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Actualités - ANALYSE

Nouveau mandat - La troïka est morte, vive la troïka ? Le dilemme des pôles de l'ancien régime : s'adapter ou s'en aller

Rares sont ceux qui mettent en doute la rectitude et l’intégrité du président élu, le général Émile Lahoud. Mais certains estiment que ces qualités, certes nécessaires – voire indispensables – ne sont pas cependant suffisantes pour gouverner et se mouvoir dans un univers oû nombreux sont les hommes politiques retors; des politiciens qui manient le verbe avec aisance et pratiquent le double langage sans être taraudés par le moindre remord; des «carriéristes», rodés jusqu’à l’usure par des années de «métier». Comment évoluer entre autant d’écueils sans risquer de se faire happer par un tourbillon ? Comment rassembler des alliés et des partisans qui ne disparaîtront pas à la première anicroche, sans un programme politique clairement défini ? À moins de deux semaines de l’investiture du général Lahoud, les questions se bousculent, innombrables. Certains cependant s’aventurent déjà à avancer des éléments de réponse. En l’espace de dix jours, font-ils observer, le président élu a prouvé à deux reprises qu’il n’était pas moins fin tacticien que ceux avec lesquels il est appelé à cohabiter ces six prochaines années. À la détermination de M.Walid Joumblatt à poursuivre une campagne qui lui est hostile, le nouveau chef de l’État a répondu en ouvrant grand ses portes à une délégation de dignitaires religieux druzes conduite par le pire ennemi du ministre des Déplacés, le cheikh akl Bahjat Ghaith. Mardi dernier, M. Joumblatt s’était rendu, pour la deuxième fois en quatre jours, chez le président Rafic Hariri avec qui il a renoué son alliance après des mois de brouille. À sa sortie, le chef du PSP s’était posé en défenseur des prérogatives du président du Conseil «bien déterminées dans l’accord de Taëf». À croire que M. Joumblatt laissait entendre que l’élection d’un «président fort» risquait de remettre en question ces prérogatives. Le lendemain, le général Lahoud recevait cheikh Ghaith. Dérogeant à l’obligation de réserve que s’étaient imposés les visiteurs du président élu, le dignitaire religieux a déclaré devant les journalistes que «Bani Maarouf (les druzes) sont les premières victimes de la répartition des parts et de la distribution des quotas». Et il ajoutait : «Cette mentalité est révolue à tout jamais». Certains affirment que la date de la visite de cheikh Ghaïth chez Lahoud était fixée depuis des jours. Mais même s’il ne s’agissait que d’une simple coïncidence, elle mérite malgré tout d’être relevée. Le général Lahoud a également réagi d’une manière indirecte à la mini-controverse sur les consultations parlementaires contraignantes pour la désignation d’un chef de gouvernement, selon des sources bien informées. Polémique larvée C’est le vice-président de la Chambre, M. Élie Ferzli, qui avait soulevé cette question en déclarant que les députés pouvaient s’en remettre au président de la République lors des consultations, ce qui lui permettrait de choisir lui-même la personne la plus habilitée à ses yeux à former le gouvernement. Une polémique larvée sur fond confessionnel avait alors éclaté. Des milieux occultes ont commencé à répandre des informations sur une volonté d’affaiblir les sunnites en rendant au président les prérogatives-retirées à Taëf- qui lui permettaient de nommer le chef du gouvernement sans en référer à qui que ce soit. Les critiques n’étaient pas dirigées ouvertement contre le futur chef de l’État, qui bénéficie toujours d’un formidable élan de sympathie populaire. Mais il ne fait pas de doute que c’est lui qui était visé d’une manière indirecte par cette campagne habilement orchestrée. Cependant, la nomination par le général Lahoud, en sa qualité de commandant en chef de l’armée, d’un officier sunnite à la tête de la Garde présidentielle, le colonel Moustapha Hamdane, et cela pour la première fois depuis la création de cette brigade, ont vidé de leurs sens les critiques. On savait depuis des semaines que le colonel Hamdane, qui assure la sécurité du général Lahoud depuis des années, avait de fortes chances d’être nommé à la tête de la Garde présidentielle. Toutefois, le moment choisi pour rendre publique cette nomination renforce la thèse de la riposte, survenant à point nommé, au début de la campagne visant le président élu. C’est auprès de ses visiteurs qu’on peut essayer d’en savoir plus sur les projets d’avenir du général Lahoud. Certains de ceux qui l’ont rencontré cette semaine assurent qu’il affiche toujours la même détermination et la même confiance. «Ses heures de réunion avec M. Hariri, de nombreux ministres et les hauts responsables de l’administration, qui lui ont permis de connaître dans les moindres détails la situation de l’État, n’ont pas du tout entamé son moral, affirme un de ces visiteurs. Sa volonté de changer demeure intacte». Mais a-t-il les moyens d’imposer le changement dans les mœurs politiques ? «Avant même son investiture, il a démantelé le système de la troïka basé sur le partage des parts, ajoute ce visiteur. Il ne veut rien pour lui, donc il ne marchandera pas. Et comme rien ne peut se faire dans le pays sans le consentement du président de la République, il réussira à imposer sa vision». Les pôles de l’ancien régime vivent un dilemme : s’adapter au style Lahoud ou s’en aller. Toutefois, la partie ne sera pas facile. On parle déjà de divergences sur la composition du prochain gouvernement. M. Hariri insisterait pour confier les postes clés, comme la Justice, l’Information et les Finances à ses proches. Des sources bien informées assurent néanmoins que le général Lahoud a toujours évité d’aborder la question de la composition du gouvernement lors de ses rencontres avec M. Hariri. Ses réponses étaient d’ordre général et soulignaient l’importance de mettre en avant les critères de la compétence et de la probité dans le choix des ministres. «Le président Hariri s’adaptera, déclare-t-on de même source. C’est un homme malléable qui sait lâcher du lest devant un partenaire de taille. M. Nabih Berry aussi sait se montrer flexible quand il le faut». D’autres craignent toutefois que tous ceux qui sont lésés par le style Lahoud finissent par se liguer contre lui, avec à leur tête un trio qui serait formé de MM. Berry, Hariri et Joumblatt. Alors ? La troïka étant désormais morte, vive la nouvelle troïka.
Rares sont ceux qui mettent en doute la rectitude et l’intégrité du président élu, le général Émile Lahoud. Mais certains estiment que ces qualités, certes nécessaires – voire indispensables – ne sont pas cependant suffisantes pour gouverner et se mouvoir dans un univers oû nombreux sont les hommes politiques retors; des politiciens qui manient le verbe avec aisance et...