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Actualités - REPORTAGE

Appelant à une nouvelle ère de coopération à partir de l'expérience de Deir El-Kamar Joumblatt : il faut repenser tout le système électoral

La fièvre des municipales a transformé le palais de Moukhtara en une véritable ruche débordante d’activité. Dignitaires religieux, notables, partisans, candidats en manque d’appui politique, ou simples curieux en quête de potins électoraux se pressent dans les salons, les corridors, les jardins et les moindres recoins du palais pour suivre les préparatifs de la consultation populaire du 24 mai. Le «seigneur des lieux» Walid Joumblatt paraît quelque peu dépassé par les événements. «Nous n’avons jamais vécu une telle expérience», nous confie-t-il discrètement. Ne sachant où donner de la tête, le leader du PSP est littéralement assailli à chaque coin de son palais par les notables et les candidats qui le consultent sur le déroulement de «leur» bataille électorale ou qui cherchent à obtenir sa bénédiction pour se tailler une place de choix sur les listes parrainées par «Walid bey». Entre les rendez-vous successifs et les appels téléphoniques, le ministre des Déplacés parvient à peine, en passant en coup de vent d’une salle à l’autre, à écouter brièvement les doléances de ses partisans et à tendre une oreille distraite — non sans agacement — aux souhaits exprimés çà et là. Sereine, affable et courtoise, Mme Nora Joumblatt seconde efficacement son époux en le déchargeant des services ou des réclamations à caractère personnel formulés par certains notables et habitants de la région. Débordant de dynamisme et visiblement dévouée à la chose publique, elle reconnaît que l’expérience des élections municipales est éprouvante, mais relève avec enthousiasme l’importance et la portée d’une telle consultation populaire. «Ce scrutin devrait permettre l’émergence d’une nouvelle élite jeune qui pourrait prendre en charge le développement des régions rurales», souligne Mme Joumblatt. Ce point de vue est évidemment partagé par le leader du PSP qui y apporte toutefois une certaine nuance en soulignant que «le renouvellement et le changement ne sont pas possibles partout», compte tenu des contraintes familiales et spécifiquement locales propres à chaque village. «Très souvent, les considérations en rapport avec les querelles de clans dans les localités l’emportent sur les alliances politiques ou les directives des leaders et des partis», affirme M. Joumblatt. Dans un tel contexte, l’ouverture effectuée récemment par le ministre des Déplacés en direction du leader du Parti national libéral, M. Dory Chamoun (et du camp chrétien en général), a-t-elle pu déboucher sur une coordination au niveau des municipales? «Personnellement, précise M. Joumblatt, je n’ai pas de problème avec M. Chamoun qui est un ami personnel. D’une manière générale, nous avons établi une coordination dans certaines zones sensibles. Mais nous ne pouvons pas suivre partout le déroulement des élections». Le cas de Deir el-Kamar Le ministre des Déplacés indique sur ce plan qu’à la faveur des municipales, et grâce à la coordination avec M. Chamoun, il a été possible dans certains villages mixtes druzo-chrétiens qui avaient été le théâtre de massacres durant la guerre de créer un climat positif, dans le sens de la détente intercommunautaire, en aboutissant à des listes consensuelles pour la formation du conseil municipal. Ce fut le cas, notamment, dans la localité de Maasser el-Chouf. Le renouveau qui interviendra au niveau des municipalités devrait ainsi donner, en principe, une nouvelle impulsion au processus de retour des déplacés. «Cela pourrait évidemment aider, indique M. Joumblatt, mais en définitive, la clé de la solution réside dans le financement. Il s’agit avant tout d’assurer les moyens financiers». En ce qui concerne Deir el-Kamar, le leader du PSP souligne que c’est M. Chamoun qui s’est occupé du dossier. «Moi, je ne me suis pas mêlé de la question, affirme-t-il. J’espère, en tout état de cause, que ces élections municipales permettront d’ouvrir une nouvelle ère de coopération et de concorde à partir de l’expérience de Deir el-Kamar. Une telle coopération devrait se traduire par un programme de développement à l’échelle de la région. Il faudrait amorcer un changement de mentalités et dépasser certaines mentalités à partir de Deir el-Kamar qui devrait remplir à nouveau le rôle qu’elle a longtemps joué dans l’Histoire du Liban, un rôle de plaque tournante du Mont-Liban». En dehors du cadre du Chouf, M. Joumblatt souligne qu’il a tenté, dans la mesure du possible, d’établir une coordination, notamment à Aley, avec le Parti syrien national social (PSNS) ainsi qu’avec l’émir Talal Arslane. «Notre but était d’éviter d’avoir certaines figures réactionnaires au sein des conseils municipaux. Il faut éviter que dans certaines municipalités il, n’y ait des extrémistes, aussi bien chrétiens que musulmans». Mais là aussi, la tâche n’a pas été particulièrement aisée, compte tenu des spécificités locales à l’échelle de chaque village et localité. «Nul n’est désormais en mesure d’imposer des candidats impopulaires, affirme M. Joumblatt. Le temps où les leaders féodaux pouvaient imposer ce qu’ils voulaient, là où ils le voulaient, est maintenant révolu. Même les leaders féodaux ne peuvent plus imposer dans les villages des candidats impopulaires». La décentralisation régionale Cet épisode des municipales offre l’occasion au leader du PSP de remettre en question, une fois de plus, la loi électorale en vigueur dans le pays. «Notre système actuel est basé sur celui qui était appliqué sous l’empire ottoman», souligne M. Joumblatt qui prône dans ce cadre un redécoupage des circonscriptions électorales. «Il faut repenser tout notre système électoral, indique le leader du PSP. Les élections devraient se faire sur base de circonscriptions restreintes uninominales. Le nouveau système électoral doit être conçu de manière à être basé sur une décentralisation régionale. Cela implique nécessairement l’élection de conseils régionaux dans le cadre de la décentralisation, après le redécoupage des circonscriptions électorales aussi bien pour les législatives que pour les municipales. Tel est le projet adopté par le parti» (le PSP). Dans le cas spécifique de Beyrouth, M. Joumblatt critique le système électoral en vigueur dans la capitale. Il préconise sur ce plan la création d’arrondissements qui seraient coiffés par un «conseil supérieur». Le débat sur ce projet de décentralisation régionale et de système électoral basé sur la circonscription restreinte uninominale est ouvert. Ou du moins il devrait l’être. Pour l’heure, il faut espérer que le scrutin des municipales permettra de donner un souffle nouveau aux efforts de développement et à l’essor socio-économique dans les zones rurales.
La fièvre des municipales a transformé le palais de Moukhtara en une véritable ruche débordante d’activité. Dignitaires religieux, notables, partisans, candidats en manque d’appui politique, ou simples curieux en quête de potins électoraux se pressent dans les salons, les corridors, les jardins et les moindres recoins du palais pour suivre les préparatifs de la consultation...