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Actualités - CHRONOLOGIE

"Entre Islam et Occident" , entretiens de Maxime Rodinson avec Gérard D. Khoury, éditions "Les belles lettres"

«Entre Islam et Occident» est un ouvrage d’entretiens que Gérard Khoury, romancier et historien, a eus avec Maxime Rodinson, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, et grand spécialiste de la civilisation arabe et islamique. Ce recueil est divisé en cinq parties: «L’enfance et l’adolescence, Paris, XIIIe arrondissement»; «La guerre au Proche-Orient, 1939-1945»; «Le retour en France»; «Le marxisme et l’Islam»; «Maxime Rodinson par lui-même». Ces entretiens, comme l’explique Gérard Khoury dans son avant-propos, ont été réalisés durant les étés 1996 et 1997, dans la résidence d’été des Rodinson, dans la vallée de la Drôme, près de Romans. Maxime Rodinson est né à Paris en 1915, «dans une famille ouvrière d’origine juive, athée et anticléricale, anarchiste puis communiste». Dès l’école primaire, «il est fasciné par l’histoire des religions, par les langues anciennes, par Mahomet et l’Islam». Le jeune Maxime est placé entre 14 et 17 ans comme coursier dans une maison de transports internationaux. Il lit énormément, et décide de préparer seul l’examen d’entrée à l’Ecole nationale des langues orientales vivantes. Il se spécialise en guèze, langue morte d’Ethiopie, et apprend une dizaine de langues sémitiques dont l’hébreu, le phénicien, l’arabe… Il a eu comme professeur Mgr Michel Féghali, linguiste, et comme répétiteur d’arabe littéraire, Michel Bitar, tué en France où il faisait de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1937, il prend sa carte de communiste. De 1940 à 1947, Rodinson est en Syrie et au Liban, où il assiste à l’indépendance. Il évoque ses relations avec les communistes locaux, Farjallah Hélou, Khaled Begdache, Nicolas Chaoui. De retour en France, il est bibliothécaire au département des manuscrits orientaux de la Bibliothèque nationale, puis professeur de guèze à l’Ecole pratique des hautes études. Franc-tireur de la pensée, il est exclu du Parti communiste français en 1958… Articles scientifiques ou journalistiques, ouvrages spécialisés, sa production est impressionnante: «Mahomet»; «Islam et capitalisme»; «Israël et le refus arabe»; «Marxisme et monde musulman»; «La fascination de l’Islam»; «Peuple juif ou problème juif»; «L’Islam: politique et croyance»… Rodinson fonde avec Jacques Berque en 1968 le GRAPP, Groupe de recherche et d’action pour le règlement du problème palestinien. A travers ses entretiens avec Khoury, Rodinson apparaît comme un rationaliste, portant toujours sur les événements un œil critique. Témoin Gérard Khoury souligne que Rodinson «a quitté le Liban il y a cinquante ans. Il a été témoin d’une époque, celle de l’indépendance. Son témoignage a de ce fait de l’importance». Pourquoi le parcours d’une vie? «Rodinson a joué un double rôle pendant ce XXe siècle: d’abord par la qualité de son érudition qui est dans la droite ligne des Lumières du XVIIIe siècle et de la naissante sociologie de la fin du XIXe siècle; ensuite par le fait qu’il a mis son érudition au service d’une dépassionnalisation du problème du Proche-Orient». Gérard Khoury estime que Maxime Rodinson «né juif, antisioniste dans une famille d’anarchistes anticléricaux, a eu le courage de prendre position dans la problématique israélo-arabe en montrant ce qui était de l’ordre des passions et ce qui était de l’ordre des réalités». Et de remarquer que ces positions «ont fait de lui le bouc émissaire des milieux sionistes en France». Khoury souligne le double impact du travail de Rodinson: «d’un côté, il a éveillé les Orientaux à la rationalité, à la modernité; de l’autre, il a mis en garde les Occidentaux, dénonçant l’injustice commise contre les Palestiniens. Il a soutenu que la Palestine n’était pas une terre déserte et que l’Islam n’était pas extrémiste». Limites Le professeur Maxime Rodinson était à Beyrouth pendant les événements de 1943, «il a pris conscience dès ce moment du fonctionnement communautaire du politique, et des limites que ces mécanismes pouvaient imposer à la construction d’un Etat-nation». Cette approche rationaliste, cette démarche scientifique, il les a également appliquées à la biographie qu’il a faite du Prophète. «Il est parti de documents historiques confirmés, il a effectué un travail colossal de mise en perspective du milieu humain, historique et politique… Evitant l’écueil que représentait un certain nombre de faits qu’on impute à l’Islam, Rodinson a montré que cette religion n’a empêché ni développement économique ni développement social. C’est la problématique abordée dans «Marxisme et monde musulman». Son ouvrage sur les Arabes a mis l’accent sur une civilisation riche, complexe, multiple, dont les apports à la civilisation occidentale sont nombreux… Montrant que les jugements de valeur sur les Arabes en Occident sont passionnels, irrationnels… ». - Etabli pour sa part en France depuis les années soixante-dix, Gérard Khoury a cherché à travers ses recherches et ses écrits à ramasser le plus de témoignages possibles sur son pays natal, le Liban. Dans son premier roman, «Mémoires de l’aube, chroniques libanaises», il aborde, à travers de petites histoires, le Liban sous le Mandat français et la complexité du système communautaire. «La maison absente» est un roman sur la violence, «sorte d’exutoire à toute la peine que j’ai ressentie de la destruction, de la déstructuration psychique… ». La thèse qu’il entreprend avec Henry Laurens sur la France au Levant, dans laquelle il reconstitue à partir de documents historiques la fin de l’Empire ottoman et le début du Mandat français, fait l’objet d’un livre, «La France et l’Orient arabe: naissance du Liban moderne» (1994) qui reçoit le Prix d’histoire de l’Académie Française. Gérard Khoury a deux ouvrages en projet: un livre de textes et notes critiques sur le rôle de Robert de Caix de Saint Aymour, «l’éminence grise du général Gouraud, artisan de la politique française en Syrie et au Liban, au début du mandat»; une publication des écrits politiques de Louis Massignon, orientaliste qui faisait partie de la mission Georges Picot dans la région en 1916-1917 et auteur, à ce titre, de nombreux rapports de mission. Les entretiens de Khoury avec Rodinson représentent, au-delà des personnes, un périple intellectuel. Vers une meilleure connaissance de soi. Et de l’autre.
«Entre Islam et Occident» est un ouvrage d’entretiens que Gérard Khoury, romancier et historien, a eus avec Maxime Rodinson, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, et grand spécialiste de la civilisation arabe et islamique. Ce recueil est divisé en cinq parties: «L’enfance et l’adolescence, Paris, XIIIe arrondissement»; «La guerre au...