministre de l’Intérieur, nous nous sommes connus sur les bancs de l’école chez les Jésuites et nous avons maintenu notre amitié», dit-il. Il s’insurge contre l’interdiction de l’utilisation des nouvelles cartes d’identité pour le vote. D’ailleurs, un de ses colistiers, M. Nagy Nassar, n’a pas pu voter parce qu’il n’avait que sa nouvelle carte d’identité. Le même problème se pose à Dhour el-Choueir ou deux listes s’affrontent, celle du Dr Elie Sawaya, qui bénéficie de l’appui de M. Murr et celle de M. Chawki Sawaya, candidat du PSNS. Au départ, il n’y avait qu’une seule liste, celle de M. Elie Sawaya, candidat indépendant agréé par l’ensemble de la famille puis le PSNS a décidé de se lancer dans la bataille, seul, et a posé la candidature d’un de ses cadres, Chawki Sawaya. A Dhour el-Choueir, la bataille a donc ceci de particulier qu’elle est menée entre deux membres de la même famille, mais le premier représente la cellule familiale et le deuxième son parti. Vers qui les préferences des habitants de la région vont? La réponse est simple. Les membres du PSNS votent pour Chawki et les indépendants pour Elie. Ce dernier, qui s’était engagé dans la bataille électorale à la demande de ses proches, souhaite aujourd’hui ôter à Dhour el-Choueir son étiquette politique, afin qu’elle redevienne un centre de villégiature semblable à tous les autres. Elie Sawaya a d’ailleurs d’ambitieux projets de développement pour son village et si sa liste n’est pas complète -comme celle de Chawki d’ailleurs- c’est pour laisser le choix aux électeurs. La démocratie, il y croit fort, dit-il. A Jouar-Khonchara, c’est une liste opposante et une autre loyaliste qui s’affrontent, mais si la bataille est dure, selon les habitants de la région, c’est parce que chacun des deux partis met tout son poids dans la balance pour faire en sorte que les considérations d’ordre politique prennent le dessus sur celles, d’ordre familial. Là aussi, les pronostics sont difficiles. La journée aurait pu s’achever normalement si des personnes naturalisées n’avaient pas fait irruption dans le village, sortant de nulle part. C’en était trop pour l’ancien ministre ministre Michel Samaha qui n’a pas cru ses yeux en voyant arriver «un bus bénéficiant d’une escorte, transportant 15 personnes naturalisées qui ont voté et sont reparties comme si de rien n’était». «Des personnes qu’on n’a jamais vu dans le village», lance-t-il. M. Samaha proteste vigoureusement, mais le mal est déjà fait. Il est 17h les bureaux de vote ferment leurs portes. C’est aussi l’heure des retrouvailles, des commentaires. Les Metniotes sont heureux d’avoir pu exprimer librement leur volonté.
Que le plus compétent gagne: c’est dans cet esprit que les élections municipales se sont déroulées hier dans la majorité des localités du Metn-Nord, où les considérations d’ordre politique ont été éclipsées, rendant difficile jusqu’en fin d’après-midi, tout pronostic. Le panachage était roi, partout dans les villages visités, de Mkallès, jusqu’à Khonchara, le...