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Actualités - ANALYSE

Présidentielle - Lahoud confronté à un double défi Sur les traces de Fouad Chehab ?

Les dés sont donc jetés. C’est avec une bonne dose d’espoir et d’optimisme affichés par une population désemparée que le nouveau régime entamera dans un peu plus d’un mois sa longue et difficile marche vers le redressement que l’on nous promet de toute part. Car c’est sous le signe du renouveau et de ce redressement hypothétique qu’a été placé, d’emblée, le futur mandat du général Émile Lahoud. Le contexte un peu trop pragmatique – et qui se passe de commentaires – dans lequel s’est opéré le choix qui a tranché l’énigme de la présidentielle illustre parfaitement le degré de realpolitik qui entoure la mission du successeur du président Elias Hraoui. Une mission peu commune dans un Liban (et un Proche-Orient) en pleine mutation. Il est désormais établi que le pouvoir libanais n’a pratiquement aucune emprise directe sur les développements en rapport avec le contentieux régional. Au cours des neuf dernières années, les dirigeants avaient même peu d’emprise sur le volet de la politique locale. La majorité silencieuse veut bien espérer que le nouveau maître de Baabda pourra quelque peu renverser la vapeur pour ce qui a trait, au moins, aux problèmes spécifiquement libanais. Le général Lahoud a rassemblé en effet depuis Taëf suffisamment d’atouts pour bénéficier, auprès du décideur, d’un large crédit qu’il devrait mettre à profit pour tenter de crever, enfin, l’abcès de la crise d’identité interne et des rapports libano-syriens. Concernant ce dernier point, beaucoup (pour ne pas dire tout) reste à faire. A commencer par la nature des rapports avec Damas. Le général Lahoud aurait-il la volonté, et les moyens, de réitérer l’expérience tentée – avec succès – par le général Fouad Chéhab, dans le sillage de son accession à la Première Magistrature de l’État, en 1958? Le fondateur de l’armée libanaise avait alors conféré dans le «no man’s land» de la frontière libano-syrienne, peu après son élection, avec le décideur de l’époque, Nasser, pour définir les bases d’une coopération stratégique, voire d’un alignement, en matière de politique étrangère. Une fois cet alignement garanti et bien établi, le général Chéhab avait su préserver une dignité nationale et une large marge de manœuvre au plan interne. Équilibre interne Un tel cas de figure, s’il se réitère dans la conjoncture présente, aurait d’abord pour avantage d’établir entre Libanais et Syriens un climat de confiance qui demeure fragile au niveau de la société civile et qui, de surcroît, n’est nullement favorisé, à titre d’exemple, par la force d’inertie qui continue d’entraver le développement de relations économiques saines et équilibrées entre les deux pays. Parallèlement, et sur un tout autre plan, les multiples échauffourées qui ont accompagné ces derniers temps les compétitions sportives entre équipes libanaises et syriennes ont mis en relief la nécessité de remédier au malaise certain qui marque les rapports populaires bilatéraux. L’affaire de Chehim, qui vient d’opposer la population du village aux ouvriers syriens, est sur ce plan particulièrement significative. Quant au volet local, si le général Lahoud parvient à relancer le précédent de Fouad Chéhab, il pourrait alors avoir l’opportunité d’ouvrir, enfin, le dossier crucial de l’équilibre politique interne. Car, quoi qu’on dise, le processus de Taëf est resté lettre morte pour tout ce qui a trait à la réconciliation nationale. Près de huit ans après la fin des combats, aucun dialogue sérieux et en profondeur n’a encore été enclenché entre les fractions locales et les forces vives du pays. Sans un tel dialogue et une réconciliation véritable, il ne saurait y avoir d’équilibre, et donc de stabilité, interne. Qui dit dialogue dit reconnaissance de l’existence de l’autre et du droit à la différence. Dans le monde entier, les particularismes les plus divers refont surface et s’affirment. Au Liban, d’aucuns s’obstinent encore à refuser d’admettre que le pluralisme culturel et socio-communautaire est non pas une tare, mais plutôt une source de richesse ainsi que l’expression du message dont le Liban est porteur, pour reprendre le propre terme du pape Jean-Paul II. Pour que ce pluralisme soit réellement un facteur d’épanouissement national, il faudrait que les différentes composantes du pays puissent exprimer amplement leurs aspirations et être représentées équitablement aux différents échelons du pouvoir. Ce fut le cas, au cours des dernières années, des composantes sunnite, chiite et druze. Les chrétiens, par contre, ont été dans une large mesure privés de représentation politique conforme aux réalités sur le terrain. Or l’entreprise de redressement et de renouveau tant attendue ne saurait être fondée sur la marginalisation de l’un des principaux éléments constitutifs du tissu socio-communautaire libanais. D’une certaine manière, tel est l’un des principaux défis auxquels sera confronté le nouveau régime. De l’aveu même des piliers de Taëf, il s’agit en effet de réconcilier les chrétiens avec l’État et de les réintégrer dans la vie publique, indépendamment de toute considération clientéliste ou politicienne. Mais cela nécessite, avant tout, de mettre un terme à la chasse aux sorcières qui n’a que trop duré. Cela nécessite aussi, et surtout, d’élaborer une loi électorale qui permette de refléter réellement le pluralisme politico-confessionnel qui constitue la raison d’être du Liban.
Les dés sont donc jetés. C’est avec une bonne dose d’espoir et d’optimisme affichés par une population désemparée que le nouveau régime entamera dans un peu plus d’un mois sa longue et difficile marche vers le redressement que l’on nous promet de toute part. Car c’est sous le signe du renouveau et de ce redressement hypothétique qu’a été placé, d’emblée, le...