... Et pour le pire

… et pour le pire A entendre les responsables religieux, soutanes et turbans confondus, glapir contre le projet de mariage civil facultatif, on se prendrait à croire qu’à la minute où cette loi serait effective, des milliers de jeunes prétendants chrétiens ou musulmans vont se ruer sur le sexe opposé de la communauté d’en face. Tu verrais ces rabat-joie pérorer dans les conférences, les dîners-débat ou les talk-shows télévisés, tu croirais que les Libanais, qui se sont envoyés sur la figure des constellations d’obus pendant plus de seize ans, n’attendent que cette occasion pour organiser en toute légalité des ébats d’alcôve interconfessionnels. Et fonder, enfin, cette famille multi-bronzée et pan-religieuse qui irait planer, chantant le Koullouna au-dessus des églises et des mosquées… Rien que d’y penser, tu vois, j’en ai la chair de poule et les larmes aux yeux! Que les hauts responsables des clergés locaux rejettent le principe du mariage civil, cela pourrait, à la limite, se concevoir. Chacun vend sa sauce comme il peut. Mais je ne vois pas, en revanche, pourquoi on devrait empêcher un traîne-latte d’épouser sa guenon, au seul prétexte qu’elle adore le demi-frère de son dieu ou son arrière-petit-cousin. Ou encore lui donner des leçons sur la manière de faire des gamins, enterrer pépé, pomper son héritage. Et puis quoi encore, j’en oublie peut-être… Cette propension à vouloir codifier, décréter, régenter est pour le moins hallucinante. Depuis ton extrait de naissance jusqu’à ton certificat de décès, tu te retrouves empaqueté dans un système débile qui n’a rien de mieux à faire que contrôler si tu respires conformément à la foi ou à la ligne communautaire. C’est à se demander s’il ne faudrait pas un jour inventer une communauté bidon, une espèce «d’exception génétique» libanaise, permettant d’obtenir ainsi une race intermédiaire qui épargnerait aux gens normaux les méfaits d’une inquisition rétrograde.