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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Au cours d'une conférence à l'UL pour le cinquantenaire de la Nakba Michel Eddé : il n'y a pas d'autres choix que de résister au projet sioniste(photos)

«Le projet sioniste suit un mouvement de flux et de reflux. S’il rencontre une résistance, il se replie. S’il ne trouve personne sur son chemin, il s’étend. Il n’ y a donc pas d’autre choix que de lui résister». En deux heures, le ministre Michel Eddé a retracé 2500 ans d’histoire, de Moïse à Netanyahu, en passant par l’exil à Babylone et la guerre de 1948 qui a vu la naissance de l’Etat d’Israël «bâti sur l’exode du peuple palestinien». Lors d’une conférence organisée au rectorat de l’Université libanaise (près du Musée) à l’initiative de l’Union des écrivains libanais pour le cinquantenaire de la Nakba, M. Eddé est remonté aux origines du mouvement sioniste, disséquant les éléments qui font sa force et sa faiblesse, et soulignant les nombreuses contradictions qui secouent la société israélienne, «dominée aujourd’hui par des courants extrémistes». Du tableau qu’il a brossé, le ministre déduit que la proposition israélienne de retrait conditionnel du Liban-Sud ne peut en aucun cas être considérée comme une offre de paix sérieuse de la part de l’Etat hébreu. «Il est honteux d’entendre certains Libanais et Arabes dire que la proposition israélienne est une occasion qu’il faut s’empresser de saisir, a-t-il relevé. L’initiative israélienne consiste en une soi-disant acceptation de la résolution 425 assortie de conditions. En d’autres termes, les Israéliens nous demandent de faire le sale boulot accomplie par M. Yasser Arafat dans les territoires palestiniens autonomes». Illustrant son argumentation de nombreux exemples puisés dans l’histoire même du judaïsme, M. Eddé a déclaré que «le principe du rassemblement des juifs (en Palestine ou ailleurs) est en contradiction avec l’ancien testament». Citant Moïse, il a indiqué que «la diaspora est l’état naturel, parce que le devoir des juifs est de prêcher la parole de l’ancien testament et du Dieu unique. Et cela, ils ne peuvent pas le faire s’ils sont confinés en Palestine». Les juifs vivent en diaspora depuis 2500 ans. «Pendant toute cette période, il n y a jamais eu plus de 25% de juifs installés en Palestine. Et aujourd’hui, seuls 30% d’entre eux se trouvent en Israël, a-t-il dit. Le développement des juifs s’est fait dans la diaspora et non pas en Palestine. L’Andalousie est un exemple type. Ils ont vécu en toute sécurité pendant 750 ans dans cette région sous le règne des Arabes. L’un de leurs plus célèbres rabbins, Moshé Ben Meimoun, a écrit en arabe et ses œuvres ont ensuite été traduites en hébreu. Personne ne les a jamais inquiétés. Et quand le Royaume de Grenade est tombé, les Arabes et les juifs ont été expulsés conformément au même décret daté du 9 août 1492». C’est en Occident et en Europe de l’Ouest que les juifs ont subi les pires persécutions, alors que dans les régions arabes, ils ont toujours vécu en paix. «Il n’y a pas eu de persécutions collectives dans ces régions, a encore indiqué le ministre. Ce sont les sionistes qui ont provoqué l’exode des juifs des pays arabes, comme ce fut le cas pour les 140000 membres de la communauté installée pendant des siècles en Irak». La synagogue réformée Si les communautés juives d’Allemagne, de France et de Grande-Bretagne se sont parfaitement intégrées aux sociétés de ces pays, tel n’était pas le cas de celles qui vivaient en Russie, en Pologne et en Roumanie, a ajouté M. Eddé. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les juifs d’Europe de l’Ouest ont commencé par milliers à émigrer vers ces trois pays, fuyant les pogroms et les persécutions. Cet exode massif a suscité la crainte de leurs coreligionnaires en Europe de l’Ouest et même aux Etats-Unis, qui ont eu peur que cet afflux réveille les démons de l’antisémitisme chez les populations autochtones. C’est à cette époque qu’est apparu le mouvement de la synagogue réformée qui, tout en affirmant l’attachement des juifs à leurs préceptes religieux, a assuré que ceux-ci ne constituaient pas une nation et devaient, ainsi, s’intégrer dans les sociétés d’accueil pour y vivre en parfaite harmonie avec les autres citoyens. Le mouvement sioniste, né à la fin du siècle passé, s’est pour sa part fixé l’objectif de trouver une terre qui pourrait accueillir les juifs persécutés. A un certain moment, le fondateur du mouvement, Théodore Herzl, a pensé à l’Argentine...mais aussi à l’Ouganda. Cela a suscité la colère des juifs de Russie et a failli provoquer une grave scission