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Actualités - ANALYSE

Vie politique - La gestation du prochain gouvernement Presque tout dépend des décideurs ...

C’est presque aussi saisissant qu’une scène de bataille épique du grand Kurosawa : de quelque côté qu’on se tourne dans le camp taëfiste, on n’arrive pas à distinguer le moindre pavillon libanais battant haut. À l’Ouest rien de nouveau : pour l’essentiel, la formation du prochain gouvernement dépendra, litote oblige, des décisions des décideurs… Mais ils ont tout l’air, c’est encore heureux, de vouloir tenir compte là, comme pour le choix présidentiel, des desiderata libanais. Le général Émile Lahoud va dès lors nécessairement consacrer une partie de la période transitoire à la préparation du changement ministériel, pour qu’il se fasse rapidement et sans heurts. On sait que le président élu aura 39 jours devant lui pour prendre connaissance des dossiers et mettre au point, avec le président Hraoui, les mécanismes de la passation de pouvoirs, tout en élaborant le discours fondamental qu’il devra prononcer lors de son investiture. Et dans lequel il exposera à la nation son programme, ses idées et ses idéaux. Parallèlement, il devra donc être au centre, avec les présidents Berry et Hariri, du large cercle de concertations qui va se tisser localement autour du montage ministériel. Au stade actuel on n’a, à dire vrai, aucune idée de ce que le général pense au juste à ce sujet. Penche-t-il pour la proposition Hariri d’un Cabinet de technocrates, estime-t-il au contraire comme M. Berry qu’il faut un gouvernement parlementaire? On n’en sait trop rien. Comme on ne sait pas non plus si la Syrie va avoir des candidats déterminés, autrement dit si elle va maintenir le système des ministres dits inamovibles ou si elle va permettre au jeu de se jouer autrement. Son rôle sera en tout cas déterminant, admettent des sources loyalistes concordantes qui ajoutent que sans son intervention, plus ou moins feutrée, on risquerait sans doute l’impasse. À cause notamment de cette stimulante émulation, devenue une sorte de tradition nationale, qui oppose les deux pôles mahométans du pouvoir à la sauce Taëf, MM. Nabih Berry et Rafic Hariri. Le raisonnement se présente dès lors ainsi : pour que le nouveau régime puisse bien démarrer, il faut que l’arbitre syrien calme le jeu et neutralise l’antagonisme berryo-haririste qui fait désordre. Mais il y aura également à traiter d’autres difficultés. «L’idéal, relève un professionnel, serait de disposer de ministres qui tout en assurant une vraie représentation des principaux courants politiques du pays, Est compris, seraient techniquement compétents et moralement propres. Ces oiseaux rares, où les dénicher?» En effet, même si on laisse le facteur de probité de côté (pour essentiel qu’il soit aux yeux de l’opinion), on voit mal où trouver en nombre suffisant des politiciens qui soient en même temps des technocrates. Ce qui, soit dit en passant, donnerait satisfaction en même temps aux présidents Berry et Hariri… Il y en a certes quelques-uns, et du reste l’actuel Cabinet en compte, mais sûrement pas assez pour former toute une équipe. Surtout si, comme cela se répète un peu partout, on ne compte prendre dans le prochain gouvernement que des figures nouvelles… En outre, il faudrait que les ministres forment un team bien soudé, cohérent, discipliné. Ce qui sous-entend qu’ils seraient à la dévotion de leur coach en titre, M. Hariri et, cela va presque sans dire, on voit mal le président Berry ou les autres leaders locaux accepter de gaieté de cœur une telle monopolisation du pouvoir exécutif par l’actuel chef du gouvernement. Il n’est dès lors pas étonnant que, comme première entrave, des voix s’élèvent pour affirmer que chaque parti, chaque courant, chaque pôle doit garder le droit de désigner lui-même ses représentants au sein du Cabinet. Ce qui revient à dire qu’on ne veut pas laisser M. Hariri puiser à sa guise dans le vivier, pour être sûr de contrôler les éléments du groupe sans craindre de se retrouver encore une fois avec des ministres frondeurs. Les contempteurs du président du Conseil réclament de plus, à cor et à cri, un Cabinet des chefs et non plus de sous-fifres, sous prétexte que c’est le meilleur moyen de doper l’Exécutif au maximum côté crédibilité et popularité, surtout si l’Est jusque-là exclu devait en faire partie. Bref, il se trouve au départ peu de parties prêtes à faciliter la tâche de M. Hariri, ou plutôt à favoriser ses visées. Et il faudra donc voir de quel côté les Syriens, et le nouveau président de la République, vont faire pencher la balance.
C’est presque aussi saisissant qu’une scène de bataille épique du grand Kurosawa : de quelque côté qu’on se tourne dans le camp taëfiste, on n’arrive pas à distinguer le moindre pavillon libanais battant haut. À l’Ouest rien de nouveau : pour l’essentiel, la formation du prochain gouvernement dépendra, litote oblige, des décisions des décideurs… Mais ils ont...