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Actualités - REPORTAGE

Justice - Nouvelle audience dans l'affaire de l'assassinat Karamé La guerre était hier le principal inculpé (photo)

La guerre, avec ses épisodes tragiques ou révoltants, était hier le principal inculpé dans la salle du tribunal où la Cour de justice poursuit le procès des personnes accusées de l’assassinat du Premier ministre Rachid Karamé. L’évocation de cette même guerre a poussé Samir Geagea, chef des FL dissoutes, à sortir de son mutisme pour déclarer: «Tous les incidents que l’on déterre mériteraient chacun un procès. Mais ils sont détachés de leur contexte et les critères d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui». Cette remarque n’a pourtant pas convaincu les avocats de la partie civile. Pour défendre la mémoire du Premier ministre Karamé, accusé par Geagea, selon le témoin Chéhadé Chawwal, d’être responsable de la guerre, ils ont rappelé qu’il s’était opposé au déploiement de l’armée en 1975, parce qu’il s’était basé sur un rapport du chef de l’état-major de l’époque, le brigadier Moussa Kanaan, qui affirmait que si l’armée devait intervenir, elle serait divisée. Deux chambres d’opérations au service de sécurité «Il est mort pour que vive le Liban». C’est en ces termes que l’hebdomadaire des Forces libanaises Al Massira avait commenté l’assassinat de Rachid Karamé, dans son édition du 5 juin 1987. Exhibée par Me Bassam Dayé, la couverture de la revue secoue l’assistance et, pour éviter le débat toujours prêt à dégénérer entre les avocats, le président Mounir Honein suggère de garder les commentaires pour les plaidoiries. Mais à chaque instant, au cours de l’audience consacrée à la poursuite de l’audition du témoin Chéhadé Chawwal, la discussion est sur le point de dévier, surtout lorsqu’il est question du «conflit idéologique» entre Karamé et Geagea. L’audience s’ouvre sur une première : la présence de Me Karim Pakradouni parmi les avocats de Geagea. Depuis le début de l’audition des témoins, la cour lui avait demandé de se retirer. (Comme il doit être lui aussi entendu en tant que témoin, il ne doit pas, en principe, assister aux autres auditions.) Mais elle a visiblement changé d’avis. Bien que la présence de Pakradouni suscite les protestations du procureur Addoum et des avocats de la partie civile, le président Honein lui demande de rester. Officiellement, Karim Pakradouni n’est pas concerné par la déposition de Chawwal. Officieusement, selon certaines sources, Geagea aurait lui-même demandé que ce soit Pakradouni qui pose les questions aux témoins et le président est soucieux de répondre positivement aux requêtes du principal inculpé pour que celui-ci ne se sente pas injustement traité. Ancien responsable de la chambre des opérations au sein du service de sécurité des FL, Chawwal (qui avait été condamné en 1994 pour tentative d’assassinat du président Hraoui avant de bénéficier d’une grâce présidentielle en 1995) répond évasivement à la plupart des questions, minimisant à la fois son rôle et celui de ses anciens compagnons. Il faut toute l’insistance du procureur Addoum pour l’amener à préciser qu’en réalité la chambre dont il s’occupait avait pour mission de recevoir les communications urgentes sur des événements immédiats. Il y en avait une autre pour servir de phare aux éléments du service de sécurité. Ainsi, la version du témoin précédent, José Bakhos (ancien responsable de l’escorte de Ghassan Touma, chef du service de sécurité des FL) devient plausible. Ce dernier avait affirmé que le jour de l’assassinat de Karamé, le 1er juin 1987, il avait contacté la chambre des opérations pour lui demander des instructions après avoir achevé sa mission de surveillance. Geagea blâme Touma pour la tentative contre Hraoui Les avocats de la partie civile essayent ensuite de coincer le témoin sur l’animosité que Geagea vouait à Karamé. Au cours de l’audience précédente, Chawwal avait déclaré, en effet, que, dans les conférences qu’il donnait aux miliciens, Geagea avait expliqué que Karamé était à l’origine de la guerre, en refusant le déploiement de l’armée en 1975 et en boycottant le président Amine Gemayel, contraignant ce dernier à utiliser la pratique des décrets ambulants pour faire fonctionner l’Exécutif. Me Dayé lui demande à quelle date Geagea a donné ces conférences et le témoin répond : «En 1981, 1982 et 1983». L’avocat rappelle alors que le boycott a commencé plus tard. Le témoin s’empresse de rectifier sa réponse : «C’est Ghassan Touma qui a parlé des décrets ambulants, après la mort de Rachid Karamé, en disant : “Nous en avons fini avec cette pratique”». L’avocat lui rappelle qu’il a déclaré devant le juge d’instruction qu’à la suite de l’assassinat du Premier ministre, les relations se sont améliorées entre Geagea et le président Gemayel. Honein demande alors à Geagea si cela est vrai et ce dernier répond : «Elles se sont effectivement améliorées, mais bien plus tard, vers la fin de son mandat». Du côté de la défense, c’est Me Pakradouni qui pose le plus grand nombre de questions. Il présente même à la cour une copie de l’acte d’accusation établi par le juge d’instruction militaire, Riad Talih, dans l’affaire de la tentative d’assassinat du président Hraoui. Selon ce document, Chawwal aurait confié au juge que Touma lui aurait dit avoir reçu un blâme de Geagea pour avoir préparé cette tentative d’assassinat. Il déclare ensuite, en réponse à une question de Me Abdo Abou Tayeh (avocat de l’inculpé Aziz Saleh) que Touma était un homme très secret et silencieux, qui ne parlait jamais de son travail. Le procureur se demande alors comment il a pu parler du blâme à un de ses subordonnés, en l’occurrence Chawwal. La défense, notamment Me Issam Karam, ne se prive pas de critiquer les interventions incessantes du procureur, qui veut toujours avoir le dernier mot et essayer de contrecarrer «la stratégie» de la défense. «J’en ai le droit, répond-il à ses détracteurs. Je représente les intérêts de la société et donc ceux de 3 millions de personnes». Il rejette ainsi les propos de Me Karam qui a qualifié l’assassinat de Karamé de «crime politique». Selon lui, lorsqu’il y a mort d’homme, il ne peut plus s’agir de crime politique. Le débat reste ouvert. Mercredi, la cour entendra Robert Abi Saab, ancien responsable au sein du service de sécurité des FL, qui avait déjà fait un témoignage accablant contre Geagea et ses compagnons, dans l’affaire de l’assassinat de Dany Chamoun.
La guerre, avec ses épisodes tragiques ou révoltants, était hier le principal inculpé dans la salle du tribunal où la Cour de justice poursuit le procès des personnes accusées de l’assassinat du Premier ministre Rachid Karamé. L’évocation de cette même guerre a poussé Samir Geagea, chef des FL dissoutes, à sortir de son mutisme pour déclarer: «Tous les incidents que...