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Actualités - REPORTAGE

Nehmetallah Kassab el-Hardini sera déclaré bienheureux le 10 mai prochain Hardine et Kfifane se parent pour la béatification de l'enfant du pays

Sa sainteté a été éclipsée par celle de Charbel Makhlouf, mais elle n’en est pas moins éclatante. L’Eglise s’apprête à rendre justice au P. Nehmetallah Kassab el-Hardini, en l’élevant aux honneurs des autels, au cours d’une cérémonie de béatification qui se tiendra au Vatican, le 10 mai prochain, date-anniversaire de la visite historique du pape Jean-Paul II au Liban, l’an dernier. Le président Elias Hraoui y assistera et, dit-on, le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berry. Le président du Conseil serait, lui, représenté par son épouse. Plus de 4.000 Libanais se sont inscrits déjà sur les vols charters affrétés pour l’occasion, et l’on en attend au moins autant, en provenance des pays d’émigration, des Etats-Unis et d’Australie surtout, où les Kassab, et en général la population de son village natal, Hardine, ont émigré en masse aux XIXe et XXe siècles. Hardine, qui a vu naître le jeune Joseph Kassab et surtout le couvent de Kfifane, du nom d’un village tout proche, où ses restes mortels reposent, sont donc des lieux de pèlerinage appelés à connaître la notoriété. Une visite guidée y a été organisée, la semaine dernière, à l’intention des gens de la presse, de la radio et de la télévision, par l’Ordre des moines libanais maronites (OLM), auquel appartenait le «saint de Kfifane», en présence du P. Youhanna Tabet, supérieur général de cet ordre. Hardine a joué un rôle important dans l’histoire de l’Eglise maronite, et fut même, un temps, un siège patriarcal. Niché à plus de mille mètres d’altitude, le village est enchâssé au milieu d’un cirque de montagnes, dont le pic le plus célèbre est l’escarpement de Niha. Une seule voie naturelle d’accès conduit au village ce qui, au long des siècles passés, en a fait une sorte de havre que l’on gagnait pour toutes sortes de raisons, légitimes ou pas: que l’on cherchât à échapper à une persécution religieuse ou que l’on voulut échapper à une vengeance personnelle. La population y vivait en autarcie, une vie quasi-monacale, au rythme des travaux des champs et des temps liturgiques. Plus d’une trentaine d’églises, ermitages et autels, certains taillés dans le roc, y sont recensés, les «frères syriaques ennemis», entendre chalcédoniens et non-chalcédoniens, y coexistant sous le même toit. On gagne Hardine par une route étroite et sinueuse serpentant à travers les contreforts d’une région aux frontières de Batroun et du Nord. Route aux tronçons inégalement asphaltés, qui gagnerait à être mieux entretenue et, de préférence, élargie, pour accueillir le flot de pèlerins que la béatification de Hardini devrait attirer. La route passe par Chekka, puis Amioun, dans le Koura, qui sont d’accès facile. En laissant Amioun sur sa gauche, on s’engage dans un paysage d’oliveraies encore heureusement vierge, dont le sol est tout tapissé de fleurs des champs multicolores, en cette période de l’année. Au passage, on peut admirer les colonnades du site romain de Bziza, qui forment un cadre idéal pour un clocher d’église au loin. Malheureusement, malgré un effort de signalisation, la route est encore inégalement fléchée, et le risque de se tromper de carrefour existe. Une quinzaine de minutes après Amioun, voici Hardine. Le village vous charme, d’abord, par la verdeur de ses bois de pins méditerrannéens, de cyprès argentés et de chênes. C’est ensuite la vue d’une plate-forme rocheuse monolithique, en pente, de quelque 400 mètres de long, par cent mètres de large, qui vous surprend de loin. Formation géologique unique au Liban qui, à elle seule, vaut presque le détour. Le regard est ensuite attiré par une sorte d’élévation où se dresse la grande église paroissiale du village, du nom d’un saint syriaque, Mar China. C’est là qu’aboutit la route. La maison natale de Hardini n’est pas loin. Les lieux sont en plein chantier. Un nouveau dallage en pierre brute est en train d’être posé, entre l’église et la maison, et celle-ci est en plein aménagement. La pièce où est né Joseph Kassab est en cours de restauration. Une grande salle attenante, à la fois étable et pièce pour la culture du ver à soie, a été transformée en chapelle. Un salon pour les visiteurs est en train d’être aménagé, ainsi que les installations sanitaires indispensables. Au premier logeront les moines affectés à la garde des lieux et à l’accueil des visiteurs. Un autre centre d’intérêt de Hardine est un réseau souterrain de pièces communiquant les unes avec les autres, qui permettait aux habitants de se rendre visite, sans sortir à l’air libre. Ce réseau coexiste avec plusieurs chambres funéraires désaffectées remontant à l’époque romaine. De Hardine, du reste, on peut voir, sur la cîme de Niha, la