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Actualités - ANALYSE

Gouvernement - Plusieurs parties multiplient les conditions Et maintenant le jeu commence

Toute fatigue cérémonielle mise de côté, le nouveau chef de l’État entame donc demain des consultations parlementaires qui ne devront pas être très éprouvantes. Tout le monde en connaît en effet le résultat à l’avance. Mais c’est par la suite que les choses risquent de se compliquer. Les deux têtes de l’Exécutif sont, selon toute probabilité, déjà d’accord. Mais les autres parties concernées estiment qu’en vertu de la règle nationale du consensus, elles ont aussi leur mot à dire dans la formation du gouvernement. D’autant que de puissants intérêts, électoraux ou autres, sont en jeu. On attend ainsi au tournant le président Nabih Berry qu’on voit mal accepter de rester sur la touche. Surtout que les derniers mois ont accentué la rivalité qui l’oppose au président Hariri, pour une question de prépondérance au sein de la composante mahométane du pays. Il a ainsi fait pression sur M. Berry à travers la controverse sur l’article 53 de la Constitution. On sait en effet que contre les intérêts de la Chambre qu’il préside, M. Berry a publiquement estimé que les députés peuvent céder leur pouvoir de choix au chef de l’État. Histoire d’embêter un peu le président du Conseil, qui a d’ailleurs mordu à l’hameçon, en dénonçant cette option de vote par procuration. M. Hariri s’est de même rendu en catastrophe à Damas et son ami M. Abdel Halim Khaddam a tenu des propos rassurants à son égard. Le vice-président de la République syrienne a en effet souligné à l’adresse de ses visiteurs libanais que la question de formation du nouveau Cabinet est entre les seules mains des présidents Lahoud et Hariri. Autrement dit que si la Syrie ne va pas s’en mêler, d’autres ne devraient pas non plus le faire. Les proches de M. Berry, qui se trompent peut-être d’époque, affirment qu’une forte amitié le liant au nouveau chef de l’État, il pourra en profiter pour gêner les mouvements du président Hariri. Un refrain qui fait un peu trop troïka pour ne pas paraître obsolète. Car, on le sait, le nouveau régime ne veut pas entendre parler du système précédent et le partage du gâteau, il compte plutôt le combattre que l’encourager. Cependant sur le plan ponctuel, l’indubitable existence de rapports de force déterminés devra effectivement permettre à M. Berry de poser ses conditions en ce qui concerne la mise sur pied d’un nouveau Cabinet. Bien sûr les présidents Lahoud et Hariri peuvent les rejeter en bloc, au titre que l’opération est de leur seul ressort. Mais il est douteux a priori qu’ils envisagent d’entamer l’ère nouvelle dans un climat de confrontation avec le président de la Chambre. Il n’est donc pas déraisonnable de penser qu’ils accepteront de négocier et qu’on parviendra assez vite à un compromis. Toujours est-il que dans le cadre des spéculations frénétiques sur la composition du nouveau Cabinet, on parle d’y retrouver des symboles comme les présidents Hussein Husseini, Sélim Hoss, Nassib Lahoud, Boutros Harb, Fouad Boutros et Élie Ferzli, qui aurait réclamé le ministère de l’Intérieur. Ce département pourrait cependant aller à Sleiman Frangié, tandis que la Défense serait attribuée à Talal Arslane et Farès Boueiz conserverait les Affaires étrangères. Options de restructuration Indépendamment de ces spéculations, le président Nabih Berry confirme qu’on va fusionner des ministères et probablement confier à nombre de ministres plus d’un département. Sauf pour la Culture qui ne serait plus accolée à l’Enseignement supérieur. Bien que la question ne soit pas précisément du ressort du Législatif, on peut penser que sans de solides informations sur les projets de l’Exécutif M. Berry n’aurait pas donné de telles indications. À moins qu’en fin tacticien, il n’ait lancé un ballon d’essai pour sonder les intentions du nouveau régime en provoquant des réactions déterminées. En tout cas, si ses pronostics s’avèrent exacts, on aurait un gouvernement plutôt condensé : s’il y a moins de maroquins, il y a forcément moins de ministres. Même si encore une fois on devait, à titre politique, désigner des ministres d’État sans portefeuille. Grosso modo, on devrait reprendre l’ancien tableau qui comprenait 18 départements. Les ministères «inventés» par la présente république redeviendraient de simples directions générales, s’ils ont été prélevés sur des départements existants. Ou seraient supprimés, s’ils ont été créés à partir de rien. Cependant, nuance importante, il va y avoir en principe des regroupements sous de nouveaux labels. On parle ainsi d’un ministère de l’Énergie qui comprendrait le Pétrole et les Ressources hydroélectriques et d’un autre de l’Économie et du Commerce extérieur qui engloberait l’Industrie… Cependant selon certaines sources, cette restructuration ne serait pas effectuée d’entrée de jeu. Car le nouveau régime a, dit-on, l’improvisation en horreur et ne souhaite pas qu’on réédite l’expérience calamiteuse du ministère des Émigrés, créé d’un coup de but en blanc et qui n’a jamais servi qu’à caser comme attachés quelques «chers petits» de politiciens. Donc, selon ces sources, on procéderait par étapes. Et parce qu’on aurait des refusions en vue, on confierait dès le départ les départements concernés et encore séparés au début (comme l’Économie et l’Industrie) à un même ministre. Certains ministères nouveaux continueraient à exister à moitié pour ainsi dire : la Culture deviendrait toute seule, l’Enseignement auquel on l’a accouplée, rejoignant le giron de l’Éducation nationale. Il faut dire que la Culture doit en principe connaître une année faste, puisque Beyrouth a été proclamée par l’Unesco capitale culturelle du monde arabe pour 1999. Le département, lancé par Michel Eddé, s’est imposé sous ce ministre comme une nécessité, car il régule le patrimoine culturel et artistique du pays, l’archéologie aussi bien que les manifestations de musique, de théâtre ou d’arts plastiques, ce qui lui permet de déborder à travers divers festivals sur un département comme le tourisme. En France, l’impérissable Jack Lang était en son temps le deuxième personnage du gouvernement et le sixième de la République, après le chef de l’État, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil constitutionnel. Le ministère de la Culture comprend la communication (à peu près l’équivalent de notre ministère de l’Information), les antiquités, le tourisme, l’audiovisuel, le théâtre, l’édition et les arts plastiques. Ici même, le département de la Culture n’a pas peu fait pour l’exposition longue durée «Liban, l’autre rive» qui se tient à l’IMA de Paris. Il est connu et évident que l’une des rares richesses naturelles de ce pays est sinon son esprit du moins son patrimoine culturel. Le redressement passe donc aussi par cette voie. À signaler un assez étrange ricochet : à cause de la nécessité de placer à la tête de la Culture un homme qui lui soit totalement consacré, l’on reparle sérieusement d’interdire le cumul entre un mandat de député et un portefeuille ministériel…
Toute fatigue cérémonielle mise de côté, le nouveau chef de l’État entame donc demain des consultations parlementaires qui ne devront pas être très éprouvantes. Tout le monde en connaît en effet le résultat à l’avance. Mais c’est par la suite que les choses risquent de se compliquer. Les deux têtes de l’Exécutif sont, selon toute probabilité, déjà d’accord. ...