Informatique - L'invasion atteint les maisons, les écoles et les cybercafés L'ordinateur et l'enfant : une relation à placer sous haute surveillance (photos)

À une vitesse vertigineuse, l’ordinateur, et plus récemment l’Internet, ont envahi notre vie quotidienne et mobilisé notamment les jeunes. Aujourd’hui, l’ordinateur gagne du terrain même à l’école, où il devient un outil de plus en plus indispensable. Mais si la technologie avance rapidement, son impact sur la capacité d’apprendre et la psychologie des jeunes en général est loin d’être cerné. Il fait au contraire l’objet d’un débat passionné et des spécialistes se penchent de plus en plus sur ce problème d’actualité. Les enfants qui passent des heures devant l’écran de leur ordinateur sont des cas de plus en plus fréquents. Devant cette réalité, certains crient au scandale, d’autres applaudissent aux progrès réalisés grâce à l’informatique. Est-il possible déjà de mesurer l’impact de l’utilisation de l’ordinateur sur la psychologie des enfants ? Des spécialistes donnent leur avis sur le sujet, mettent l’accent sur l’importance de l’éducation et d’une relation saine entre les parents et les enfants, permettant aux premiers de gérer la situation sans problème majeur. Mme Viviane Touma, psychologue et chargée d’enseignement à l’Institut d’éducateurs spécialisés de l’USJ, insiste sur l’importance de l’éducation dès le plus jeune âge. «L’ordinateur et Internet, tout comme la télévision, ne constituent pas un danger si l’éducation est solide à la base. Cette éducation consiste à apprendre à l’enfant qu’il y a des lois dans la vie et à lui apprendre à organiser ses heures. Quand l’enfant devient adolescent, il faut respecter son besoin d’intimité, être son parent-ami, en lui faisant confiance et en répondant à ses questions afin qu’il ne soit pas confronté seul à ses interrogations. En ce qui concerne Internet, on y trouve tout évidemment. Mais, là aussi, c’est la faculté de discernement héritée de l’éducation qui permettra à l’enfant ou l’adolescent de juger ce qu’il voit». De son côté, Mme Danièle Pichon, psychologue, souligne l’importance de l’autorité des parents dans cette affaire : «Il est important que les enfants soient bien encadrés. Les parents peuvent plus facilement les convaincre de ne pas abuser de l’ordinateur à l’adolescence. Quand l’enfant n’a pas conscience des limites et qu’il devient très attaché à l’ordinateur ou à la télévision, il risque de ne s’intéresser à rien d’autre. Mais le manque d’éducation rigoureuse est un problème répandu au Liban. On n’apprend pas à l’enfant à faire un choix et on aboutit à une situation qui est très difficilement remédiable». Isolement Pour sa part, Mlle Nicole Chevrier, pédagogue et responsable à l’Athénée de Beyrouth, pense que certains problèmes entre les parents et les enfants sont nettement aggravés par un usage abusif de l’ordinateur. «Il faut que les parents sachent quel instrument ils mettent entre les mains de leurs enfants quand ils leur procurent un abonnement à Internet», dit-elle. «Certains élèves risquent de rater leur année scolaire à cause d’heures indues passées sur ordinateur» Ces abus, Mlle Chevrier les impute le plus souvent à un manque d’autorité des parents : «Un parent qui a des problèmes avec son enfant à cause de l’ordinateur doit, d’une part, prendre conscience des programmes et jeux qu’il achète et de ce qui l’attend, d’autre part, participer aux activités de son enfant. Lui interdire, tout bonnement, de se mettre à l’ordinateur ne sert à rien». À la question de savoir si des heures passées devant l’ordinateur peuvent mener à un isolement de l’individu, les avis sont partagés. Selon Mlle Chevrier, il ne fait pas de doute que l’ordinateur éloigne certains enfants de leur famille et de leurs amis, bien que cela ne soit pas généralisé. Mme