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Actualités - REPORTAGE

Ouverture du procès de la double tentative d'assassinat du mufti Sabounji et de cheikh Taha Naji devant la Cour de justice Un air de déjà-vu (photo)

Un grand procès pour les chrétiens et un autre pour les musulmans. Contrairement aux apparences, ce n’est pas dans cet esprit que la Cour de justice fonctionne, même si elle se retrouve dans une telle situation, au hasard des dossiers qui lui sont déférés. Alors qu’elle planche depuis plusieurs mois sur l’affaire du meurtre de Rachid Karamé, la voilà obligée d’ouvrir le procès de la double tentative d’assassinat du mufti de Tripoli, cheikh Taha Sabounji, et du responsable pour le Nord de l’Association des Ahbache, cheikh Taha Naji, ainsi que de diverses attaques contre des débits de boisson au Nord, en 1995. Arrêtés depuis bientôt deux ans, les 10 inculpés dans cette affaire, appartenant tous à des groupuscules islamiques, dans la mouvance de «l’émir de Esbet Ansar», Abou Mahjane (Abdel-Karim Saadi, déjà condamné à mort par contumace, pour l’assassinat de cheikh Nizar Halabi, et inculpé dans cette affaire), avaient entamé une grève de la faim, en guise de protestation contre la lenteur des procédures judiciaires. Et la Cour de justice, qui comptait accélérer le rythme des audiences dans le procès Karamé, a dû renoncer à son projet pour ouvrir ce dossier. Entre-temps, dans une grande initiative médiatique, le président du Conseil, M. Rafic Hariri, a réussi à convaincre le mufti Sabounji (qui s’était porté partie civile) de retirer sa plainte, sous prétexte que les coupables présumés sont de jeunes musulmans entraînés sur la mauvaise pente «par les charlatans de l’islam». Le mufti a d’ailleurs déclaré, à cet égard, que l’islam glorifie le concept du pardon, surtout envers d’autres musulmans égarés et il a annoncé le retrait de sa plainte. Cette démarche n’a toutefois aucun effet pratique sur le cours du procès, les crimes imputés aux inculpés ayant été considérés comme portant atteinte à la Sûreté de l’Etat. De plus, dans cette affaire, quatre autres personnes et groupes se sont portés partie civile, la cinquième, Mitri Hayeck, propriétaire d’un supermarché à Tripoli, ayant décidé brusquement, devant la Cour de justice, de retirer sa plainte. C’est dire qu’avec ou sans la plainte du mufti Sabounji, le procès se poursuivra. Certains avocats des inculpés laissent d’ailleurs entendre que ce serait la raison pour laquelle la plainte aurait été retirée. Ce n’est certes pas l’avis de l’avocat du mufti, Me Mohamed As-Saleh, qui a officiellement remis hier à la Cour le texte du retrait de la plainte et qui a affirmé, en sortant: «Le mufti a eu une attitude noble, en espérant que tout se passe pour le bien des musulmans». Des musulmans, il n’y en avait pourtant pas beaucoup dans la salle du tribunal. Apparemment, les familles des inculpés ont pour la plupart boudé l’audience d’ouverture, alors que du côté de la partie civile, les représentants et les partisans des Ahbache sont venus nombreux, comme ils l’avaient fait pendant le procès de l’assassinat de leur chef, cheikh Nizar Halabi, en 1994. Comme l’autre fois, ils se présentent aussi comme les victimes de «bandes armées qui se prévalent de l’islam» et ne comptent rien céder de ce qu’ils estiment être leur droit à la justice. Pour bien affirmer leur détermination, ils lancent des regards vengeurs en direction des 10 inculpés (dont un en fauteuil roulant), pressés dans le box des accusés et étroitement surveillés par des soldats de la «moukafaha». Ils sont défendus par Me Naji Boustany et les avocats de son étude. Légèrement intimidés, mais tout aussi déterminés, les inculpés promènent des regards hostiles sur l’assistance et sur les membres de la Cour, comme si, pour eux, quoi que décident les hommes, seule compte la voix d’Allah. Leurs avocats, Mes Antoine et Roger Daher (pour Saïd Chahhal et Abdel-Rahmane Fayek), Me Fayez Iwali (pour Fouad Zayné), Me Adel Kanso (pour Omar et Ahmed el-Ali), Mes Mikhaël Semaan et Youssef Haddad (pour Wassim et Tarek Abdallah et Mohamed Nabulsi) et Mes Ibrahim et Ali Hariri, désignés par l’Ordre des avocats de Beyrouth pour défendre Imad Ali et Raëd Akoun, annoncent déjà la couleur. Pour eux, le dossier est carrément inexistant, la plupart des inculpés étant bien jeunes (entre 20 et 26 ans) et ayant agi sur une impulsion pour impressionner leurs camarades. Selon eux, il n’y a pas une tentative réelle d’assassinat, mais il s’agit d’un dossier politique pour établir une sorte d’équilibre... La Cour de justice aura largement l’occasion de se faire une opinion par elle-même. Mais hier, elle a reporté l’audience à mercredi prochain, car le onzième inculpé, Chéhab Ghandour, accusé d’un simple délit n’a pas été notifié conformément aux règles de procédure et ne s’est donc pas présenté devant le tribunal. Mercredi, la Cour entamera la lecture des pièces de ce dossier qui a un étrange air de déjà- vu. C’est en quelque sorte «un remake sans drame» (puisqu’il n’y a pas de victimes) du procès des assassins de cheikh Nizar Halabi qui s’était terminé par trois exécutions capitales, mais avec une haine toujours vivace des deux côtés de l’allée centrale, dans la salle du tribunal qui en a vu beaucoup d’autres...
Un grand procès pour les chrétiens et un autre pour les musulmans. Contrairement aux apparences, ce n’est pas dans cet esprit que la Cour de justice fonctionne, même si elle se retrouve dans une telle situation, au hasard des dossiers qui lui sont déférés. Alors qu’elle planche depuis plusieurs mois sur l’affaire du meurtre de Rachid Karamé, la voilà obligée d’ouvrir...