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Actualités - CONFERENCES DE PRESSE

Le secrétaire général de l'ONU a clôturé sa visite à Beyrouth par une rencontre avec les universitaires Une diplomatie sereine pour sensibiliser les jeunes aux problèmes du monde (photo)

Etonnant Kofi Annan. Il n’a passé que trente heures au Liban, mais tous ceux qui ont suivi les étapes de sa visite garderont un souvenir inoubliable de sa «diplomatie sereine», de sa courtoisie extrême et de son humour subtil... autant de qualités devenues si rares dans cette époque de violence et de passions déchaînées L’homme qui porte sur ses épaules le souci des 185 pays membres des Nations Unies, et donc, en quelque sorte, de la marche du monde — même s’il n’a souvent aucune prise sur les événements — a tenu au Liban un langage d’une grande profondeur. Il a demandé à tous ses interlocuteurs, officiels, responsables de la FINUL, journalistes et surtout aux étudiants, d’assumer leurs responsabilités, dans l’espoir de les pousser à agir, ou à réagir, afin de faire avancer le monde. A cet étudiant qui se plaignait du fait que le gouvernement ignore les jeunes, M. Annan a répondu :c’est parce que ceux-ci ne savent pas se faire entendre. «Votre responsabilité est aussi grande que celle de votre gouvernement», a-t-il dit. Organisez-vous, entendez-vous et plaignez-vous après, c’est un peu le message qu’il a ainsi transmis. Et à cet autre qui se révoltait contre le mécanisme des vetos au Conseil de Sécurité qui permet aux Etats-Unis de bloquer les résolutions qui ne leur conviennent pas, il a déclaré avec beaucoup de calme: «Le système des vétos est légal et démocratique puisqu’il figure dans les statuts des Nations Unies. Nous avons accepté les règles. Nous devons les respecter même lorsqu’elles ne nous conviennent plus. Enfin, 185 pays sont membres de cette organisation. Si ce système les dérange, ils n’ont qu’à le modifier...». M. Annan a parlé de beaucoup d’autres choses encore et, souvent, les mêmes thèmes sont revenus à toutes les occasions. S’il a modifié sa façon de s’exprimer selon l’identité de ses interlocuteurs, il a tenu partout le même langage, celui de la raison, de l’ouverture, du rapprochement, puisque désormais le monde est devenu si accessible et si interdépendant, du développement, mais aussi de la nécessité d’agir afin de construire un monde meilleur. Bien sûr, à toutes les étapes de sa visite, il a évoqué la résolution 425, il a aussi parlé du processus de paix dans la région, en essayant de pousser toutes les parties concernées à coopérer avec les Etats-Unis. Même si, selon ses propres dires, il n’est pas porteur d’idées précises, ni de propositions concrètes, il a essayé de rendre sa visite utile, sur le plan du rapprochement des points de vue et de la préparation du terrain à la perspective d’une paix. Selon l’un des membres de son équipe, il aurait voulu faire bien plus, mais irrités par le succès de ses démarches en Irak, les Etats-Unis lui auraient demandé de ne pas intervenir au Moyen-Orient. Comme il ne pouvait plus reporter cette tournée prévue depuis longtemps, il a dû se contenter d’un second rôle, loin derrière les Américains. Mais même comme cela, il a redonné une nouvelle dimension aux négociations indirectes actuelles. La rencontre avec les jeunes C’est surtout dans son débat, sa «conversation» comme il dit, avec les jeunes qu’il a donné toute la mesure de son charisme. L’homme mise visiblement sur la jeunesse, faiseuse d’avenir et espoir d’un monde meilleur. A Téhéran déjà, il avait organisé un débat avec les étudiants et à Beyrouth, il leur a accordé 50 minutes, c’est-à-dire le temps consacré à ses trois conférences de presse. Devant un parterre sous le charme, il a d’abord prononcé un petit discours, rappelant que les droits et les religions n’ont pas de frontières et que le fanatisme est un fléau. «A mon retour de Bagdad, a-t-il dit, je me suis dit que quand les gens se mettent ensemble et font preuve de bonne volonté, le meilleur peut arriver». «Ensemble, a-t-il encore ajouté, nous pouvons être une superpuissance, mais pour cela, il faut que les gens se sentent concernés les uns par les autres». Selon lui, les problèmes du monde actuel, la drogue, le terrorisme, la violence en général et le développement ne peuvent plus être résolus par chaque pays séparément, d’autant que les nouvelles technologies rendent les frontières perméables pour ne pas dire dérisoires. «Après tant d’années perdues, vous représentez l’espoir