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Actualités - DISCOURS

Le discours d'investiture d'Emile Lahoud Nul ne pourra être au-dessus de la loi

Le président Émile Lahoud a mis l’accent hier, dans son discours d’investiture au Parlement, sur la suprématie de la loi, invitant tous les responsables, à commencer par lui-même, à ne pas transgresser les textes. Il a en outre plaidé pour une répartition plus équitable du poids de la politique d’austérité, et enfin évoqué longuement les relations avec la Syrie, dont il reproche au pouvoir précédent de n’en avoir pas fait un bon usage. Voici le texte intégral du discours du nouveau président : «Le jour où le Parlement m’a accordé sa précieuse confiance, en m’élisant à la présidence de la République, et devant toutes les réactions d’appui et d’espoir, j’ai éprouvé un sentiment fait d’un mélange de joie et de sens des responsabilités. J’ai senti, dès le début, qu’on me demandait beaucoup, oui beaucoup. Je me suis employé à calmer ces accès d’angoisse et je n’y suis parvenu qu’en me disant : “Voici un poste où, au moins, tu pourras faire quelque chose pour ton pays. Remets-en-toi à Dieu”. Et c’est ce que j’ai fait. «Dans un moment comme celui-ci, tous les problèmes apparaissent d’un coup et les priorités se perdent au point qu’on ne sait plus par quoi commencer. J’ai choisi de vous parler franchement de l’essentiel, de ce qui est à la base de notre présence dans ces fonctions au sein de l’État, en tant que pouvoirs et en tant que responsables : il s’agit du respect de la loi et de son application. C’est bien cela : le respect et l’application de la loi. «Nous sommes dans un pays où tout le monde – gouvernants comme gouvernés – se plaint et exprime des doutes du fait que le langage de la loi est tantôt absent, tantôt escamoté. Je commencerai donc par ce problème et c’est par lui que je conclurai. «Je commence par ce serment que je viens de prêter devant vous. Je m’y suis engagé à respecter la Constitution, l’État et les lois. Je constate que le chef de l’État est le seul au sein des pouvoirs à prêter un tel serment. Pourquoi? Parce que le législateur a voulu que le plus haut responsable de l’État soit au-dessous de la loi. A fortiori, nul autre ne peut donc être au-dessus des lois. Pour ma part, je m’engage à rester au-dessous des lois. «En tant que responsables et en tant que pouvoirs, nous occupons ces fonctions au nom de la loi. Nous ne devons jamais oublier, en aucune circonstance, et surtout pas au moment où nous ressentons la plénitude du pouvoir, que nous gouvernons et qu’on nous obéit par la force de la loi, et non par notre propre force. «Il n’y a pas d’avenir, dans ce pays, ni pour les responsables ni pour les simples citoyens, en dehors d’un État de droit et des institutions et à l’ombre d’un régime parlementaire démocratique. «Comme vous le savez, les gens réclament le changement pour des raisons connues et justifiables. Mais s’il est impossible de réaliser cela d’un coup, il est tout aussi inconcevable qu’il n’y ait pas de début. «Que veulent donc les gens? Que nous, les responsables, respections notre mandat de représentation dans tout ce que nous disons et que nous concrétisions cela dans tous nos actes. Voilà pourquoi nos propos et nos actes doivent être responsables. «Ils veulent aussi, à raison, une justice intègre et indépendante à l’égard de toutes formes d’interventions et d’influences, une justice indépendante dans ses membres autant que dans ses verdicts, une justice que les puissants, aussi bien que les faibles, devront prendre en considération. «Les citoyens veulent une administration soumise à un contrôle strict, fondée sur la compétence et l’intégrité, dirigée par des responsables qui tirent leur immunité du bon exercice de leurs fonctions, et non d’une protection politique et confessionnelle. Ils veulent une administration dont les services sont achetés par l’impôt, et non par l’impôt et la corruption. «Les gens, tous les gens, sont conscients de l’ampleur de la crise économique et sociale. Il est de