Aucun incident au scrutin du Mont-Liban marqué par une participation massive Municipales : un démarrage en douceur Victoire du Hezbollah dans la banlieue sud Succès de l'opposition à Beit-Méry et Sin El-Fil La liste Jean Louis Cordahi largement en tête à Jbeil Les listes Chamoun et Haikal El-Khazen

La première phase des élections municipales au Mont-Liban a été franchie hier avec succès. En dépit de l’atmosphère fiévreuse qui a marqué les batailles électorales dans plusieurs localités et agglomérations dans les six cazas de la montagne, aucun incident majeur n’a été signalé, les Forces de sécurité intérieure et l’armée ayant adopté des mesures strictes afin d’assurer le bon déroulement du scrutin. Ce climat sécuritaire rassurant a contribué à accroître sensiblement le taux de participation qui a atteint des niveaux particulièrement élevés. Dans certaines régions, le vote a été massif, ce qui a reflété un engouement certain de la part de la population à faire entendre, enfin, sa voix. Quelque 700.000 électeurs au total étaient appelés à se rendre aux urnes pour choisir 3.000 conseillers municipaux et 600 moukhtars parmi 9.000 candidats dans les six cazas (Jbeil, Kesrouan, Metn-Nord, Baabda, Aley et Chouf). Compte tenu de la forte participation au vote (entre 65 et 80 pour cent, suivant les régions), les opérations de dépouillement se sont poursuivies jusqu’à une heure avancée de la nuit, de sorte que dans de nombreuses agglomérations, il a été impossible d’obtenir des résultats complets et précis. Les résultats officiels seront proclamés dans les vingt-quatre heures (VOIR PAGE 6 LES RÉSULTATS NON DÉFINITIFS DE CERTAINES LOCALITÉS). Contre toute attente, le panachage a été, d’une manière générale, très peu pratiqué. Dans la plupart des localités, des listes entières ont été élues ou, à défaut, une écrasante majorité d’une même liste. En dépit du fait que les considérations familiales et claniques ont prévalu sur les grandes options politiques nationales, un bilan politique ponctuel peut d’ores et déjà être établi au cas par cas, mais aucune tendance générale ne peut être dégagée à l’échelle d’un caza ou, a fortiori, du mohafazat du Mont-Liban. Encore que les sources du ministre de l’Intérieur indiquaient en soirée que les listes appuyées par M. Michel Murr avaient remporté 36 municipalités au Metn-Nord. Dans la banlieue-sud de Beyrouth, le «Hezbollah» a remporté une nette victoire à Ghobeiri et Bourj Barajneh face à la coalition Berry-Hariri. Cette double victoire du parti intégriste ne manquera pas de se répercuter sur le cours du scrutin à Beyrouth et au Liban-Sud (le 7 juin prochain). A Deir el-Kamar, le leader du Parti national libéral, M. Dory Chamoun, a remporté (virtuellement) la présidence de la municipalité en réussissant à faire élire tous ses colistiers face à la liste soutenue par M. Nagi Boustany. L’opposition chrétienne anti-Taëf a enregistré pour sa part un franc succès dans les deux agglomérations de Beit-Méry et Sin el-Fil où le duel opposition-pouvoir était clair. A Beit-Méry, la liste de l’opposition soutenue par le Dr Albert Moukheiber a été élue en entier face aux candidats appuyés par le ministre Michel Murr. A Sin el-Fil, toute la liste de l’opposition soutenue par M. Sami Chaoul (proche du PNL) a été élue, mettant en échec la liste appuyée par le pouvoir et conduite par le fils de l’actuel député Habib Hakim, président sortant de la municipalité de Sin el-Fil. A Jounieh, M. Haïkal el-Khazen, frère du député du Kesrouan Rochaïd el-Khazen, a finalement remporté le bras de fer qui l’opposait à M. Joe el-Bone, frère de M. Mansour el-Bone, également député du Kesrouan. Une écrasante majorité de la liste conduite par M. el-Khazen a été élue. Cette liste bénéficiait du soutien du ministre Farès Boueiz, du PNL et de l’ancien ministre Georges Frem. La victoire de M. el-Khazen revêt pour la ville de Jounieh une importance certaine dans la mesure où M. el-Bone était appuyé par le chef du gouvernement, Rafic Hariri, ce qui a été perçu par une large frange de l’opinion publique à Jounieh (ainsi que par la Ligue maronite) comme une ingérence de M. Hariri dans les affaires intérieures de Jounieh et du Kesrouan. Surprise à Jbeil A Jbeil, la liste présidée par le jeune ingénieur Jean Louis Cardahi (indépendant) est largement en tête alors que Jbeil constitue l’un des principaux fiefs du Bloc National. Sur les quinze sièges du conseil municipal, la liste conduite par M. Cardahi remporterait au moins douze, de sorte que M. Cardahi est assuré de prendre en charge la présidence du conseil municipal. M. Cardahi (indépendant) a mené campagne afin de faire élire une équipe de travail formée de jeunes cadres et de notables soucieux de mener une action de développement loin des clivages politiques traditionnels. L’électorat de Jbeil a, semble-t-il, été sensible à un tel positionnement non politicien. S’il se confirme officiellement, ce vote en faveur d’une équipe d’indépendants se plaçant au-dessus des clivages politiques classiques aura sans doute traduit un agacement face aux tiraillements et aux querelles dont a été le théâtre Jbeil ces dernières années. M. Cardahi a croisé le fer, en effet, avec une liste soutenue par M. Nazem Khoury, l’une des figures de proue du Destour dans la région. Il était également opposé à deux listes qui se sont pratiquement partagées l’électorat du Bloc National: l’une conduite par M. Halim Hawat, frère de M. Jean Hawat, ancien secrétaire général du B.N., et la seconde présidée par M. Tanios Zaarour, bénéficiant d’une large audience parmi les électeurs du B.N. M. Cardahi a réussi ainsi à renvoyer dos à dos aussi bien le B.N. que le Destour qui se partagent depuis de nombreuses années la scène politique dans la caza de Jbeil. Les partisans du B.N. ont subi, en outre, un autre revers à Baabdate où la liste soutenue par M. Sélim Salhab, président du conseil politique du B.N., a été battue par celle qu’appuyait le député du Metn-Nord, M. Nassib Lahoud. La liste de M. Salhab bénéficiait en outre du soutien du courant «aouniste». Selon des sources proches de M. Nassib Lahoud, les candidats de M. Salhab étaient également appuyés par le commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire (et frère du commandant en chef de l’armée), M. Nasri Lahoud. En première analyse, et dans l’attente des résultats officiels et complets de ce premier round des élections municipales, il apparaissait hier soir que ce scrutin avait permis, d’une manière générale, de refléter réellement, autant que faire se peut (et compte tenu des contraintes présentes), la volonté de la base populaire. Un tel bilan ne manquera pas d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui plaident en faveur de l’adoption d’un système électoral basé sur la circonscription restreinte.