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Actualités - CHRONOLOGIE

Etablissant une nouvelle jursiprudence Le juge unique de Baabda étend le rôle des tribunaux pour enfants à la prévention de la délinquance juvénile

Une justice à visage humain,c’est un peu ce que tentent d’instaurer certains magistrats, en dépit des contraintes imposées par la loi, mais aussi par des conditions de travail difficiles et une approche sociale figée. Le cas du mineur «A» n’aurait pu être qu’une banale histoire triste comme il y en a tant dans les milieux où se développent la misère, la pauvreté, la surpopulation et les vices divers. Mais le juge unique à Baabda et statuant en matière pénale, M.Maroun Abou Jaoudé, a voulu en faire un exemple de l’implication de la justice dans la protection des mineurs et la prévention de la délinquance juvénile.Il a montré ainsi que la justice peut dépasser le rôle qui lui est strictement imparti pour s’impliquer dans les questions sociales surtout lorsqu’il s’agit de la protection des mineurs. Son jugement, rendu le 2/2/98, inaugure une nouvelle jurisprudence plus adaptée aux exigences du monde moderne. Le mineur «A», âgé de 9 ans, n’a commis aucun délit, ou infraction.Il s’est simplement enfui du domicile de ses parents «pour mauvais traitements», le 3/7/97.Après avoir longuement enquêté et donné de sévères instructions au père, le juge Abou Jaoudé a décidé de placer l’enfant sous surveillance, tout en le ramenant dans sa famille et il a chargé la représentante de l’association pour la protection des mineurs au Mont-Liban de le suivre de près, en donnant des conseils au père et en dressant des rapports réguliers sur le cas en question. «A» s’est donc enfui du domicile paternel le 3/7/97 et s’est réfugié au bureau de l’association pour la protection des mineurs au Mont-Liban. Il a été alors recueilli par l’assistante sociale Myrna Abou Habib auprès de laquelle il s’est plaint dêtre maltraité par son père. L’assistante sociale a aussitôt contacté l’oncle paternel de l’enfant, «K», qui a reconnu que son frère battait férocement ses enfants et s’adonnait à la boisson. Mais il a refusé de prendre en charge l’enfant, par «crainte de la réaction de son frère». L’assistante sociale a alors eu recours au juge Abou Jaoudé qui a donné l’ordre de placer l’enfant dans une institution de protection en attendant un rapport détaillé. Le 4/8/97, le responsable de l’institution déclare au magistrat qu’il ne peut plus garder l’enfant parce que celle-ci ferme ses portes pendant le mois d’août. Comme il a été impossible de lui trouver un autre refuge, le juge unique a décidé de le rendre à son père, à condition qu’il reste sous la surveillance de l’assistante sociale et que ce dernier assiste aux entrevues de l’enfant devant le juge. Pire que les Thénardier Le 8/8/97, «B», le père de l’enfant, se présente devant le juge et il promet de prendre soin de son fils et de coopérer avec l’assistante sociale. Interrogé, l’enfant se déclare prêt à retourner au domicile paternel. L’enquête de l’assistante sociale a montré, toutefois, une situation assez dramatique. Il est ainsi apparu que «B» est en conflit avec son propre père — qui a épousé une femme en secondes noces — et avec ses frères. C’est pourquoi, aussi bien le grand-père que les oncles ont refusé de se charger de «A». «B» en est aussi à son quatrième mariage, il a divorcé d’avec ses trois précédentes femmes, dont il a quatre enfants. Actuellement, il est marié à «D», dont il a un jeune fils, «L». Il vit dans une chambre, avec sa femme et son plus jeune fils, alors que sa propre mère vit dans la chambre voisine avec ses quatre autres enfants. Mais «B» ne se rend jamais chez sa mère. «B» est alcoolique depuis 20 ans et, de son propre aveu, peut être plus méchant encore que les Thénardier; il frappe souvent ses enfants, dont «A», avec une ceinture. Un des demi-frères de «A», «M» aujourd’hui adulte, frappe aussi «A» et il aurait eu des rapports homesexuels incestueux avec «A» et son frère «S», tout en les menaçant pour qu’ils n’en parlent pas. Aujourd’hui âgé de 14 ans, «S» s’est d’ailleurs enfui de la maison et vit dans les rues. Curieusement, en dépit de cette situation dramatique, «A» a voulu continuer à se rendre à l’école et il y obtenait d’excellents résultats. Mais, très vite, son père a cessé de lui payer les frais de transport et il l’a finalement retiré de l’école. Toutefois, lorsqu’il a été placé dans une institution de protection, «A» a déclaré au juge que son père lui manquait et qu’il continuait à avoir beaucoup de respect et d’affection pour lui, comme il a affirmé être très attaché à l’épouse de son père qu’il appelle maman. C’est pourquoi, après avoir longuement entendu l’enfant et son père et après avoir constaté une bonne volonté de la part de ce dernier qui a de nouveau inscrit son fils dans une école et qui a cessé de boire, et a déménagé dans un appartement plus décent, le juge a décidé de ramener «A» chez son père, tout en le gardant sous haute surveillance. Dans les attendus de son jugement, le magistrat reconnaît que le rôle du tribunal des mineurs n’est pas d’intervenir dans la vie privée des gens. Mais se basant sur un texte du président de la cour de cassation,chambre pénale, M.Ralph Riachi ,sur la protection légale et judiciaire des mineurs en cas de mauvais traitements, il précise que le tribunal des mineurs doit préserver les jeunes de la délinquance et assurer les garanties nécessaires à leur protection. Selon le président Riachi, ce rôle de prévention ne se limite pas à des conseils, mais revêt un aspect judiciaire, entraînant des décisions ayant le même caractère. Se reférant ensuite à un texte du magistrat Moustafa Aougé, le juge a expliqué qu’il est préférable de garder l’enfant dans son milieu familial naturel et, comme le père s’est solennellement engagé à améliorer les conditions de vie de son fils, il a préféré rendre «A» à son père, tout en le plaçant sous la surveillance de l’assistante sociale. Un jugement qui trace une nouvelle voie dans l’univers crucial de la protection des enfants.
Une justice à visage humain,c’est un peu ce que tentent d’instaurer certains magistrats, en dépit des contraintes imposées par la loi, mais aussi par des conditions de travail difficiles et une approche sociale figée. Le cas du mineur «A» n’aurait pu être qu’une banale histoire triste comme il y en a tant dans les milieux où se développent la misère, la pauvreté, la...