leur droit, lorsque nous sollicitons leur contribution pour régler cette crise – et ils sont prêts à la donner -, de se poser la question de savoir quelle politique économique et financière sera adoptée, quelles en sont les charges à supporter, comment celles-ci vont s’accumuler et jusqu’où cette politique va-t-elle mener. Ils ont aussi le droit à une politique fiscale juste et équilibrée, proportionnelle à la fortune, de sorte que le pauvre ne paie pas à la place du riche. «Les gens souhaitent que les grands projets soient soumis aux lois et aux règlements, de manière à ce que ces projets ne soient plus entourés de doutes et de réclamations. Ils ont le droit de savoir comment sont dépensées les recettes des impôts, comment est appliquée une politique d’austérité, comment sont accordées les adjudications et exécutés les projets, comment sont gérés les biens publics, comment sont obligatoirement contrôlées les dépenses publiques, tant au moment du déblocage des fonds qu’à celui de l’exécution. «Ils ont le droit aussi de nous demander d’appliquer à nous-mêmes une politique d’austérité lorsque nous voulons qu’ils en fassent autant. Globalement, ils ont également le droit d’exiger que les comptes officiels ne soient pas un secret d’État. «Mais avant tout, ils ont le droit de voir comment est récompensé celui qui est soucieux des biens publics et réalise des économies, et comment est châtié le voleur quel qu’il soit, le gaspilleur, le corrompu et le profiteur. «Les gens, et en particulier les jeunes, souhaitent que l’on s’occupe de l’éducation, de la santé et des problèmes socio-humains et écologiques. Il n’est pas permis que la pauvreté soit un obstacle à l’enseignement, qu’elle empêche de se faire soigner et d’obtenir un travail. Il n’est pas concevable que se poursuivent les crimes contre l’environnement, qu’une personne déplacée demeure loin de sa terre, qu’un émigré oublie sa patrie et que la politique soit l’otage du confessionnalisme. «Les gens, tous les gens, veulent savoir ce qu’il y a entre nous et la Syrie. C’est leur droit, en particulier les jeunes, d’avoir des réponses aux questions qu’ils se posent. Je leur dis donc : depuis le début de la guerre en 1975, la Syrie a lancé plusieurs initiatives successives et sérieuses pour la stopper. Face à ces initiatives, certains faisaient des paris contraires, transformant le Liban en arène sanglante. «Je dis aussi à tous ceux qui ne connaissent pas les réalités et spécialement à ceux qui ne veulent pas les entendre que si les Libanais, en particulier certains d’entre eux qui se trouvaient au pouvoir, avaient pris conscience de l’essence de l’initiative syrienne, lancée par ce véritable frère du Liban qu’est le président Hafez el-Assad, l’hémorragie et la destruction ne se seraient pas prolongées autant. «Ce fut une grave faute politique contre le Liban de considérer, comme l’ont fait certains dans le passé, que la relation avec la Syrie est un pari temporaire, utilisable lorsqu’on est faible et que l’on trahit lorsqu’on est fort, ou encore qu’on courtise la Syrie lorsqu’elle est forte et qu’on la renie lorsqu’elle s’affaiblit, oubliant ainsi que nous nous renforçons et nous nous affaiblissons ensemble. «Notre relation avec la Syrie est une relation d’histoire, de terre et de peuple. Elle ne peut être un pari ou une simple complaisance, mais un destin et un choix. Mon expérience dans la réédification de l’armée m’a donné la foi et la preuve que la Syrie, avec son chef, son peuple et son armée, veut le bien du Liban. Elle appuie sans limites l’État libanais. Mais les Libanais au sein du pouvoir ont-ils utilisé cet appui pour construire leur État et leurs institutions, suscitant ainsi l’affection des gens, qui apprécieront aussi la Syrie à travers eux, au lieu d’utiliser cet appui pour eux-mêmes, provoquant la condamnation des gens et nuisant à la Syrie. «Ce que veulent le plus les Libanais, c’est (la libération) du Sud et de ses habitants. «De cette tribune, je salue ceux qui tiennent bon et ceux qui résistent, les vivants et les