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Actualités - REPORTAGE

Banlieue sud : une situation complexe d'après-guerre

Dans le cadre des élections municipales, la banlieue-sud de Beyrouth, notamment les régions de Chiyah, Ghobeiri, Borj el-Brajneh, Mreijé, Leilaké et Tehouitat Ghadir présentent un cas très particulier en raison de leur histoire récente mouvementée: en effet, plusieurs villages de cette région ont connu un vaste exode de leurs populations chrétiennes durant la guerre. Aujourd’hui, 35 ans après les dernières élections municipales, le changement démographique dans cette région a une incidence certaine sur l’échéance municipale. Des conflits (souvent hérités) entre les familles et entre les différents courants politiques se font sentir un peu partout. Jusqu’aux années cinquante, toutes ces régions étaient regroupées en une seule municipalité, celle du littoral du Metn-Sud. Après 1955, elles ont commencé à revendiquer des municipalités propres à elles, ce qui, à l’époque, a constitué l’amorce d’une décentralisation. Mais, au début de la guerre, un grand nombre de chrétiens ont été acculés à quitter des quartiers où ils étaient majoritaires, comme Chiyah par exemple, dont Aïn el-Remmané faisait partie. Aujourd’hui, bien que ces personnes n’habitent plus dans leurs régions natales qui sont à majorité musulmane, les sièges municipaux (ou une partie d’entre eux) dans certaines localités leur reviennent toujours. La représentation communautaire dans les conseils municipaux de certains villages a suivi une progression à travers les années: — Ghobeiri a commencé par être représentée par un tiers de musulmans et deux tiers de chrétiens, puis par une moitié de musulmans et une moitié de chrétiens, pour, après 1963, être entièrement représentée par des musulmans, chiites et sunnites. — Borj el-Brajneh avait une municipalité entièrement chiite, bien qu’elle ait été habitée en partie par des chrétiens. — Mreijé, Leilaké et Tehouitat Ghadir, bien que régions mixtes, avaient été réunies sous une même municipalité entièrement chrétienne. Aujourd’hui 13 de ses 15 membres sont chrétiens, et 2 autres musulmans. — Haret Hreik était dotée d’un conseil municipal de 8 membres chrétiens (dont le président) et 4 chiites. Il y a aujourd’hui un conflit quant à la représentativité chiite dans cette municipalité, ce qui a obligé les responsables à ajourner les élections. — Hazmieh, Baabda et Furn el-Chebback ont des municipalités chrétiennes. Pour les élections actuelles, des intérêts de familles et des intérêts politiques sont en conflit dans les différentes régions. Côté musulman, le Hezbollah et le mouvement Amal ont une influence certaine dans la région. M. Bassem el-Sabeh, ministre de l’Information, qui est lui-même originaire de la région et dont la ligne politique est également représentée, donne les précisions suivantes: «A Mreijé, il n’y aura pas de bataille acharnée parce qu’il y a 22 candidats pour 15 postes, 13 chrétiens et 2 chiites. La liste qui devrait l’emporter est celle présidée par Youssef Matta». Et d’ajouter: «A Ghobeiri et à Borj el-Brajneh, la situation est nettement différente. A Ghobeiri, 97 candidats de 40 familles se sont présentés pour 21 postes. A Borj el-Brajneh, 76 candidats de 24 familles se sont présentés pour 18 postes. La bataille sera donc plus serrée. Nous appuyons évidemment certains candidats, mais aucune liste n’est encore prête pour le moment». Sur ses relations avec les deux grands courants, Amal et Hezbollah, M. Sabeh déclare que «nous sommes favorables à des accords dans tous ces villages afin d’éviter les batailles électorales». «Pour cela, poursuit-il, nous effectuons actuellement des pourparlers avec les différentes parties. Nous discutons directement avec le Hezbollah et nous espérons parvenir à un accord. Avec Amal, nous communiquons par le biais d’intermédiaires parce qu’il y avait entre nous des divergences de points de vue». En ce qui concerne les conseils municipaux à majorité chrétienne, les conflits sont en même temps familiaux et politiques. M. Joseph Elias Nehmé, un notable de Chiyah, explique la situation dans sa région: «Au cours des élections de 1963, des conflits sont nés entre les familles de la région, et ces animosités se sont perpétuées malgré tous les événements qui ont suivi, notamment l’exode chrétien de la région. J’aurais été favorable à la formation d’une liste consensuelle, mais cela n’est pas arrivé. J’espère quand même que la bataille électorale ne sera pas destructrice et dévastatrice, mais plutôt une compétition, et que la liste gagnante inclura tous les autres dans son travail qui est énorme». A propos de la mission de la prochaine municipalité de Chiyah dans une région dont plusieurs quartiers sont vidés de leurs habitants d’origine, M. Nehmé dit qu’«elle devrait prioritairement redéfinir la distribution géodémographique, en d’autres termes favoriser le retour des déplacés qui font partie intégrante de la région». A propos du retour des déplacés, M. Nehmé s’étonne que «les responsables n’aient jamais abordé le sujet des déplacés de Chiyah qui sont pourtant les premiers à avoir quitté leurs foyers, et dont les propriétés sont souvent occupées illégalement». Il parle également d’un autre projet qu’il considère comme essentiel: «Les municipalités de toute la région sont sorties affaiblies et appauvries de la guerre, et le travail à accomplir est énorme. Il faudrait que ces municipalités forment une union afin que leurs potentialités soient multipliées et qu’elles puissent revendiquer plus efficacement des prérogatives nouvelles. Ce faisant, elles mettraient fin à la tutelle du ministère de l’Intérieur et des mohafazats, et favoriseraient la décentralisation». Deux listes se présentent aujourd’hui à Chiyah, l’une sous la présidence de M. Edmond Gharios, et l’autre sous la présidence de M. Antoine Kareh. Selon M. Gharios, les deux listes regroupent des membres qui représentent les différents courants politiques chrétiens, et il n’y a pas entre elles le traditionnel clivage pouvoir-opposition. «Bien que tous les courants politiques soient représentés dans notre liste, elle revêt surtout un caractère familial», a-t-il dit. «Nous avons l’ambition de former une équipe de travail jeune qui dépasse les intérêts purement personnels. Nous voulons remettre en ordre les quartiers qui ont été en partie déplacés». La campagne électorale dans cette région du Liban, qui a été particulièrement affectée par les événements, aura révélé toute la complexité de la situation de l’après-guerre. D’autre part, elle aura également montré que certaines rivalités sont difficiles à surmonter...
Dans le cadre des élections municipales, la banlieue-sud de Beyrouth, notamment les régions de Chiyah, Ghobeiri, Borj el-Brajneh, Mreijé, Leilaké et Tehouitat Ghadir présentent un cas très particulier en raison de leur histoire récente mouvementée: en effet, plusieurs villages de cette région ont connu un vaste exode de leurs populations chrétiennes durant la guerre....