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Actualités - OPINION

"Learning English" de Rachid Al Daïf Quête pour une identité

On aurait tort de croire que c’est un manuel pour apprendre une langue étrangère. Et pourtant, le titre induit délibérément en erreur. Learning English de Rachid al-Daïf (Dar An-Nahar-143 pages) est bien un roman arabe où se déploie toute la beauté d’une langue maîtrisée et d’une narration captivante. Né à Zghorta et professeur d’université, Rachid al-Daïf est un familier de la littérature. Oscillant entre poésie et fiction romanesque, son parcours, tracé depuis 1979, est déjà riche de plusieurs publications dont nous citerons Cher monsieur Kawabata (traduit en huit langues européennes), Passage au crépuscule (édité dans sa version française chez Actes-Sud) et l’avant-dernier roman Du côté de l’innocence. Avec Learning English, Rachid al-Daïf entreprend de fouiller la mémoire, la vie et la société pour dégager les lignes motrices d’une destinée et d’une raison d’être. Interrogation lente et courageuse qui reforme le puzzle d’une existence. Est-ce hasard, coïncidence ou revers de fortune si, en sirotant un café, en parcourant un journal, on apprend brusquement la mort, par «vengeance», de son propre père? Par-delà le choc, la douleur et l’égarement, voilà que le narrateur se lance dans une quête éperdue pour se retrouver et retrouver la vérité. Réalité amère, que les pages dévoilent en toute quiétude à travers un déballage qui brave les tabous et les interdits ou sur un rythme précipité, révélant au passage la culture (étendue) et le mal-être d’un écrivain tentant de jeter la lumière sur l’énigme d’une vie. Surtout les mystères, les secrets et l’ambiguïté des êtres qui nous entourent et qui font souvent le décor de notre paysage quotidien. Comme un long écheveau, le fil se dévide lentement à travers la succession des mots et apparaît en pleine lumière, ce qui longtemps est resté dans l’ombre par crainte d’une société écrasée par le poids des idées reçues et l’impact des traditions intouchables. Rached al-Daïf tente d’introduire cette modernité qui vernit notre quotidien et dénonce, mine de rien, les travers d’une société qui a du mal à emboîter le pas au rythme accéléré contemporain non seulement dans sa technologie mais dans ses valeurs morales. Récit vivant, au suspens calculé, avec une science évidente des portraits et surtout un art consommé d’animer un dialogue. Écrit dans une langue arabe fluide et simple, non sans élégance et lyrisme (la graine du poète veille), ce roman, par-delà la trame d’une histoire émouvante où se mêlent joie et douleur de vivre et de découvrir, introduit en douce les préoccupations les plus secrètes de l’essence de l’être dans un pays comme le nôtre aux portes d’un fin de siècle où les références et les points de repère ont tendance à s’estomper.
On aurait tort de croire que c’est un manuel pour apprendre une langue étrangère. Et pourtant, le titre induit délibérément en erreur. Learning English de Rachid al-Daïf (Dar An-Nahar-143 pages) est bien un roman arabe où se déploie toute la beauté d’une langue maîtrisée et d’une narration captivante. Né à Zghorta et professeur d’université, Rachid al-Daïf est un...