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Actualités - OPINION

Carnet de route Entre Oscar Wilde et Roth, ou comment amuser la reine Victoria

Ce n’est pas tant que Philip Roth soit mon auteur américain préféré (malgré le plaisir que j’avais pris à lire, trop jeune et légèrement choquée, «Portnoy et son complexe») mais l’annonce, avant-hier, qu’il avait reçu le prix Pulitzer pour son dernier roman m’a mis du baume dans le cœur. Je ne sais si le pénis de Roth tient autant de place dans le livre couronné que dans la vie de l’écrivain new-yorkais, et qu’importe, à la limite. Je m’explique. Sortant d’un livre de 391 pages intitulé «La tyrannie du plaisir», qui commence par une critique véhémente de la «révolution sexuelle», autrement dit de la permissivité en matière de mœurs depuis le début des années soixante, et que l’on doit à Jean Claude Guillebaud, par ailleurs brillant journaliste et excellent éditeur, je commençais à me sentir gênée aux entournures, sceptique sur le bien-fondé de ma jeunesse que le sexe n’avait jamais intimidée, à la fois responsable du sida et de la pédophilie, bref, il faut dire que je suis assez impressionnable et que j’étais sur le point de faire (sans déchirements tout de même) quelques retouches à mes innocentes transgressions de tabous (sociologiques, parce que pour les religieux c’était fait avant l’adolescence). Bref, accablée par Guillebaud (1) et par la canicule dans la même semaine, j’ai accueilli le verdict de l’Université de Columbia comme un soudain état de grâce. Ce fut comme si on m’avait annoncé la béatification de Joyce et de Miller (sévèrement persécutés par le monde anglo-saxon, sauvés par la France, blessures anciennes que l’intolérance de l’establishment protestant infligea à tous les amoureux des lettres, et que la reine Victoria, dans le cas de Wilde, n’hésita pas à traduire en travaux forcés). Mais nous glissons vers le dangereux sujet de la censure dont le Liban semble toujours sur le bord de faire les frais, et même l’évocation de censeurs putatifs porte-malheur. * ** Comme l’été libanais se rapproche, quelques suggestions aux lecteurs non climatisés. Fuir les livres dits «intéressants» pour la littérature proprement dite. S’écarter prudemment des essais sur Hitler (mode commençante) pour acheter «Ouvrez», de Nathalie Sarraute ou «Angela’s ashes» de Tom Mc Court. Relire, dans les nouvelles très bien traduites en français de J.D. Salinger «Oncle déglingué du Connecticut», ou, du même, «Franny et Zooey» (en poche depuis la nuit des temps). Négligez les «Archives secrètes de Moscou» ou les livres parus et à paraître sur Papon, pour relire des «récits» de Tchékov. Nous nous sommes compris: plutôt que du lourd laborieux, du beau bourré de talent. J’ai peut-être tort, mais les «sommes» m’assomment, surtout lorsqu’elles se terminent par des conclusions aporétiques, quelle que soit la qualité du constat. Mais je ne vais pas recommencer: l’hédonisme à tous crins (comme tout ce qui est «à tous crins»), j’ai passé l’âge. Mais je comprends ceux dont c’est (comme disent maintenant les Français) la tasse de thé. Parce que l’inquisition, d’où qu’elle vienne, est haïssable. Et sur ces nobles paroles, quittons-nous jusqu’à l’hiver prochain. Où nous lirons Saint Thomas, Saint Augustin (l’ami de M. Fattouche), Bertrand Russel, Spengler et Mischerlisch. Par 15° au soleil...
Ce n’est pas tant que Philip Roth soit mon auteur américain préféré (malgré le plaisir que j’avais pris à lire, trop jeune et légèrement choquée, «Portnoy et son complexe») mais l’annonce, avant-hier, qu’il avait reçu le prix Pulitzer pour son dernier roman m’a mis du baume dans le cœur. Je ne sais si le pénis de Roth tient autant de place dans le livre...