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Actualités - REPORTAGE

La grande détresse des domestiques sri lankais au Liban(photos)

Pushpa a dû être une jeune femme pleine de vie... avant de perdre la sienne dans d’étranges circonstances. Venue au Liban comme tant d’autres de ses compatriotes sur base d’un contrat de travail, elle s’est enfuie du domicile de ses employeurs et a été retrouvée par des Srilankais dans un piteux état au bord d’une route isolée. Emmenée à l’ambassade récemment ouverte, elle y a été confiée à une de ses compatriotes, qui, jugeant son état trop grave, l’a transportée à l’hôpital du Sacré Coeur. Mais l’ambassade ayant estimé que les frais dans cet établissement sont trop élevés, elle a été de nouveau transportée à l’hôpital gouvernemental Dahr el-Bachek, où elle s’est éteinte quelques heures plus tard. Qui assume la responsabilité du transport de cette jeune femme d’un hôpital à l’autre dans un état quasi-comateux? Que lui est-il arrivé pour se retrouver dans une telle situation et pour atterrir finalement à la morgue de l’hôpital de Baabda, avec pour seul moyen d’identification un prénom?.. Sunithra repose aux côtés de Pushpa. Si son identité complète est connue, son histoire n’est pas moins triste. En raison des mauvais traitements que lui infligeait son employeuse, Sunithra s’était enfuie avant d’être ramenée de force par la police. Une nouvelle algarade avec sa «maîtresse» et la voilà qui se jette du balcon. Suicide, conclut laconiquement le rapport de police, alors que le médecin légiste, en examinant le corps, découvre des traces de coups et de blessures... Sa famille, au Sri Lanka, demande l’ouverture d’une enquête et un avocat libanais se charge du dossier. Mais l’affaire tourne court, l’ambassade préférant éviter les problèmes. Pushpa et Sunithra ne sont que deux des huit personnes dont les cadavres attendent à la morgue de Baabda, leur identification, leur rapatriement ou leur inhumation au Liban. Ce ne sont aussi que deux cas tragiques parmi tant d’autres, qui résument parfaitement la situation du personnel domestique étranger au Liban. Certains pourraient se demander pour quelle raison on évoque ce sujet, maintenant, alors que, souvent, les droits des Libanais sont spoliés. Mais justement, comment prétendre lutter en faveur des droits de l’homme et admettre les mauvais traitements infligés à ceux qui sont encore plus défavorisés...et qui n’ont surtout personne pour les défendre? La spirale de l’horreur Pour les quelque 73.000 travailleurs sri lankais au Liban (pour la plupart des femmes), la spirale de l’horreur a commencé avec la prolifération des bureaux de placement, établissant le lien entre le Liban et le Sri Lanka. La première agence a ouvert ses portes en 1978 et depuis, de nombreux Libanais ont flairé la «mine d’or», ouvrant à leur tour des bureaux de placement. Les domestiques sri lankaises ont alors commencé à être «importées en masse», arrivant au Liban sur base d’un contrat de travail d’une durée de trois à cinq ans qui autorise leurs employeurs à confisquer leurs passeports (ce qui constitue une première violation de la loi) et à les enfermer pendant toute la durée de leur «service»... Séquestrées, non payées, souvent maltraitées et parfois violées par leurs patrons, beaucoup de domestiques sri lankaises ont été contraintes de s’enfuir, sans papiers, pour atterrir le plus souvent dans un commissariat de police. De là, elles sont envoyées à la prison de la Sûreté générale, à Jdeidé, puisque c’est le sort réservé aux étrangers sans papiers. Elles y croupissent dans les conditions que l’on devine avant, d’être ramenées chez des employeurs rendus plus agressifs par l’évasion, ou d’être rapatriées. Parfois aussi, leurs velléités de liberté sont marquées par des agressions diverses et, parfois encore, ces travailleuses sans état civil, disparaissent carrément et vont grossir les effectifs d’obscurs bordels louches pour les plus démunis. A qui pourraient-elles se plaindre, elles qui, au Liban, n’existent que sous le nom de leurs employeurs, comme une vulgaire marchandise? C’est d’ailleurs parce que les incidents se multipliaient et parce qu’au Sri Lanka de nombreuses familles n’avaient plus de nouvelles de leurs proches venus travailler au Liban qu’une ambassade a été ouverte à Beyrouth, en février dernier. Mais comme c’est souvent le cas dans les pays pauvres, le gouvernement ne peut se payer le luxe de veiller au respect des droits de ses citoyens. Au Sri Lanka, l’exportation de travailleurs est devenue la principale ressource du pays, devançant le thé. Et le gouvernement n’a qu’une priorité: préserver cette source de revenus, même au prix de quelques «arrangements» avec les pays d’accueil. C’est dans cette optique que travaille aujourd’hui l’ambassade, soucieuse de ne pas irriter les autorités libanaises et de ne pas provoquer de scandales. Une ambassade qui, pourtant, a été, il y a quelques jours, le théâtre d’un sit-in de protestation de nombreux travailleurs sri lankais. Ceux-ci ont exigé une réaction de leur gouvernement contre les mauvais traitements dont ils sont l’objet. Brandimssant des banderoles portant des inscriptions en sri lankais, des dizaines de jeunes gens se sont pressés devant l’entrée du bâtiment, réclamant une entrevue avec l’ambassadeur... Mais que peut leur promettre un diplomate qui, souvent, n’a pas les moyens de réagir et en est à réclamer à son gouvernement l’envoi de 500 dollars pour les frais de rapatriement de la dépouille de Sunithra ou d’une autre? Que peuvent faire des diplomates, conscients des vexations infligées à leurs concitoyens, mais qui sont aussitôt mutés dans d’autres capitales s’ils ouvrent la bouche publiquement? Au Liban, nul ne veut évoquer ce problème, car, comme pour toutes les affaires rentables, les réseaux commerçants sont les plus forts. Même si, dans ce cas précis, c’est du commerce des hommes qu’il s’agit. Seules quelques âmes de bonne volonté essaient d’aider les Sri lankaises maltraitées. Un foyer d’accueil a été créé et le père Sélim Rizkallah leur a ouvert une station de radio pour les informer. Mais, à l’heure où le monde célèbre le 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, c’est encore bien peu. Et, dans ce pays, où, brusquement, les organisations de défense des droits de l’homme prolifèrent, il ne s’en trouve aucune pour dénoncer l’asservissement systématique dont sont victimes les domestiques sri lankais...
Pushpa a dû être une jeune femme pleine de vie... avant de perdre la sienne dans d’étranges circonstances. Venue au Liban comme tant d’autres de ses compatriotes sur base d’un contrat de travail, elle s’est enfuie du domicile de ses employeurs et a été retrouvée par des Srilankais dans un piteux état au bord d’une route isolée. Emmenée à l’ambassade récemment...