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Actualités - OPINION

Visa pour l'espoir

Sélection faite, ne reste plus que l’élection: c’est à une pure formalité, à un rituel passablement obsolète que se réduit le scrutin parlementaire qui fera aujourd’hui, du général Émile Lahoud, le onzième président du Liban indépendant. L’Assemblée se bornera à ratifier le choix de la Syrie qui, après un assez long suspense, s’est porté, comme on sait, sur le commandant de l’armée. Qu’une option aussi capitale, aussi intimement nationale, soit l’apanage de Damas peut encore susciter, dans la grande presse internationale, des commentaires navrés; mais le fait ne surprend plus trop les chancelleries. Depuis des années, les démocraties occidentales se sont rendues, avec soulagement parfois, aux lois impitoyables de la géopolitique, dont la première veut que les petits poissons soient régulièrement mangés par leurs congénères plus gros. À cet impératif de réalisme est venu s’ajouter, pour les Libanais, le spectacle quotidien d’un comportement politique – celui de l’establishment de l’après-guerre – qui a conduit à banaliser l’anormalité. Parce qu’elle se place sous le signe d’un certain changement, parce qu’elle a suscité des espérances même parmi ceux – et ils sont nombreux – qu’effraie l’accession d’un militaire à la magistrature suprême, cette élection-là méritait toutefois que l’on y mît un tant soit peu la forme. À peine le sommet syro-libanais du 5 octobre était-il clôturé, en effet, que les plus hauts responsables y allaient de leurs bruyants alleluias oubliant ainsi toutes leurs préventions, sinon leurs aversions de la veille. Oubliant surtout le Parlement, ce théorique détenteur du pouvoir d’élire les présidents: omission d’autant moins charitable qu’il n’eut pas demandé mieux, le pauvre Parlement, que de se prêter une fois de plus à la classique opération du Saint-Esprit pour se poser en premier récipiendaire de la consigne. C’est dire que le Législatif, de manière plus dramatique encore que les autres pouvoirs, ne sort pas grandi de la présente échéance, malgré le baroud d’honneur livré par une poignée de députés lors du vote de mardi sur l’amendement de l’article 49 de la Constitution. Or l’ironie du moment veut que ce soit précisément sur l’homme choisi par la Syrie et élu par ce Parlement-là, sur le pur produit en version militaire de l’accord de Taëf, sur le soldat qui a veillé avec un zèle particulier à la sécurité de l’ordre établi que les citoyens placent le gros de leurs espoirs, afin qu’il œuvre … à modifier le système en place. Par la même ironie, c’est du même militaire que les Libanais attendent qu’il stimule une démocratie moribonde en la mettant à l’abri des ingérences, en favorisant une loi électorale qui assurerait une authentique représentation nationale et en attirant dans le giron de l’État tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce dernier. Bien plus que l’aval de la Syrie ou que les suffrages d’une Assemblée réduite à un rôle de figurant, ce sont ces espérances d’une population désemparée, déçue par toutes les promesses mensongères de réforme, dégoûtée par le pillage à grande échelle des caisses de l’État, qui font aujourd’hui la force d’Émile Lahoud. De ce remarquable capital de confiance découle une responsabilité, elle aussi hors du commun. Homme d’épée, le général devrait savoir mieux que quiconque que l’espoir est une arme à double tranchant: qu’on l’entretienne sans cesse par des actes concrets et non seulement en paroles, et il fend le roc le plus dur; mais qu’on le trahisse, même involontairement, et il se retourne fatalement contre vous. Plus dure, alors, sera la chute. Récupérer les chrétiens en mal de république sans pour autant faillir aux options qu’on lui a connues, tout au long de sa carrière, en matière d’interpénétration communautaire; assainir la fonction publique, dissuader les voleurs, les chasser du temple sans toutefois verser dans le parti pris et l’injustice; faire un sort à la troïka, ce véritable anti-pouvoir, sans jamais cesser de privilégier la quête d’un consensus national; prendre ses distances avec l’armée dont il est issu pour que soient évitées les dérives du chéhabisme, mais aussi pour préserver l’institution militaire elle-même, réunifiée par ses soins, du mal confessionnel qui affecte le pouvoir politique: ce ne sont là que quelques-uns des défis qu’aura à relever le nouveau président du Liban. Émile Lahoud est tenu de réussir: si énormes sont les enjeux qu’une nouvelle déconvenue aurait démontré, une fois pour toutes peut-être, que ce pays est proprement ingouvernable, avec toutes les conclusions qu’impliquerait un aussi désastreux constat. Car quel recours serait-il encore possible si devait s’effondrer, à son tour, l’idée de président fort ? Bon vent, général.
Sélection faite, ne reste plus que l’élection: c’est à une pure formalité, à un rituel passablement obsolète que se réduit le scrutin parlementaire qui fera aujourd’hui, du général Émile Lahoud, le onzième président du Liban indépendant. L’Assemblée se bornera à ratifier le choix de la Syrie qui, après un assez long suspense, s’est porté, comme on sait, sur...