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Actualités - ANALYSE

Le duel entre Hariri et ses détracteurs se transpose au niveau syndical Elias Abou Rizk serait réélu à la tête de la Confédération des salariés

Les événements se sont déroulés si vite ces derniers jours au sein de la centrale syndicale qu’on a du mal à les comprendre, à en interpréter le sens et à en saisir la portée. Comment ne pas s’étonner lorsque M. Elias Abou Rizk, évincé de la tête de la Confédération générale des travailleurs au Liban il y a 15 mois lors d’élections controversées, devient aujourd’hui le candidat favori, appuyé par ceux-là mêmes qui l’avaient éloigné de la direction du mouvement au risque d’y provoquer une scission? C’est une alliance hétéroclite de fédérations proches du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, et du président de la Chambre, M. Nabih Berry, avec l’appui du ministère du Travail, qui avait élu un nouveau directoire dirigé par M. Ghanim Zoghbi le 24 avril 1997. M. Abou Rizk, soutenu par ses alliés indéfectibles regroupés autour des fédérations de la gauche, avait contesté la légalité de ce scrutin et continuait à se considérer comme le président légitimement élu de la centrale. C’est grâce à la décision du ministre du Travail, M. Assaad Hardane, d’intégrer à la CGTL cinq nouvelles fédérations, dont quatre proches du mouvement Amal, que le rapport de forces au sein du collège électoral avait pu être modifié en faveur des adversaires de M. Abou Rizk. Le stratagème du 24 avril avait réussi à réduire considérablement les capacités de nuisance d’un des plus farouches opposants à la politique économique et sociale du gouvernement. Au bout de quelques mois, M. Zoghbi s’est rendu compte que sa tâche consistait en fait à expédier les affaires courantes et à s’adresser à la presse, la centrale étant en réalité dominée par deux grands courants, respectivement appuyés par M. Berry et par M. Hariri. Sa première grande désillusion fut l’échec de la grève générale à laquelle il avait appelé en novembre dernier pour protester contre la crise économique. Les fédérations proches du chef du gouvernement n’avaient pas soutenu ce mouvement de protestation. La suspension des négociations avec les autorités pour la majoration du salaire minimum a fini par convaincre M. Zoghbi que, dans les circonstances actuelles, la CGTL n’existe que nominalement. Il a donc préféré s’écarter et, dans un geste qui a surpris beaucoup de monde (au Liban, quand on accède à un poste convoité, c’est pour y rester), il a démissionné. Il avait d’ailleurs promis de le faire s’il échouait à réunifier les rangs de la centrale. A l’issue de fébriles tractations dans les coulisses, M. Abou Rizk a présenté sa candidature le 27 juillet, avec la certitude de l’emporter si les élections ont lieu aujourd’hui, comme prévu. Les milieux proches du leader syndical sont sereins et confiants: M. Abou Rizk est sûr de l’emporter avec 31 voix au moins, sur les 56 que compte le comité exécutif qui fait office de corps électoral. Les pronostics les plus optimistes parlent de 36 votes favorables. C’est un revirement d’alliance tout a fait surprenant qui a transformé M. Abou Rizk de chef d’une centrale dissidente en rassembleur des rangs syndicaux. Des négociations secrètes entamées il y a quelques jours avec M. Bassam Tleiss, membre du comité exécutif de la CGTL-Zoghbi et responsable du bureau ouvrier d’Amal, ont abouti: le mouvement a décidé d’appuyer celui qu’il a contribué à faire tomber il y a un peu plus d’un an. En contrepartie, M. Abou Rizk et ses alliés ont accepté de ne plus remettre en cause le statut des fédérations intégrées contre leur avis à la centrale par le ministre du Travail en avril 97. Le parti socialiste progressiste (PSP), qui avait soutenu M. Zoghbi, s’est aussi rallié à M. Abou Rizk. Celui-ci peut donc compter en principe sur les 7 voix des fédérations proches du Parti communiste, les 6 voix des fédérations indépendantes, les 4 voix du PSP, autant pour les Forces libanaises, en plus des 10 voix du mouvement Amal. Seuls les syndicalistes proches de M. Hariri et regroupés autour du vice-président de la CGTL, M. Walid Joueidy, n’ont pas changé leur fusil d’épaule. La détérioration des relations entre MM. Berry et Joumblatt d’un côté et M. Hariri de l’autre, n’est pas étrangère à cette nouvelle répartition des forces au sein de la centrale syndicale. Les principaux pôles politiques pensent déjà à la configuration du prochain gouvernement. Le président du Conseil ne cache pas sa volonté d’en écarter «les vestiges de la guerre», s’il est appelé à former la nouvelle équipe ministérielle. MM. Berry et Joumblatt se sentent visés en premier lieu. Chacun déplace ses pions et renforce ses positions en prévision des échéances à venir, et une CGTL dirigée par M. Abou Rizk constitue une épine gênante dans l’armure de M. Hariri. Que les élections aient lieu ou non aujourd’hui, et quels que soient leurs résultats, la CGTL n’en sortira pas nécessairement plus unie et plus renforcée. Divisée en de multiples courants, elle restera en proie à de profonds remous. A moins que M. Abou Rizk réussisse là où M. Zoghbi a échoué: c’est-à-dire à soustraire la centrale aux tiraillements politiques et en faire réellement une institution défendant les intérêts des travailleurs.
Les événements se sont déroulés si vite ces derniers jours au sein de la centrale syndicale qu’on a du mal à les comprendre, à en interpréter le sens et à en saisir la portée. Comment ne pas s’étonner lorsque M. Elias Abou Rizk, évincé de la tête de la Confédération générale des travailleurs au Liban il y a 15 mois lors d’élections controversées, devient...