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Actualités - REPORTAGE

Coalition Hezbollah-Sabeh et Amal-Raad à Ghobeiri et Bourj-Barajneh Banlieue sud : les ennemis d'hier sont devenus les alliés d'aujourd'hui

Si le Hezbollah atteint les objectifs qu’il s’est fixés dans la banlieue sud de Beyrouth, une nouvelle page de l’histoire du Liban aura été écrite. Pour la première fois, en effet, un parti islamiste aura réussi à prendre le contrôle de conseils municipaux, directement concernés par la gestion des affaires quotidiennes des citoyens. Le Hezbollah concentre ses efforts sur les localités de Ghobeiri et de Bourj-Barajneh où il est très bien implanté. Pour réussir son pari, il a mobilisé sa machine électorale et tissé des alliances surprenantes en faisant preuve d’un pragmatisme extrême. Ses détracteurs préfèrent parler d’opportunisme. L’ennemi d’hier, le président Rafic Hariri, est devenu l’allié d’aujourd’hui. Le parti islamiste ne semble nullement embarrassé par son projet d’alliance avec le ministre de l’Information, M. Bassem el-Sabeh, un des principaux hommes de confiance du chef du gouvernement. Sa logique est simple: la véritable source d’inquiétude vient du mouvement Amal qui lui dispute la base chiite. Le président Hariri, aux yeux du Hezbollah, même s’il sort renforcé de cette échéance électorale, ne représente pas un réel danger, parce que de toute manière son influence au sein de la communauté chiite restera limitée. De plus, le Hezbollah a un compte à régler avec le président Nabih Berry qui lui a ravi les postes de députés chiites de Baabda et de Beyrouth en 1996, grâce à un habile jeu d’alliances, compensant ainsi sa relative faiblesse dans la banlieue sud et dans la capitale. Lors des dernières élections législatives, le candidat (malheureux) du Hezbollah, M. Ali Ammar, avait obtenu à Ghobeiri 4750 voix sur 7000 suffrages exprimés et 3600 voix à Bourj-Barajneh sur 5000 suffrages exprimés. Le député Salah Haraké du mouvement Amal avait obtenu...765 voix à Ghobeiri. Les enjeux dans la banlieue sud sont considérables aussi bien sur le plan politique que dans le domaine économique. Cette région est un verrou stratégique à l’entrée sud de Beyrouth. La municipalité de Ghobeiri est la plus grande géographiquement après celle de Beyrouth. Ses frontières administratives s’étendent jusqu’au littoral et comprennent une partie de la Cité sportive, les secteurs de Sabra, de l’ambassade du Koweit et de Bir Hassan. Trois des principaux hôtels du pays, le Summerland, le Coral Beach et le Marriott, en font partie. Ghobeiri est aussi une des municipalités les plus riches avec 60 milliards de livres dans ses caisses et possède d’immenses terrains. Le nombre d’électeurs dans cette localité est de 21 mille dont 2000 sunnites. Il y a 13 grandes familles, notamment el-Khansa (la plus importante avec 1100 électeurs), Khalil (750), Kanj (585), Farhat (497), Kazma, Alamé, Haraké, Raad et Hamdar. La municipalité de Bourj-Barajneh est moins étendue, mais elle englobe une grande partie de l’Aéroport international de Beyrouth et de la région d’Ouzaï. Les principales familles chiites sont Haraké, Harb, Rahhal, Sabeh, Sibaï, Hatoum, Jalloul, Farhat, Slim, Khalil, Ammar, Yassine, Alamé, Osman, Nasser, Jaber, Rahaoui, Zeineddine et Noureddine. Les familles sunnites sont: Arab, Madani, Daftardar, Haddad, Osman, Faraj et Hamdane. Des alliances politico-familiales Dès le début de la bataille électorale, le Hezbollah a opposé une fin de non-recevoir aux appels du président Berry pour former des listes d’entente et de coalition. Dans la région de Ghobeiri, il a présenté comme candidat à la présidence du Conseil municipal Abou Saïd (Mohammed) el-Khansa, membre de son bureau politique. M. el-Khansa jouit du soutien massif de sa famille et de l’estime de la