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Actualités - REPORTAGE

Investiture - Le président a prêté serment Lahoud définit les orientations du nouveau régime (photos)

Il a fallu au président Émile Lahoud quelques minutes pour conquérir une assistance curieuse d’entendre la voix de celui qui s’est distingué par sa discrétion et son effacement, neuf ans durant. Le onzième président de la République a été acclamé dix-sept fois durant les vingt minutes qu’a duré son discours à la séance d’investiture, hier au Parlement. Pas un mot de trop. Pas une phrase de complaisance. Pas de fioritures. Le verbe clair et précis, le ton ferme, Émile Lahoud a subjugué une assistance qui veut désespérément croire qu’un changement est réellement possible au Liban. Il a étonné une autre assistance, qui ne s’attendait pas à voir à ce que le nouveau président s’exprime de la sorte. Car en définissant les orientations politique, sociale et économique de son sexennat, le président Lahoud n’a pas ménagé l’ancien régime, pour lequel il a été d’une sévérité extrême. Sans pour autant l’attaquer directement. Et d’ailleurs, il n’avait nul besoin de le faire. Ce qu’il a dit était suffisamment éloquent. Ce qu’il n’a pas dit l’était encore plus : le général Lahoud n’a pas soufflé mot sur les réalisations du mandat Hraoui. Hier donc, c’était la journée du général au Parlement. Tout devait être parfait pour la cérémonie de prestation de serment, la première à se dérouler depuis vingt-huit ans sous la coupole de la Chambre. La place de l’Étoile et les rues l’entourant avaient été pavées en un temps record, le centre de la vieille place avait été planté et fleuri avec abondance et les trottoirs étaient tous réaménagés. Tout a été nettoyé à grande eau durant le week-end. Le traditionnel tapis rouge est déroulé sur des escaliers rutilants. Le hall du Parlement grouille de monde. Le climat d’effervescence à l’intérieur du Parlement contraste toutefois avec le calme qui règne dans le périmètre de la Chambre. Seule la présence d’agents de l’ordre tout le long des voies menant à la place de l’Étoile, rappelle l’importance de la cérémonie. Il est 10h30 quand les invités commencent à affluer. La cérémonie est prévue pour 11h. À 10h55, une Mercedes limousine s’arrête devant la porte du Parlement. Un homme en descend. Les gardes en poste n’en croient pas leurs yeux. C’est le président en personne. Il leur faut quelques secondes pour se remettre de leur surprise et se mettre au garde-à-vous. Le général Lahoud est arrivé seul en voiture, sans escorte, sans sirènes hurlantes. Le chef du Parlement, M. Nabih Berry, l’accueille à sa descente de voiture. Entourés des membres du bureau de la Chambre, les deux hommes gagnent l’Hémicycle. Un tonnerre d’applaudissement ponctue leur entrée. Il est 11h. Le pas alerte et rapide, le président Lahoud se dirige avec M. Berry vers la chaire présidentielle, saluant l’assistance qui l’acclame debout. Les applaudissement s’intensifient quand le général arrive à la tribune où un siège lui est réservé à côté de celui de M. Berry. Ils deviennent plus fort au fur et à mesure que le président salue les députés, les invités de la Chambre et les journalistes. «La Chambre sera partiale» À la demande du chef du Législatif, lecture est donnée de l’article 50 de la Constitution relatif à la prestation de serment. Une minute de silence est observée ensuite à la mémoire de Georges Saadé, ancien député. Tout de suite après, M. Berry prononce son discours. Dans la tribune réservée au public, quelques ambassadeurs prennent des notes ou soulignent des extraits de l’allocation. Le général Lahoud l’écoute attentivement, regardant droit devant lui, les bras placés sur le bureau présidentiel. Lorsque le président de l’Assemblée déclare : «Durant votre mandat, le Parlement fera preuve de plus de partialité en faveur de l’État des institutions», le général Lahoud se retourne vers lui. On a l’impression qu’il l’écoute avec plus d’intérêt. La discours du chef du Législatif dure 10 minutes. «Au nom de l’Assemblée nationale libanaise, je vous invite à prêter le serment constitutionnel et à adresser un mot au peuple libanais qui a les yeux braqués sur vous en ce moment». À peine le chef du Législatif a-t-il prononcé ces mots que le général Lahoud bondit presque, tend le bras bien droit devant lui et d’une voix forte, la voix d’un homme habitué à donner des ordres prête serment, en jetant de temps en temps un regard sur le texte de la Constitution qu’il tient de la main gauche. C’est à ce moment-là que l’on réalise que le président grasseye et qu’il n’est pas très à l’aise lorsqu’il parle. Sa voix résonne dans l’Hémicycle qui éclate en applaudissements au dernier mot. Le président a de nouveau droit à une «standing ovation». Lentement, il se dirige vers la tribune réservée aux orateurs pour prononcer son discours. Le ton est donné dès les premiers mots. Le général Lahoud doit s’arrêter 17 fois pour permettre à l’assistance d’exprimer son enthousiasme. Dix-sept fois, les parlementaires et le public applaudissent frénétiquement et c’est à peine s’ils se retiennent de crier «Bravo». Les mots du général vont droit au cœur de l’audience libanaise. «Le Liban va renaître» Ils retiennent aussi l’attention de l’auditoire arabe et occidental. La main sur la joue, le chef de l’Assemblée du peuple en Syrie, M. Abdel Kader Kaddoura, fixe le chef de l’État. L’ambassadeur des États-Unis, M. David Satterfield, se penche en avant pour mieux écouter. Parmi les députés, nombreux sont ceux qui multiplient les signes d’approbation. Dans les rangs des ministres, seul M. Michel Éddé, hoche la tête en signe d’appréciation, un large sourire aux lèvres. Ses collègues en revanche restent impassibles . Le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, n’a pas l’air très à l’aise. La main droite posée sur la table, il dessine sans arrêt des cercles avec l’index. Il ne s’arrête que pour boire. Son regard balaie constamment l’immense salle, comme s’il cherchait un point d’appui. On comprend facilement qu’il puisse être troublé. Chaque mot prononcé par le président est presque une condamnation de l’action du gouvernement sous l’ancien régime. «Les lois sont tantôt inexistantes, tantôt ignorées». «Les gens réclament le changement pour des raisons connues et justifiées». Même M. Berry ne peut s’empêcher de laisser tomber un «Bien dit», lorsque le général reproche à certains officiels d’exploiter à des fins personnelles leurs relations avec les dirigeants syriens. Dans la tribune réservée au public, un journaliste accrédité depuis de nombreuses années au Parlement n’arrive pas à retenir son émotion et fond en larmes. Il est 11h40, quand la séance est levée. Sous un tonnerre d’applaudissements, le général sort de l’Hémicycle en compagnie de M. Berry. Les deux hommes se dirigent vers le salon adjacent au bureau du président de la Chambre où un vin d’honneur est servi. Ils ont ensuite un bref entretien en tête-à-tête, puis M. Berry accompagne le chef de l’État à sa voiture. à son retour, il s’adresse aux journalistes en ces termes : «Le Liban va renaître».
Il a fallu au président Émile Lahoud quelques minutes pour conquérir une assistance curieuse d’entendre la voix de celui qui s’est distingué par sa discrétion et son effacement, neuf ans durant. Le onzième président de la République a été acclamé dix-sept fois durant les vingt minutes qu’a duré son discours à la séance d’investiture, hier au Parlement. Pas un mot...