dans le mouvement, divisé entre territorialistes (partisans du projet de l’Ouganda) et sionistes. Tous ces faits prouvent, selon M. Eddé, que le projet sioniste de transformer la Palestine en Etat pour les juifs ne faisait pas l’unanimité au sein de toutes les communautés hébraïques. «Le peuple palestinien, a-t-il dit, a mené une véritable guerre de libération contre la Grande-Bretagne entre 1936 et 1939, obligeant Londres à déployer 100000 soldats en Palestine et à utiliser l’aviation pour reprendre le contrôle de la situation». Selon lui, la division des Arabes a en partie favorisé la création d’Israël en 1948. «Cet Etat est artificiel. Il vit grâce aux aides financières des Etats-Unis et d’autres pays. Depuis la deuxième guerre mondiale, l’Allemagne a versé à Tel-Aviv environ 100 milliards de dollars (à titre d’indemnités). Israël impose des rançons. Peut-on appeler autrement ce qui se passe avec la Suisse»? En dépit de ces sommes colossales qui ont amélioré la situation économique, le nombre de juifs qui quittent Israël ne cesse d’augmenter. «Depuis 1966, 850000 juifs sont partis», a-t-il dit. Mais quel est aujourd’hui le panorama démographique et politique en Israël? Les dernières élections ont montré que les partis religieux et extrémistes, toutes tendances confondues, ont recueilli environ 600 mille suffrages remportant 23 sièges à la Knesset. «En comptant les membres de leurs familles, ces formations représentent 1,8 millions de personnes», a précisé M. Eddé. En retranchant le nombre d’Israéliens vivant à l’étranger (mais toujours inclus dans le recensement de la population même s’ils ne vivent plus dans le pays), on peut dire que 50% de la société a basculé dans l’extrémisme. M. Eddé souligne la responsabilité de l’ancien premier ministre, Menahim Begin, dans ce phénomène. Pour arriver au pouvoir en 1977, il s’est allié aux partis religieux qui ont demandé en contrepartie le portefeuille de l’éducation. Depuis cette époque, ce ministère essentiel est aux mains des courants religieux orthodoxes. «Israël est secoué par un très grand nombre de problèmes, a-t-il dit. Il y a le conflit religieux entre les juifs réformateurs et les extrémistes orthodoxes. Il y a aussi le fossé entre sépharades et ashkénazes». D’un autre côté, le nombre d’Arabes israéliens est en constante progression. Ils sont passés de 180 mille il y 45 ans (ils n’étaient plus que 139 mille en 1948 mais leur nombre est passé à 180 mille après la réunification partielle des familles en 1950), à un million aujourd’hui. Leur nombre va croître davantage dans les années à venir. M. Eddé a indiqué que la guerre d’octobre 1973 a balayé l’image d’une armée israélienne invincible. Après ce conflit, les craintes de l’Etat hébreu ont augmenté et les Israéliens ont commencé à envisager la négociation pour régler le problème avec les Arabes. «L’erreur mortelle du président (égyptien) Anouar Sadate a été d’avoir brisé la solidarité arabe en entamant des négociations séparées avec Israël, a-t-il dit. Et c’est à cause de la défaite du parti travailliste en 1977 qu’il a désespéré. D’autant que le premier acte du Likoud a été d’envahir le Liban-Sud en 1978 avec pour objectif de s’emparer des eaux du Litani. Sadate s’est dit: je n’ai plus que le chemin de la paix. Il en a parlé au président Hafez el-Assad qui a refusé de baisser les bras. Il s’est alors lancé dans des négociations séparées». La Syrie a donc choisi une autre voie: celle de la résistance. «La guerre des partisans au Liban a réussi. Israël a été chassé de Beyrouth puis d’une grande partie du Liban-Sud, en 1983 et en 1985, a-t-il dit. Lorsque nous résistons, Israël recule». Selon lui, la paix séparée «est une catastrophe» parce qu’elle permet à Israël d’imposer ses conditions. «Nous voulons la paix avec l’Etat hébreu, mais elle doit être juste et globale. Regardez M. Arafat. Cinq ans après Oslo, et malgré les compromissions et les concessions qu’il a faites, il n’a toujours pas obtenu ses droits. C’est pour cela que le Liban doit coordonner ses efforts de paix avec la Syrie qui est le dernier pays à résister. L’Egypte aussi est favorable à une nouvelle forme de solidarité arabe. Le président Hosni Moubarak a eu un héritage très lourd, mais il fait preuve de beaucoup de sagesse», a-t-il conclu.
«Le projet sioniste suit un mouvement de flux et de reflux. S’il rencontre une résistance, il se replie. S’il ne trouve personne sur son chemin, il s’étend. Il n’ y a donc pas d’autre choix que de lui résister». En deux heures, le ministre Michel Eddé a retracé 2500 ans d’histoire, de Moïse à Netanyahu, en passant par l’exil à Babylone et la guerre de 1948 qui...