Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Présidentielle Confusion et lassitude en raison de l'attentisme syrien

«L’élection du prochain président aura certainement lieu avant le 20 octobre», lançait fièrement un des innombrables piliers de la République, sans se soucier de l’impact d’un tel scoop sur le moral d’une opinion publique excédée par le flou entourant cette question. Encore heureux qu’il n’ait pas annoncé la grande nouvelle: le nom du prochain chef de l’État sera sans doute connu le 24 octobre, au plus tard… En moins d’un mois, «le climat présidentiel» a changé à plusieurs reprises, aussi vite qu’un orage apparu dans un ciel sans nuages. On est passé du panégyrique du général Emile Lahoud, à un énergique marketing pour une nouvelle prorogation. Depuis quelques jours, nous sommes entrés dans la phase des vantardises, chacun s’amusant à deviner, avec le plus grand sérieux la date de l’élection. Non seulement les favoris n’ont pas annoncé officiellement leur candidature, mais de plus, on ne sait toujours pas si la Constitution sera amendée, et à quelle date. Pour meubler le temps mort, les soi-disant faiseurs de présidents nous assènent des vérités de La Palice genre: «Il y a trois cas de figure: l’amendement de l’article 49 pour permettre l’accession à la tête de l’État d’un fonctionnaire de première catégorie, la prorogation du mandat actuel, ou l’élection d’un nouveau président». Un malaise à tous les échelons Le mot d’ordre qui se fait toujours attendre est à l’origine de la confusion dans laquelle est plongée la classe politique. «Au Liban comme en Syrie, personne, à part le président Hafez el-Assad, ne connaît le nom du prochain président», assure un ancien ministre et actuel député très proche de Damas. Selon lui, M. Assad n’a pas prononcé de nom lors de son entretien, le 16 septembre dernier, avec le chef du Législatif, «par égard» pour le président Elias Hraoui. M. Hraoui sera probablement le premier à connaître les préférences de son homologue syrien, à l’occasion du sommet qui doit les réunir prochainement. La perplexité provoquée par les renversements de situation a rapidement éclipsé le soulagement suscité par les analyses – et informations – faisant état d’une volonté syrienne d’assainir le climat politique au Liban. Le malaise est perceptible à tous les échelons de la société et l’espoir a cédé la place à la lassitude. L’amertume des Libanais indispose la Syrie. Damas veut en effet donner l’impression que la vie politique suit son cours normal au pays des cèdres, et veut montrer à la communauté internationale que sa gestion du dossier libanais est plus efficace qu’une autogestion. Cet état d’esprit risque aussi de perpétuer la frustration des Libanais, réduisant ainsi à néant ce qui a été réalisé depuis les élections municipales. Alors pourquoi le président Assad fait-il durer le suspense? Pourquoi ne tranche-t-il pas rapidement, afin de maintenir l’illusion que tout se fait d’une manière institutionnelle et dans le respect de l’opinion publique au Liban? Selon des sources bien informées, l’attitude du président syrien est dictée par deux principales considérations. D’abord, M. Assad voudrait que le choix du prochain chef de l’État libanais soit cautionné par les grandes puissances intéressées par le Liban, notamment les États-Unis et, dans une moindre mesure, la France. Ce n’est pas qu’il veuille partager avec une tierce partie le rôle de tuteur exclusif auquel il tient jalousement, mais il souhaiterait tirer le maximum de bénéfices de cette carte, en la transformant en objet de négociation. Et, en fin tacticien, M. Assad sait pertinemment que les dividendes de cette carte pourraient être investis ailleurs qu’au Liban. Peut-être dans le domaine des négociations avec Israël. Rien ne presse pour lui. Toutefois, les États-Unis ont refusé jusqu’à présent de se laisser entraîner dans ce jeu, sachant que si les Syriens les associent au processus de choix du président libanais, ils devront payer la facture immédiatement, et en devise forte. Chose qu’ils ne sont pas disposés à faire pour diverses raisons. L’administration américaine a donc notifié la Syrie qu’elle n’accordait pas un intérêt particulier à l’élection présidentielle libanaise, comme elle pourrait le faire pour toute consultation en Israël, au Mexique, au Panama… Et c’est grâce à l’ambassadeur à Beyrouth qu’elle a fait parvenir le message. M. David Satterfield a déclaré après une rencontre avec le président Nabih Berry le 24 septembre dernier que «le gouvernement US a clairement souligné que l’élection présidentielle est un choix purement libanais». Considérations internes La France a, quant à elle, adopté une position plus nuancée. Dans un communiqué publié, le 25 septembre, le Quai d’Orsay a déclaré que Paris «n’est pas indifférent» à l’élection présidentielle, même s’il considère que cette échéance «relève du choix du Parlement libanais». L’interlocuteur américain que M. Assad attendait n’était pas au rendez-vous. Mais le chef de l’État syrien, réputé pour être patient, attend toujours, avant d’annoncer ses préférences concernant la présidentielle. L’autre considération qui dicte l’attitude du président syrien est d’ordre interne libanais. Les sources précitées indiquent qu’en retardant son choix et en maintenant le suspense, Damas veut signifier au commandant de l’armée, qui a pratiquement été plébiscité par une grande partie de la classe politique, que son élection dépend aussi de la volonté syrienne. La crédibilité, l’intégrité du général Lahoud et la confiance qu’il pourrait inspirer à l’opinion publique sont certes des qualités qui pèsent en sa faveur, mais elles ne sont pas suffisantes pour le faire élire président. En 1995 d’ailleurs, le général avait bénéficié d’un élan de sympathie similaire. Plus d’une centaine de députés s’étaient, soit publiquement, soit indirectement, déclarés favorables à son élection à la première magistrature de l’État. Les députés avaient finalement voté une rallonge au mandat Hraoui, après que le président Assad eut déclaré à un journal égyptien qu’il existait au Liban «une unanimité» en faveur de la prorogation. Pour connaître le nom du futur président, il faut donc rester à l’écoute des médias égyptiens. Une image satirique et une réalité caricaturale. Voilà ce qu’est le Liban d’aujourd’hui. Celui de nos pères était-il meilleur? Celui de demain sera-t-il différent?
«L’élection du prochain président aura certainement lieu avant le 20 octobre», lançait fièrement un des innombrables piliers de la République, sans se soucier de l’impact d’un tel scoop sur le moral d’une opinion publique excédée par le flou entourant cette question. Encore heureux qu’il n’ait pas annoncé la grande nouvelle: le nom du prochain chef de l’État...