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Actualités - OPINION

A la prochaine

Dans l’interminable partie qui, depuis le début de la présente décennie, met aux prises le déroutant Saddam Hussein hier à George Bush et aujourd’hui à Bill Clinton, quelqu’un pourrait-il dire à quoi exactement l’on joue ? Et – la question mérite d’être posée après cet énième round dont nul n’oserait affirmer que nous venons d’en vivre les ultimes péripéties – qui donc édicte les règles du jeu ? Réponse, si l’on veut s’en tenir aux simples apparences : l’Amérique. Après tout, la Maison-Blanche a fini par imposer la toute-puissance de sa volonté et les experts de l’Unscom, il y a deux semaines à peine expulsés comme de vulgaires agents de la cause yankee, sont invités à reprendre leurs tournées sur les sites soupçonnés recéler des armes chimiques et du matériel nucléaire. Pour en arriver à cette issue, il avait fallu recourir une fois de plus à une mobilisation militaire coûteuse pour le Trésor US autant qu’épuisante pour les nerfs d’une opinion publique régionale et mondiale déjà mis à rude épreuve par les aléas d’une conjoncture économique à laquelle personne n’ose encore donner le nom de récession. Mais les mastodontes des océans et les Marines dotés d’un arsenal de Robocop ne doivent pas faire oublier l’autre kriegspiel, plus subtil celui-là, qui du Palais de verre sur les bords de l’Hudson aux rives du Nil en passant par le Quai d’Orsay s’est traduit par une formidable offensive diplomatique en direction du régime irakien. Maniés à bon escient, la carotte et le bâton ont fini une fois de plus par éviter le pire et chacun peut d’ores et déjà se poser en vainqueur d’un duel certes disputé à fleurets mouchetés et qui laisse une gênante impression de déjà-vu. Acculé à la défensive face à une alliance internationale qui, dans ce cas précis, se révèle être à la fois juge et partie, quoique de moins en moins unie; continuellement menacé au nord par les irrédentistes kurdes qui ne veulent pas renoncer à leur rêve d’un État indépendant et au sud par une majorité chiite qui entend toujours faire valoir ses droits au pouvoir; forcé de tenir compte des besoins d’une population soumise depuis huit ans à un implacable embargo qui la laisse chaque jour un peu plus meurtrie, le président irakien n’a d’autre carte que cette présence des équipes onusiennes, qu’il abat à intervalles réguliers depuis quelques mois, dans l’espoir d’obtenir cet oxygène économique sans lequel son pays est condamné à l’asphyxie lente. Sur l’échiquier moyen-oriental, et pas seulement arabe, il se sait indispensable – dans une certaine mesure… C’est que nul pour l’heure ne veut d’un démembrement de l’Irak qui déboucherait sur l’émergence de deux entités au moins, menaçante l’une pour une Turquie dont le régime vacille sur ses bases aujourd’hui et qui se remet à être l’homme malade de l’Europe, l’autre parce qu’elle alimenterait la montée en puissance d’un pays, l’Iran, qui n’a cessé depuis l’avènement de la République islamique de lorgner du côté arabe et désormais vers l’Afghanistan mais aussi vers certaines des républiques asiatiques de l’ancienne URSS. À toutes ces considérations s’en ajoute une autre, non moins importante : le vide que laisserait une brutale disparition, pour quelque raison que ce soit, du maître de Bagdad serait difficile à combler et générateur de bouleversements internes d’une gravité incalculable. À n’en pas douter, les rapports de la Central Intelligence Agency tiennent compte de ce facteur. Tout autant que d’un autre élément, explosif lui aussi mais au plan économique, que représenterait le retour sur le marché mondial du pétrole irakien, alors que déjà l’offre est excédentaire et que les prix sont à la baisse. Pour toutes ces raisons, nous voici condamnés à assister – pour combien de temps encore ? – à l’inlassable réédition du jeu, vieux comme le monde, du «je te tiens, tu me tiens par la barbichette».
Dans l’interminable partie qui, depuis le début de la présente décennie, met aux prises le déroutant Saddam Hussein hier à George Bush et aujourd’hui à Bill Clinton, quelqu’un pourrait-il dire à quoi exactement l’on joue ? Et – la question mérite d’être posée après cet énième round dont nul n’oserait affirmer que nous venons d’en vivre les ultimes...