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Actualités - REPORTAGE

Portrait - De la Cour des comptes au ministère des Ressources électriques et hydrauliques Sleimane Traboulsi : la discipline d'un magistrat et la simplicité d'un homme du terroir (photo)

Le bureau du ministre des Ressources électriques et hydrauliques au nouveau siège du ministère, à Nahr, est certes immense et impressionnant. Mais M. Sleimane Traboulsi qui l’occupe depuis quelques jours s’en soucie bien peu. Cet homme simple, au langage concis ne s’intéresse pas aux biens matériels et aux apparences. Et lorsqu’il se met à évoquer ses études secondaires au collège des frères à Machmouché (Jezzine) ou son village natal, Machghara, les meubles raffinés disparaissent pour céder la place aux arbres fruitiers, au blé abondant et à cette douceur de vivre qui a un parfum d’enfance… Étrange coïncidence, le père de Sleimane Traboulsi, Chafic, a été celui qui a installé le courant électrique à Machghara, dans les années trente. «Je suis né peu après» (en 1936), déclare pince-sans-rire le ministre, qui laisse entendre qu’entre sa famille et l’EDL le courant passe. À l’époque, son père avait donc obtenu de l’État une concession pour installer le courant électrique dans sa localité. Il avait donc construit une usine dotée de turbines spécialisées pour produire de l’énergie hydraulique et Machghara a été ainsi l’une des premières localités du pays à avoir l’électricité. «Les habitants en ont bien profité, mais pas mon père», ajoute M. Traboulsi, qui précise que les machines se sont très vite usées. «Mon père n’avait pas suffisamment de liquidités pour les rénover ou les remplacer et comme les habitants ne payaient pas régulièrement les factures électriques, il a fait faillite et demandé à l’État de reprendre sa concession». Son père a-t-il donc inauguré la privatisation des services publics ? «À l’époque, la plupart des services publics étaient privatisés, répond le ministre. L’eau, l’électricité et la voie ferrée. L’État ne les a repris en main qu’en 1950, en commençant par nationaliser l’office de l’eau de Beyrouth». Sa petite tentative de se lancer dans les affaires pour servir la localité dont il était le président de la municipalité ayant échoué, Chafic Traboulsi est revenu à sa fonction initiale, propriétaire terrien. «Le grand-père de mon père, Élias, raconte le ministre, possédait 55 millions de m2 dans la Békaa-Ouest. Il avait même acheté Aïn Tiné qui appartenait à Saïd Joumblatt et nous possédons encore le sceau avec lequel ce dernier marquait sa production de blé». Aujourd’hui, 30 % des terres ont été vendues, «surtout par moi, car je suis le plus démuni de la famille», ajoute Sleimane Traboulsi. Même sa maison a été dynamitée, à Machghara. «C’était une belle maison de pierres avec un jardin de 2 500m2. Elle avait été occupée par une partie et l’autre s’était empressée de la dynamiter. Mais je ne garde aucune rancune envers les auteurs de ce forfait. Mes parents m’avait appris à aimer les autres. Et ma mère a passé son existence à accueillir des gens, à les mettre à l’aise, en attendant que son mari puisse les aider. Je n’ai jamais entendu mes parents dire du mal de quelqu’un et j’essaie de suivre leur exemple». Je me rendais à l’école à dos de mulet Cela n’a pas dû être toujours facile, surtout lorsqu’on est magistrat à la Cour des comptes depuis 35 ans. «Si, répond M. Traboulsi. Car j’examine un dossier, indépendamment des personnes qui y sont impliquées. Je me contente de dénoncer les violations de la loi et de faire en sorte que la justice règne. C’est ainsi que j’ai agi à la Cour des comptes où j’ai atteint le plus haut degré d’avancement et c’est ainsi que j’agirai au ministère». Pourquoi a-t-il choisi la magistrature ? «J’ai entrepris des études de droit dans les années 50 et un an avant ma licence, j’ai été nommé adjoint judiciaire. J’ai obtenu la licence en 1958, mais en raison des événements qui secouaient le pays, je n’ai pas pu commencer à exercer le métier d’avocat. J’ai préféré rester dans la fonction publique, plus stable». À l’époque, le salaire était suffisant, mais plus tard, ce fut la misère. «Mes parents se sont si bien occupés de moi que je n’avais pas envie de me marier. Mais lorsque je m’y suis décidé, à 47 ans, je n’avais pas de maison, ni les moyens suffisants pour louer un appartement». Malgré cela, Salwa Seif se lance dans l’aventure et le couple commence par habiter dans une maison prêtée par le frère de Sleimane, Loutfi. Profitant ensuite d’un crédit d’habitat octroyé aux juges, Traboulsi achète une maison. «Les biens matériels n’ont jamais eu la moindre importance à mes yeux. L’essentiel est de pouvoir subvenir à ses besoins et de mener une vie décente et digne. Le reste compte peu. Vous voyez parfois des millionnaires qui continuent à avoir faim et des pauvres qui acceptent leur condition. C’est une nature. Dieu merci, mes intérêts sont ailleurs…» Dans le travail bien fait et la rectitude par exemple. À la Cour des comptes, Sleimane Traboulsi s’est en effet bâti une réputation d’homme strict et juste. Mais cela ne l’empêche pas, lorsqu’il évoque ses souvenirs d’enfance, de redevenir, l’espace d’un instant, cet enfant qui se rendait à dos de mulet au collège des frères de Machmouché (Jezzine). «Je garde un excellent souvenir de ce collège et du père Neemtallah Aoun qui nous traitait tous comme ses enfants. À l’époque, et bien que le collège appartienne aux moines maronites, les élèves étaient de toutes les confessions. Joseph Moghaïzel, Dib Darwiche, Rachad Salamé et d’autres y ont fait leurs études, et ce couvent m’a beaucoup appris sur le plan de l’ouverture et de la tolérance». Le couvent ne préparant pas au baccalauréat deuxième partie, Sleimane Traboulsi a dû s’inscrire au collège La Sagesse à Achrafieh, et il a participé à de nombreuses manifestations, généralement organisées par Melhem Karam, actuel président de l’Ordre des journalistes. Puis ce furent les études de droit à l’USJ avant la magistrature qui l’a séduit un jour sans plus jamais la lâcher. Même ministre, il ne démissionnera pas de sa fonction à la Cour des comptes, parce que pour lui, elle est devenue une seconde nature. Un ministre des Ressources magistrat, voilà qui risque de provoquer une petite révolution dans ce ministère. «Ce qui est sûr, déclare M. Traboulsi, c’est que je ne veux pas faire de la politique et je ne compte pas devenir député. Je ne peux plus changer mes habitudes et je traiterai chaque question comme un dossier judiciaire». Le ministre aura sans doute beaucoup de pain sur la planche.
Le bureau du ministre des Ressources électriques et hydrauliques au nouveau siège du ministère, à Nahr, est certes immense et impressionnant. Mais M. Sleimane Traboulsi qui l’occupe depuis quelques jours s’en soucie bien peu. Cet homme simple, au langage concis ne s’intéresse pas aux biens matériels et aux apparences. Et lorsqu’il se met à évoquer ses études...