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Actualités - ANALYSE

Etat d'urgence humain

Le sommet libano-syrien qui s’est tenu à Lattaquié a joué le rôle d’une cour d’arbitrage dans le conflit qui oppose les trois présidents. Les responsables se sont soumis au jugement du chef de l’Etat syrien. Au président Hraoui, on a concédé la validité de l’approbation, par le Conseil des ministres, du projet d’instauration du mariage civil facultatif au Liban. Au chef du gouvernement, le renvoi sine die du débat, en attendant des circonstances plus propices. L’honneur des deux hommes est sauf, mais le Liban tout entier est confirmé dans son état de pays mineur, dans son état d’apprentissage politique. Mais ce qu’un sommet de quelques heures ne saurait régler, c’est la question de fond qui pourrait se résumer comme suit: où se trouve, dans le système politique mis en place, le centre de décision politique? En fait, il est réparti entre diverses instances, et ressemble un peu à une mosaïque dont les morceaux, à chaque décision importante, doivent être patiemment rassemblés. (Pour le président de la République, qui a été dépouillé de ses attributions, sauf un pouvoir suspensif provisoire, c’est la personnalité qui va compter. D’où l’importance d’un président fort). Mais où qu’il se trouve, et quelle que soit la personne qui le détient, ce centre de décision doit nécessairement refléter un vouloir vivre en commun, et non une volonté de domination. C’est la raison pour laquelle, pour que le système en place fonctionne, ses représentants doivent refléter fidèlement les communautés qu’ils représentent, leurs aspirations profondes, leurs craintes. Il ne suffit pas de dire aux uns et aux autres: n’ayez pas peur! Il faut réunir les conditions telles qu’il n’y ait pas ingérence dans le choix, par les diverses communautés qui forment le Liban, de leurs représentants, afin que la volonté de vivre en commun soit sans ombres. Cette réalité ne sera jamais dépassée, et sans cette maturité, la déconfessionnalisation politique conduira inéluctablement à vider le Liban. Autant de travers que d’acquis La proposition sur l’instauration du mariage civil entre un peu dans ce cadre. Le président Hraoui se propose de fonder le Liban, dont l’identité historique a des racines religieuses, sur de nouvelles bases. Il n’est que naturel que les vieilles bases s’inquiètent et s’interrogent. Et que propose le président de la République? L’Etat laïc à l’occidentale, un modèle qui a mis plusieurs siècles à s’imposer, et dont les travers sont aussi flagrants que les acquis. Mais il y a confusion quand on parle d’un Etat de droit qui se substituerait au régime confessionnel actuel. Ce n’est pas exact. L’Etat laïc est différent de l’Etat de droit. Ce dernier est là, sous nos yeux, inscrit dans nos lois. Mais c’est son application qui fait défaut. * * * L’une après l’autre, les réalités ignorées par M. Hariri nous rattrapent. Hier, c’était la région de Baalbeck-Hermel. Aujourd’hui, ce sont les prisonniers et, à travers eux, le système carcéral tout entier. Autant de bombes à retardement qui nous explosent à la figure. Quelle sera la prochaine bombe? En fait, c’est un modèle de développement plus lent, où la priorité aurait été donnée à l’humain, plutôt qu’au physique, qui aurait dû être osé. Mais l’investissement dans l’humain est un investissement à long terme, il ne donne pas la satisfaction que procure la construction d’une cité sportive, d’un aéroport ou d’une autoroute. Par contre, il donne une société confiante en elle-même, qui a un projet bien clair, des rapports sociaux plus sereins, moins conflictuels, plutôt que cette course au profit et ce marasme qui nous poussent à nous dévorer les uns et les autres, dans une société où chacun lutte pour sa survie économique ou politique. Sans projet ni destin Pardon? Réconciliation? Ces mots ne semblent plus vouloir rien dire. L’incertitude du sentiment d’appartenance à la nation, si naturel dans d’autres pays, mine un pays qu’on croirait à la dérive. L’argent, qu’on a érigé en valeur absolue, détruit toutes les autres valeurs humaines. Mais le Liban ne peut rester sans projet ni destin. Comme il y a un état d’urgence politique, économique, il faudrait décréter l’état d’urgence humain. * * * Quoi qu’on pense d’Israël, et surtout quoi qu’on pense de son premier ministre actuel, considéré à juste titre comme le fossoyeur des accords d’Oslo, il faut lui reconnaître, cette fois, le mérite d’avoir agi habilement, en décidant de quitter la bande frontalière. Encore que son entreprise ne soit pas tout à fait assurée du succès. La politique libanaise et syrienne, les réticences actuelles, tout à fait compréhensibles, à l’égard de cette initiative, auraient été mieux comprises par les Arabes, par les nations occidentales, et aussi, pourquoi ne pas le dire, par la population libanaise elle-même, si les rapports avec la Syrie étaient vécus plus sereinement, moins sous la forme dominant-dominé qu’ils revêtent actuellement. C’est d’ailleurs pour cela que les signaux à l’adresse de la Syrie se multiplient, lui demandant de réviser au plus tôt son système de présence, pour s’assurer une solidarité sincère des Libanais avec sa cause.
Le sommet libano-syrien qui s’est tenu à Lattaquié a joué le rôle d’une cour d’arbitrage dans le conflit qui oppose les trois présidents. Les responsables se sont soumis au jugement du chef de l’Etat syrien. Au président Hraoui, on a concédé la validité de l’approbation, par le Conseil des ministres, du projet d’instauration du mariage civil facultatif au Liban. Au...