silhouette des colonnes d’un temple romain dédié à Mercure, d’un grand intérêt archéologique. Charme naturel, intérêt historique et religieux, Hardine a beaucoup d’atouts pour attirer les visiteurs, si la route en est mieux asphaltée et fléchée. Source d’inspiration pour les jeunes Pour se rendre de Hardine à Kfifane, deux itinéraires sont possibles, l’un à travers monts, l’autre en regagnant Batroun et en remontant, de Batroun, vers Deir Kfifane, à une quinzaine de kilomètres de la côte. Kfifane est à Hardine ce que Anaya est à Bqaa Kafra. Là, c’est le point d’attraction proprement religieux qui domine, mais ce qui frappe d’emblée, c’est l’imposante carrure du monastère des Saints martyrs Justin et Cyprien. Un échafaudage en fer la couronne, qui doit bientôt être recouvert de tuiles. Là, comme à Hardine, de grands travaux de réaménagement, intérieurs et extérieurs, sont en cours. Un vaste espace devant le monastère devrait pouvoir recevoir plusieurs centaines de voitures. A l’intérieur du couvent, dans un des coins d’une grande salle destinée à devenir église, repose le corps du saint de Kfifane, dans un beau cercueil en bois de cèdre sculpté dont les extrémités rappellent la carène d’un navire. Le cercueil est entouré de parois vitrées et placé derrière une grille en fer forgé. Selon le postulateur de la cause de béatification, le P. Paul Azzi, il ne reste plus de ses restes mortels qu’un squelette aux os encore tachés, ça et là, de sang. Pourtant, de sa mort d’une pleurésie, en 1858, dans la force de l’âge, jusqu’en 1926, date à laquelle son cercueil a été définitivement fermé, pour n’être rouvert que dans les années 90, le corps de Nehmettallah Hardini est resté intact, souple, et a longtemps été exposé à la piété des fidèles. Du reste, selon le P. Azzi, aucune odeur nauséabonde de décomposition n’a émané du cercueil, à sa récente réouverture. On aura l’occasion de revenir sur la vie très sainte de cet homme né en 1808 et qui fut l’un des maîtres de Charbel Makhlouf. A la différence de ce dernier, qui avait choisi la vie érémitique, silencieuse et contemplative, Nehmetallah Kassab avait trouvé son élément dans la vie commune monastique. Il a été étroitement associé à de nombreuses charges pédagogiques, administratives et gouvernementales de son ordre. Combinant avec bonheur charges terrestres et vie spirituelle, vies active et contemplative, veilles devant le saint sacrement et amour pour les pauvres, sa sainteté devrait devenir une source d’inspiration pour de nombreux jeunes, et un modèle que les responsables de son Ordre estiment plus proche du train de vie de la société contemporaine. Les miracles attribués à l’intercession du P. Nehmettallah Kassab el-Hardini sont innombrables. Une tradition remontant au XIXe siècle en atteste. Empruntés et jamais rendus par des chercheurs dévots, des cahiers rapportant les grâces obtenues sont aujourd’hui perdus. Le miracle qui a été retenu pour la cause de béatification est la guérison d’une leucémie, ou plus exactement d’une «aplasie médullaire» en phase terminale. Le jeune miraculé, André Najem, est aujourd’hui père de deux enfants, et se prépare au sacerdoce. L’un des moindres intérêts de la visite à Kfifane n’est pas le fait que la tombe de la bienheureuse Rafqa de Hamlaya, la deuxième étoile de sainteté dans le firmament de l’Ordre des moines maronites, n’est pas loin, et que l’on peut ainsi faire, pour ainsi dire, d’une pierre deux coups. Les voyages extérieurs ne prennent leur sens que de leur retentissement intérieur. Nous visitons les saints. Mais les saints aussi nous visitent. Nehmetallah Kassab el-Hardini a vécu à une époque troublée, marquée notamment par les massacres de 1860. A une époque de désarroi et de relâchement de la discipline dans les couvents, il a été et a donné un modèle de vie. Ce modèle devrait être une inspiration pour toute une génération de jeunes, et notamment de jeunes moines, qui vivent dans une époque non moins trouble et troublée. Il y aurait beaucoup à dire sur une pastorale de la sainteté pour notre temps, comme nous y invite le pape Jean-Paul II, à l’aube du troisième millénaire, en demandant aux églises de proposer des modèles de sainteté proches des conditions de vie qui sont les nôtres. Entre-temps, la grande leçon à tirer de tous les honneurs que l’on fait et que l’on se prépare à faire à Nehmetallah Kassab el-Hardini, c’est que «la gloire de Dieu» ne vient ni de la beauté, ni de la science, ni de la richesse, mais de la sainteté. C’est elle la gloire des maronites.
Sa sainteté a été éclipsée par celle de Charbel Makhlouf, mais elle n’en est pas moins éclatante. L’Eglise s’apprête à rendre justice au P. Nehmetallah Kassab el-Hardini, en l’élevant aux honneurs des autels, au cours d’une cérémonie de béatification qui se tiendra au Vatican, le 10 mai prochain, date-anniversaire de la visite historique du pape Jean-Paul II au...