Pichon constate qu’«on remarque surtout des cas d’isolement parmi les adolescents qui passent souvent par une période de crise». Elle ajoute : «L’isolement se fait surtout sentir au niveau familial, moins avec les amis». Pour sa part, Mme Touma considère que «quand l’enfant ou l’adolescent se sent isolé à un niveau social, il trouve une certaine satisfaction à se tourner vers Internet». Et de poursuivre : «Par ailleurs, les jeunes aiment souvent communiquer par Internet avec des interlocuteurs éloignés, et pallient ainsi le manque de communication avec leur entourage. Mais la prolifération des cybercafés rend les risques d’isolement des jeunes moins aigus, puisqu’ils se trouvent dans un lieu public». Un outil indispensable à l’école Si l’ordinateur influe sur l’évolution psychologique d’un enfant ou d’un adolescent, il a également transformé sa vie scolaire. De plus en plus, les écoles libanaises s’équipent en PC et intègrent les cours d’informatique dans leur programme. Cela influe-t-il sur l’enseignement et sur la capacité d’absorption des élèves ? En tant que professeur d’informatique à l’école Carmel Saint-Joseph, Mlle Hala Hnainé donne son avis sur l’impact de l’ordinateur dans la progression scolaire d’un enfant : «Il n’est pas évident que l’usage de l’informatique fasse une différence substantielle dans la façon de capter les différentes notions, ou aide un enfant en difficulté à se débloquer face à une matière donnée. Mais ce qui est certain, c’est qu’il rend l’abord des matières étudiées plus agréable». Mlle Hnainé ne trouve pas non plus qu’il y ait une grande différence entre les enfants habitués à utiliser l’ordinateur chez eux et ceux qui n’en ont pas. «Ils sont en général tous intéressés par l’informatique, mais plus ils s’y mettent jeunes, plus ils sont motivés», ajoute-t-elle. Par ailleurs, Mlle Hnainé souligne que «s’il y a un impact négatif quelconque de l’ordinateur sur l’enfant, il ne provient pas de l’école mais d’une utilisation outrancière à la maison». Images et éveil À la question de savoir si l’ordinateur facilite ou non l’enseignement, Mme Touma apporte un point de vue mitigé, évoquant les aspects positifs et négatifs de l’utilisation de l’ordinateur. «L’ordinateur a une mémoire interminable et présente l’avantage de mettre à la disposition de l’enfant une méthode facile et rapide», dit-elle. «De plus, l’enfant apprend à faire ses recherches lui-même et à résoudre les problèmes éventuels qu’il rencontre sur son chemin. Les images d’Internet peuvent également faciliter l’apprentissage et ouvrir des perspectives infinies». Mais, selon Mme Touma, les aspects négatifs ne manquent pas non plus : «Quand l’enfant traite avec l’ordinateur, il a en fin de compte affaire à une machine dont l’enseignement est programmé, et qui répond à ses questions par oui ou par non. La relation avec l’enfant est donc sèche, et c’est là qu’intervient le rôle de l’éducateur qui dirige et qui assure le contact humain». Elle ajoute cependant que «l’ordinateur est le complément idéal à un enseignement interactif, qui fasse participer l’élève». C’est ce point que Mme Pichon commente, constatant que «l’enseignement didactique au Liban n’a pas encore suffisamment intégré l’exploitation de l’outil informatique au service de l’éducation». «Cependant, ce qui serait intéressant, c’est de placer des ordinateurs directement dans les classes, mais cela demeure coûteux et difficile à réaliser dans les écoles», dit-elle. S’il est primordial de prendre du recul pour comprendre l’impact de l’informatique sur les générations futures, il n’est pas moins primordial d’apprendre aux jeunes à gérer cette nouvelle réalité. Une révolution technologique marque profondément notre ère. Ne pas enseigner l’informatique à un enfant équivaut donc à le handicaper sérieusement pour l’avenir.