population pour les services rendus lorsqu’il était responsable des programmes sociaux du Hezbollah pendant la guerre. Très vite, des négociations ont été entamées avec M. Sabeh et avec les représentants des grandes familles pour la formation d’une liste. A Bourj-Barajneh, le Hezbollah a présenté comme candidat à la présidence du Conseil municipal l’ingénieur Kassem Rahhal qui, bien que très proche du Hezbollah, n’y occupe aucune fonction officielle. Pour contrer l’influence du Hezbollah dans la banlieue sud, M. Berry a adopté une stratégie visant à coaliser les grandes familles face au parti en utilisant l’argument de la non-politisation des élections municipales. «Les formations politiques sont déjà présentes au Parlement, laissons les gens choisir leurs représentants aux Conseils municipaux», répète M. Berry dans chacun de ses discours. Le chef du mouvement Amal a aussi tenté de torpiller l’alliance Sabeh-Hezbollah. Une réunion a groupé vendredi le ministre de l’Information et deux négociateurs de M. Berry, le ministre de l’Economie, M. Yassine Jaber, et le député Hassan Ali Khalil, membre du mouvement Amal. Cinq heures d’entretiens n’ont rien donné et M. Sabeh ne s’est pas laissé convaincre de la nécessité de changer de camp. Il a donc poursuivi ses négociations avec le Hezbollah. Une réunion a groupé hier soir le ministre et les hauts responsables du parti pour mettre la dernière touche aux listes qui seront rendues publiques dans les prochaines heures. Pour permettre aux grandes familles de faire passer leurs candidats, le Hezbollah et M. Sabeh projettent de ne pas verrouiller leurs listes. Face à l’entente Sabeh-Hezbollah, une nouvelle alliance s’est formée. Elle est animée par le député Salah Haraké (Amal) et par M. Riad Raad, notable influent dans la banlieue sud, ancien allié... du parti islamiste lors des dernières législatives. Les deux parties sont tombées d’accord sur un candidat consensuel à Ghobeiri, Fouad Farhat, soutenu par certaines grandes familles hostiles à l’arrivée de formations politiques au Conseil municipal. Des progrès ont été également réalisés à Bourj-Barajneh. Mais dans cette région, M. Raad est moins influent qu’à Ghobeiri et la capacité d’apport de voix de M. Haraké est très limitée. Une étude des résultats du scrutin législatif de 1996 montre par contre que le Hezbollah jouit dans cette région d’un important paquet de voix. Le candidat Ali Ammar avait assuré à son colistier Victor Farhat 2300 suffrages à Bourj-Barajneh et 3600 à Ghobeiri. Une troisième mini-liste formée de personnalités indépendantes de la gauche est très active à Bourj-Barajneh. Elle est animée par M. Albert Farhat, ancien haut responsable du parti communiste, et M. Zouhair Rahhal, ex-dirigeant de l’Organisation de l’action communiste au Liban (OACL). Les membres de cette liste bénéficient semble-t-il de la sympathie du Hezbollah. Contraint de s’allier à Amal en 1996 et privé de son siège parlementaire à Baabda, le Hezbollah compte prendre sa revanche le 24 mai. La bataille s’annonce féroce. Les résultats de ce scrutin permettront de vérifier avec exactitude la force réelle de chacune des deux parties au sein de la communauté chiite. Il s’agit aussi d’un test qui déterminera peut-être le sort des élections au Liban-Sud. Dans une semaine, tout le monde sera fixé... surtout les chancelleries étrangères qui suivent avec intérêt l’évolution du paysage électoral au pays du cèdre.
Si le Hezbollah atteint les objectifs qu’il s’est fixés dans la banlieue sud de Beyrouth, une nouvelle page de l’histoire du Liban aura été écrite. Pour la première fois, en effet, un parti islamiste aura réussi à prendre le contrôle de conseils municipaux, directement concernés par la gestion des affaires quotidiennes des citoyens. Le Hezbollah concentre ses efforts...