de l’unité, alors rêvez, pensez et agissez...», a-t-il déclaré. A l’étudiante de l’université de Balamand qui lui demandait à quoi sert l’action de l’ONU puisqu’elle ne peut changer les choses et se contente d’adopter des résolutions, M. Annan a répondu que l’ONU offre des normes et des valeurs communes, à travers notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme. «A mon avis, a-t-il ajouté, chacun a une part de responsabilité, un rôle à jouer. L’ONU doit faire un effort supplémentaire et je suis déterminé à ouvrir les portes de l’organisation aux sociétés civiles et à leurs institutions». Un étudiant de l’université Haïgazian lui a demandé si les sanctions contre l’Irak et leurs conséquences sur la population là bas ne sont pas une violation de la convention contre les génocides et de la déclaration des droits de l’homme. Annan a réfléchi longuement, précisant qu’il n’a jamais été question de punir le peuple irakien. Il a ensuite parlé de ses efforts pour alléger les souffrances du peuple irakien et il a enfin émis l’espoir que l’Irak puisse de nouveau être admis dans la grande famille des nations dans un proche avenir. Un étudiant de l’Université libanaise, dont le frère est l’un des premiers détenus libanais en Israël, lui a demandé de faire quelque chose pour ces malheureux, emprisonnés à Khiam et ailleurs dans des conditions souvent atroces. L’étudiant a été longuement applaudi et M. Annan était très ému en lui répondant. «Je comprends très bien combien cela doit être dur de ne pas avoir de nouvelles de ses proches. C’est un sujet qui me touche beaucoup. J’en ai parlé avec les responsables libanais, avec les représentants du CICR. J’en parlerai aussi avec les responsables israéliens, mais aussi à Genève. Je vous promets que je ferai de mon mieux». Une étudiante de l’USJ lui a demandé ce qu’il compte faire face aux violations des droits de l’homme dans tous les pays arabes et plus particulièrement au Liban et M. Annan a précisé qu’il ne peut pas faire le travail de la commission des droits de l’homme de l’ONU. «Je ne sais pas si on peut répondre rapidement à cette question et surtout si on peut mettre tous les régimes arabes dans un même panier...». Une autre étudiante de la NDU lui a parlé de la 425 et de la 520 et il a déclaré que pendant 20 ans, les Libanais étaient les seuls à évoquer la 425. «Or, aujourd’hui, les Israéliens en parlent aussi. C’est déjà un bon signe. J’ai plus d’espoir qu’avant de voir cette résolution appliquée». « Et la 520?» a insisté l’étudiante. M. Annan s’est contenté de dire qu’elle fait partie du processus de paix. Un étudiant de l’USEK lui a ensuite lu une «résolution» de son propre cru, qui, a-t-il dit, résoudra les problèmes du Liban. Comme le temps pressait, le modérateur de la rencontre, l’ancien ambassadeur M. Riad Tabbarah a essayé de le faire renoncer à son projet, lui demandant de poser une question, mais le jeune homme n’a rien voulu entendre. M. Annan, lui, a écouté calmement, se contentant de déclarer ensuite: «Merci, j’ai pris note...». Avec humour et gentillesse, M. Annan a écouté les représentants de la plupart des universités. Même lorsque certains essayaient de le provoquer, il restait aimable, attentif, soucieux de sensibiliser les jeunes aux problèmes du monde actuel et de leur faire prendre conscience de l’ampleur des défis qui les attendent, les poussant ainsi à regarder au-delà de leur rue, de leur quartier, de leur religion et même de leur pays. Le message a-t-il été perçu? Un des multiples observateurs qui ont assisté à ce débat a fait, en sortant, cette amère constatation: si certains étudiants ont une curiosité du monde, d’autres restent braqués sur les mêmes thèmes, avec un discours figé comme celui de la classe politique. Comme leurs aînés, ils ne conçoivent le dialogue que sous forme d’affirmations qui doivent être approuvées par l’interlocuteur... La situation est-elle réellement aussi désastreuse? Seuls les jeunes détiennent la réponse et c’est à eux de prouver que le secrétaire général des Nations Unies n’a pas perdu son temps en leur parlant avec tant de chaleur et de responsabilité.
Etonnant Kofi Annan. Il n’a passé que trente heures au Liban, mais tous ceux qui ont suivi les étapes de sa visite garderont un souvenir inoubliable de sa «diplomatie sereine», de sa courtoisie extrême et de son humour subtil... autant de qualités devenues si rares dans cette époque de violence et de passions déchaînées L’homme qui porte sur ses épaules le souci des...