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Actualités - CHRONOLOGIE

Suicides en série dans les rangs de l'élite japonaise

Une vague de suicides touche depuis quelques semaines l’élite des hauts fonctionnaires et les dirigeants d’entreprise du Japon, pays où traditionnellement la mort volontaire permet de laver la honte et constitue peut-être aussi une forme ultime de protestation. Vendredi, la dernière victime de cette série macabre a été Tadasuke Saito, président d’une entreprise de travaux d’impression. L’homme de 63 ans s’est pendu après avoir étouffé sa femme, Katsuko, 60 ans, dans une ville au nord-est de Tokyo. «Je suis couvert de dettes. Je vais mourir après avoir tué ma femme», dit-il dans une lettre écrite avant le drame. Jeudi, c’est un fonctionnaire du prestigieux ministère des Finances qui s’est donné la mort. Yoshio Sugiyama, 46 ans, était directeur-adjoint d’une division chargée des banques. En six semaines deux cadres de cette division au cœur d’un scandale de pots-de-vin ont choisi de se donner la mort. Deux phénomènes peuvent susciter ces gestes de désespoir: les difficultés financières croissantes qui touchent les petites et moyennes entreprises lâchées par les banques en pleine crise économique et les affaires de corruption qui secouent la haute administration japonaise jusqu’en son cœur, le ministère des Finances ou la Banque du Japon. Au Japon, les suicides ne sont pas considérés comme un geste honteux comme dans les sociétés judéo-chrétiennes. Dans l’histoire, souvent ils ont plutôt été un symbole de loyauté envers un samouraï, un shogun, l’empereur, son corps social d’origine ou la collectivité toute entière. A l’image des kamikazes Ce fut le cas pour les «kamikazes» (le vent divin de l’Est qui a sauvé le Japon d’une invasion chinoise au Moyen-Age), ces soldats de l’empereur qui partirent à bord de leurs avions dans des opérations suicides contre la flotte américaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale qui, dans la mort, étaient de fidèles serviteurs de leur pays. Pour ces hommes d’affaires ruinés, «c’est le désespoir, c’est un autre type de sentiment, celui d’une responsabilité que l’on ne peut plus assumer à l’égard de ses employés», souligne Shoji Miyajima, professeur de sociologie à l’université Rykkyo à Tokyo. Masaaki Kobayashi, 51 ans, qui s’est pendu en même temps que deux autres dirigeants d’entreprise dans trois chambres d’hôtel, a laissé une lettre pour son chef comptable dans laquelle il mentionne l’existence d’un contrat d’assurance-vie de 400 millions de yens (3,1 millions de dollars) qui, disait-il, pourrait couvrir une partie des dettes de sa société. Dans le cas des hauts fonctionnaires poursuivis en justice ou associés à des affaires de corruption, l’explication est différente. Le suicide résulte plutôt du choc psychologique insupportable pour des fonctionnaires qui étaient longtemps l’élite de la nation et dont l’honneur est brutalement et définitivement perdu. «Ces bureaucrates étaient adulés, au plus haut dans la hiérarchie du prestige au Japon. Ce sont eux qui ont fait la puissance du Japon de l’après-guerre. Perdre à la fois leur prestige et leur honneur leur est intolérable», ajoute M. Miyajima. «Dans un pays où la surveillance sociale est aussi forte qu’au Japon, on ne se remet pas d’une telle honte. Pour certains, il ne reste plus que la mort pour retrouver le repos», dit-il. Avis partagé par Takashi Moriyama, ancien haut fonctionnaire dans une organisation internationale et ancien patron d’un bureau à l’étranger d’un groupe d’électronique nippon. «Au Japon, le suicide est parfois la seule porte de sortie pour laver la honte. Considérant les scandales, qui touchent le Japon en ce moment, je suis étonné qu’il n’y en ait pas plus», dit-il. «C’est aussi une forme de loyauté car pour certains, mourir c’est aussi ne pas être obligés de révéler des faits gênants pour des supérieurs». (AFP)
Une vague de suicides touche depuis quelques semaines l’élite des hauts fonctionnaires et les dirigeants d’entreprise du Japon, pays où traditionnellement la mort volontaire permet de laver la honte et constitue peut-être aussi une forme ultime de protestation. Vendredi, la dernière victime de cette série macabre a été Tadasuke Saito, président d’une entreprise de...