martyrs et ceux qui appuient leur armée dans sa lutte contre l’occupation israélienne. À eux tous, je déclare : la grande cause nationale c’est vous et votre œuvre de libération de l’occupation. «Le Liban a cru que la paix juste, globale et permanente est un choix vital et stratégique. C’est sur cette base qu’il a participé à la conférence de Madrid pour obtenir l’application des résolutions internationales et celle du principe de l’échange de la terre contre la paix. «Les pays arabes frères – qu’il faut remercier pour tout ce qu’ils ont donné au Liban hier et aujourd’hui – sont une source d’amitié, de fraternité et d’appui. Nous comptons sur eux pour affronter les charges qui résultent de l’occupation israélienne et pour donner de l’élan au processus de reconstruction et de développement. «Un Liban “guéri” est un bienfait pour tous les Arabes. Et comme ils participent à sa convalescence, ses fils considèrent chaque pays arabe comme leur propre patrie. «J’espère que les frères arabes continueront à se soucier du Liban, de manière à alléger les charges du passé et celles de la reconstruction dans le présent et l’avenir. «Je souhaite aussi collaborer avec les États amis dans le monde. Je tiens à remercier ceux qui ont aidé le Liban dans les domaines de l’économie et des projets de développement et ceux qui l’appuient dans les instances internationales. J’espère que le concept de la paix globale et juste sera notre langage commun sur les bases duquel nous bâtirons l’avenir. «Je veux que tout le monde sache que nous sommes dans un régime démocratique parlementaire, au sein duquel le changement est régi par des règles et des critères et où tous les pouvoirs sont soumis à des principes. Les prérogatives y sont clairement définies et il est impossible à un pouvoir de réaliser seul le changement souhaité. «Plusieurs années se sont écoulées depuis cette conférence et Israël continue à traiter séparément avec les parties arabes pour conclure avec chacune d’elles une demi-paix qui unifie Israël et divise les Arabes. «Récemment, Israël a mené une vaste campagne politico-médiatique, visant à montrer que le Liban refuse qu’il retire ses troupes de son territoire, conformément à la résolution 425. Mais, en réalité, Israël a une conception particulière de l’application de cette résolution, contraire à l’intérêt du Liban et à sa dignité nationale. «C’est pourquoi nous avons répondu en refusant de fournir des garanties et de souscrire à des arrangements pour un retrait qui arrange Israël à nos dépens. Nous avons déclaré que les garanties, quelle que soit leur nature ou la partie destinataire, sont données à travers la paix, une paix totale et non réduite de moitié. «Dans notre conception, la paix totale signifie que le Liban a un intérêt national supérieur, stable, permanent et vital dans la concomitance des volets libanais et syrien, quelles que soient les circonstances. La règle de base est le retrait israélien total du Liban-Sud, de la Békaa-Ouest et du Golan, conformément aux résolutions des Nations unies. Dans ces conditions, il s’agira d’une paix pour tous, dans ses circonstances et ses conséquences, y compris la sécurité et les autres intérêts. «C’est pourquoi je dis à tous : je ne possède pas une baguette magique qui peut répondre à vos espoirs du jour au lendemain. Mais j’ai la volonté et la détermination et ma main est tendue à tous vers le bien, le juste et le vrai. «Je dis aux gens : il y aura immanquablement un début, oui, il y aura un début, ne vous hâtez pas de juger les visages et les noms, quels qu’ils soient. Attendez la pratique, c’est là que vous trouverez la réponse. «Vous êtes le juge et l’arbitre. «Vive le Liban»
Le président Émile Lahoud a mis l’accent hier, dans son discours d’investiture au Parlement, sur la suprématie de la loi, invitant tous les responsables, à commencer par lui-même, à ne pas transgresser les textes. Il a en outre plaidé pour une répartition plus équitable du poids de la politique d’austérité, et enfin évoqué longuement les relations avec la Syrie, dont...