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Actualités - ANALYSE

Administration La refonte des services publics, un casse-tête chinois

C’est le premier pas qui coûte. Les régimes de la présente République semblent voués à affronter à leurs débuts les tâches les plus difficiles. Ramener la paix civile pour Hraoui. Nettoyer les écuries d’Augias pour Lahoud. Afin de doter le pays d’un instrument absolument vital : une Administration digne de ce nom... «Le problème est si ancien, si chronique, si complexe qu’il semble a priori insoluble», note un ancien grand commis de l’État. «La corruption, qui a toujours existé, est devenue sans frein depuis la guerre. Elle produit des automatismes qu’il sera difficile de gommer ou de contrôler. On peut sans doute veiller à la régularité d’un contrat, d’une adjudication. Mais comment empêcher un particulier pressé de glisser la pièce à un fonctionnaire pour qu’il fasse marcher sa formalité. Ou comment savoir si des inspecteurs ne sont pas eux-mêmes dans la combine, comme on dit… Si on multiplie les organismes de surveillance pour surveiller les organismes de surveillance, on tombe très vite dans le surréalisme des systèmes totalitaires». Ce spécialiste chevronné rappelle que «les Français avaient habilement gardé, dans le modèle administratif mis en place sous le mandat, des structures datant des Ottomans et bien adaptées aux conditions psychosociales du pays. Sous leur houlette, le système marchait assez bien dans l’ensemble. Mais l’époque, il faut le souligner, était plus facile, les exigences moindres. Avec l’indépendance, le virus politique et partisan a commencé à ronger le corps administratif. Chaque clan parvenu au pouvoir se hâtait d’installer ses hommes aux postes clés. D’autant plus facilement qu’il n’y avait pas d’organisme indépendant, neutre, de filtrage. Progressivement, le clientélisme a pris la place de la compétence. Et tout aussi naturellement s’est doublé d’une confessionnalisation codifiée d’une manière si pointue que tel planton dans tel service devait forcément appartenir à telle ou telle communauté. Bien entendu, un tel montage favorisait au maximum la corruption. Les privilégiés de l’heure, sachant qu’ils n’avaient qu’un temps, se hâtaient de se servir, de se remplir les poches à tous les niveaux et de toutes les façons. Comme la roue était supposée tourner et que nul n’avait envie de se montrer désintéressé, personne ne réclamait des comptes à son prédécesseur, dont on se contentait de gommer l’influence. Chehab a tenté de remettre de l’ordre dans ce capharnaüm. Il a fait appel à des spécialistes étrangers, notamment français, et a créé des organismes de contrôle, comme le Conseil de la Fonction publique, dont le premier président, Farid Dahdah, avait été choisi dans le corps de la magistrature, geste hautement symbolique. Chehab a aussi créé l’Inspection centrale nommant également à sa tête un juge renommé, Chawkat Mounla. Pour couper court aux immixtions politiciennes, un système de recrutement par voie de concours a été institué. Mais il n’a pas tardé à être vicié, au nom des quotas confessionnels, bientôt assortis de quotas régionaux ou partisans. Et quand Hélou a succédé à Chehab, l’appareil était déjà si branlant que le régime a dû procéder à une épuration. Tentative cependant battue en brèche par les multiples résistances politiques ou communautaires rencontrées… Même chose pour le premier gouvernement Hariri qui a essayé, lui aussi, en 1993, de nettoyer l’administration : sortis par la porte, les épurés ont pu rentrer par la fenêtre en faisant casser les arrêts les concernant. Puis il y a eu la troïka, le partage du gâteau, le recrutement insensé à tour de bras, les magouilles, le gouffre financier creusé par le gaspillage, les détournements de fonds. L’économie nationale étant maintenant en péril, il est évident que le redressement passe par une réhabilitation de l’Administration commençant par l’éradication de la corruption. C’est le grand défi auquel le régime et le gouvernement se trouvent confrontés. Ils bénéficient d’atouts non négligeables : une autorité certaine et une vision claire des objectifs à atteindre. Mais on ne sait pas, par contre, conclut ce spécialiste, si le pouvoir peut définir aussi clairement les moyens à mettre en œuvre pour redresser la barre. Va-t-il chasser du monde, dans quelles proportions, et quelles en seraient les retombées sociales ?» On ne peut oublier en effet qu’il existe au Liban, à cause notamment des travailleurs étrangers qui y grouillent, un assez grave problème d’emploi que l’État, le plus grand employeur du pays, pallie en partie par ses recrutements.
C’est le premier pas qui coûte. Les régimes de la présente République semblent voués à affronter à leurs débuts les tâches les plus difficiles. Ramener la paix civile pour Hraoui. Nettoyer les écuries d’Augias pour Lahoud. Afin de doter le pays d’un instrument absolument vital : une Administration digne de ce nom... «Le problème est si ancien, si chronique, si...