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Actualités - REPORTAGE

Khaznadar, dramaturge, metteur en scène : un citoyen du monde ... de la culture

Chérif Khaznadar, metteur en scène de «Julia Domna» et coauteur avec Françoise Gründ, est à Beyrouth. Les cheveux et la barbe grisonnants, le front largement dégarni, le regard doux, Chérif Khaznadar explique avoir été fasciné par le personnage de Julia Domna. «Quand nous avons écrit cette pièce» raconte-t-il, «nous avons fait des recherches et nous nous sommes rendus sur les lieux où elle a vécu. A cette époque, les fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth dévoilaient des pans entiers de l’histoire de la ville. Au nombre des découvertes, il y avait une stèle qui avait été la base d’une statue de Julia Domna...». Il ne lui en fallait pas plus pour arrêter son choix sur cette impératrice orientale. A l’origine, le rôle était destiné à Nidal Achkar, mais «des raisons techniques nous ont empêché de le faire: elle lançait le Théâtre Al-Madina et ne pouvait venir à Paris, et moi j’avais mes responsabilités à la Maison des Cultures du monde à Paris. La préparation de cette pièce exigeait que nous soyons au même endroit»... C’est Mireille Maalouf, donc, qui endosse Julia Domna. «La pièce n’irait pas sans elle. La présence de Ninar Esber, la servante muette, est essentielle, mais tout repose sur l’énergie de Mireille, cette capacité qu’elle a de donner consistance au personnage». Chérif Khaznadar a commencé sa carrière sous nos cieux, alors qu’il était étudiant à l’AUB. «En 1958, j’étais étudiant en gestion. J’ai fait partie du Drama club. Nous avons monté «Caligula», la première pièce en français. L’USJ, séduite par notre travail, a suggéré la création d’un centre universitaire d’études dramatiques, dont j’ai été le président. Nous y avons mis en scène, notamment «En attendant Godot» avec Jalal Khoury» se souvient Chérif Khaznadar, un brin nostalgique. De 1958 à 1962, une période qui semble l’avoir marqué, «ce sont des années de formation qui comptent. J’y ai, de plus, noué des amitiés qui durent toujours». Après ses débuts, il s’attache «à rechercher ce qui pouvait être une expression culturelle spécifique au monde arabe». Recherches, écrits... Il met en scène «L’exception et la règle» de Bertolt Brecht au théâtre national syrien. «Je l’ai remonté en Allemagne en cherchant comment on pouvait le jouer non pas suivant le modèle brechtien, mais avec ma vision d’Oriental»... De Syrie en Tunisie, à Rennes (France), les expériences se succèdent, avec toujours un même souci d’ouverture culturelle. Echanges Cet homme de théâtre, soucieux d’ouvrir l’Occident à la culture orientale, multiplie les festivals de rencontres: «Festival de Café-théâtre», «Festival des Arts traditionnels», «rencontres du cinéma militant et rencontres internationales du théâtre musical d’aujourd’hui»... Il fonde en 1982 à Paris, avec le concours du ministère français de la Culture, la Maison des Cultures du monde, qu’il dirige depuis. «Notre but est de faire connaître les cultures étrangères en France. Toutes les expressions nous intéressent: le théâtre, la musique, la danse, l’écriture, les arts plastiques...». Au moment de sa création, il y a quinze ans, la Maison des Cultures du monde (MCM) était novatrice. «On s’intéressait peu, ailleurs, à des formes d’expression extra-européennes et à tout ce qui n’était pas commercial ou reconnu. Notre démarche a été de nous dire: il y a des gens qui ont une tradition, qui conservent un héritage, qui le développent, et qu’il serait intéressant de faire connaître en Occident. Notre critère c’est quelque chose qui exprime une réalité sociale locale, une particularité...». L’intérêt pour les artistes c’est évidemment la reconnaissance de leur art, mais surtout «la possibilité de le poursuivre chez eux». La MCM est une association «qui emploie actuellement 17 personnes avec un budget annuel de quelque 20 millions de FF (3,5 millions de dollars). Nous accueillons des spectacles, nous produisons des disques d’artistes peu connus». Ainsi, le bouzouk du Libanais Mattar Mohammed a-t-il été immortalisé sur CD, juste avant qu’il ne décède; Mounir Bachir, Sabri Moudallal, l’anthologie de la musique arabo-andalouse... «Nous sommes en ce moment en pleine création d’un centre de documentation sur les spectacles»... La MCM est l’initiatrice du trimestre Liban qui a eu lieu au printemps de 1996. Quel bilan peut-on faire de cette manifestation culturelle libanaise qui s’est déroulée à Paris? «L’événement a été important pour le public français auquel il s’adressait» affirme Chérif Khaznadar. «Il a permis de faire le point d’une renaissance culturelle au Liban. C’était l’époque où tout repartait, où le Liban revenait de loin». Et de constater que «depuis, beaucoup s’intéressent au Liban. Comme le montre notamment l’exposition géante qui se déroule l’automne prochain à l’Institut du Monde arabe de Paris». Pour Khaznadar, «Liban 96» a provoqué une sorte d’électrochoc. «Aujourd’hui, l’important c’est ce foisonnement théâtral. La création va dans tous les sens, mais on voit très clairement un travail de mûrissement. Les choses s’établissent, mais ça prend du temps». Quant à l’apport du Liban, il rappelle que «c’est une terre de rencontres, de fusion entre les cultures». Et Khaznadar, à la confluence d’un théâtre et de sa structuration, est lui-même un homme de fusion. Un Libanais…
Chérif Khaznadar, metteur en scène de «Julia Domna» et coauteur avec Françoise Gründ, est à Beyrouth. Les cheveux et la barbe grisonnants, le front largement dégarni, le regard doux, Chérif Khaznadar explique avoir été fasciné par le personnage de Julia Domna. «Quand nous avons écrit cette pièce» raconte-t-il, «nous avons fait des recherches et nous nous sommes rendus...